Risque incendie : cap vers les câbles sans halogène en France
Nouvelle norme liée à la sécurité incendie. Un arrêté du 23 mai 2024 préconise, qu’à partir de fin 2025, les câbles électriques installés soient résistants et émettent des fumées moins opaques et nocives, en cas d’incendie.
La nouvelle norme implique tous les établissements recevant du public (ERP) (centres commerciaux, des hôpitaux…) mais aussi les immeubles de grande hauteur (IGH) (tours de bureaux…). Le résidentiel, et les bureaux dans un immeuble privatif hors grande hauteur ne sont pas concernés. « La frontière sera quand même ténue sur les locaux à usage mixte, où il peut y avoir une partie d’ERP et une partie de bureau. Ce sera effectivement au maître d'ouvrage de clarifier », nous expose Guillaume Teixeira, président de Nexans France.
En revanche, la construction neuve comme les rénovations sont exposées à cette norme. « Ce qu'il faut retenir, c'est que cette nouvelle norme s'applique dès lors qu'il y a un dépôt de permis de construire dans un ERP ou un IGH. Le CCTP du lot électricité devra l’intégrer », ajoute M. Teixeira.
Objectif : 30 % de câbles sans halogène en France
Pour un fabricant de câbles électriques tel que Nexans, cette décision réglementaire, issue du Bureau de la Prévention et de la Réglementation Incendie, fait sens. Elle s’inscrit dans des efforts de R&D, en cours depuis 20 ans : le développement de câbles sans halogène.
« Aujourd’hui les câbles en France sont encore essentiellement fabriqués en PVC, en matière plastique, qui contient et émet des halogènes en cas d'incendie. Tout l'enjeu c'est de remplacer le PVC par des matières dites sans halogène, qui limitent la propagation du feu en cas d'incendie et surtout émettent des fumées moins opacifiantes et moins nocives », nous décrypte le président de son activité en France.
Il faut dire qu’en termes de sécurité incendie, Nexans a « déposé plus de 30 brevets à travers l'Europe et dans le monde ». Par exemple, en Espagne, ses solutions sans halogène concentrent 70 % des parts du marché. On ne peut pas en dire autant de la France, où un incendie sur quatre est d’origine électrique.
« La France est historiquement en retard sur les normes de sécurité incendie, par rapport aux câbles », déplore Guillaume Teixeira, avant de préciser : « Aujourd'hui, la grande majorité du marché français utilise encore des technologies avec halogène ou en PVC. On s'attend à ce que, dès l'année prochaine, il y ait progressivement jusqu’à 30 % des câbles installés qui intègrent cette technologie ».
Les électriciens à sensibiliser ?
Au-delà de l’arrêté, l’adoption des câbles sans halogène par la filière électrique en France (distributeurs, constructeurs et électriciens) se joue aussi dans la praticité de la solution.
« Tout ce que nous avons développé en termes d'ergonomie, de facilité d'installation, de flexibilité, de dégainabilité des câbles, au cours des 30, 40, 50 dernières années sur une technologie PVC, doit être complètement réplicable sur une technologie sans halogène », nous explique Guillaume Teixeira. « Cela a l'air simple comme ça, mais quand on change une composante majeure, le mélange qu'on utilise dans nos process industriels, cela peut avoir un impact très fort sur ces caractéristiques-là », poursuit-il.
D’autant que « le fait d'être capable de faciliter la vie des électriciens, de lui procurer un gain de temps, est primordial pour Nexans. Tout comme former aussi, renouveler la génération d’électriciens qui part à la retraite ». Le groupe se déclare confiant sur la question. À en croire le président de son activité en France, « l’électricien ne verra aucune différence » entre un câble sans halogène et celui qu’il appliquerait habituellement.
Verra-t-il cependant une différence côté prix ? Alors que les pénuries de cuivre perdurent - comme rappelé dans la dernière conjoncture FFB - et les process industriels s’allongent pour une telle solution, le coût grimpe forcément. Heureusement que «le câble, c'est moins d’1 % du coût global du bâtiment», nous mentionne M. Teixeira.
Un défi « d'abord industriel »
En résumé, « le challenge est d'abord industriel, puisque le marché va être très vite sensibilisé à ce basculement de norme, de par les permis de construire », pense Guillaume Teixeira.
Ce qui a motivé Nexans France à déployer 40 millions d’euros d’investissement pour son site d’Autun (Saône-et-Loire), répartis sur plusieurs années.
L’usine de 40 ans va se transformer « entre autres pour nous adapter à cette nouvelle norme, mais aussi pour moderniser, améliorer l'empreinte environnementale du site, le rendre encore plus compétitif. Parce qu'aujourd'hui, la plupart des câbles vendus en France sont encore produits en France. Et tant mieux : nous avons vocation à servir les besoins des électriciens en France depuis nos sites français », nous indique le président de Nexans France.
Propos recueillis par Virginie Kroun
Photo de une : Nexans