ZAN : le projet de loi examiné au Sénat
Quand ce n’est pas la sobriété énergétique, c’est la sobriété foncière qui s’invite dans les dossiers du gouvernement.
Ce mardi 14 mars, Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, assistait à l’examen de la proposition de projet de loi portant sur l’objectif zéro-artificialisation nette (ZAN) des sols, à horizon 2050.
Les sénateurs et députés y sont tous allés de leur proposition pour améliorer les modes d’application du ZAN, que les parlementaires avaient déjà approuvé par l’adoption de la loi Climat et Résilience.
« En matière d’artificialisation des sols, le gouvernement propose des objectifs ambitieux, mais se trompe sur la méthode », estime Valérie Létard , auteure de la proposition de loi sénatoriale. L’examen du texte sera l’occasion de trouver des compromis entre le gouvernement et les parlementaires.
Garantie rurale : 1 ha ou 1 % du territoire ?
Il y a par exemple la proposition d’une garantie rurale, qui permet aux 36 000 communes concernées de disposer d’une surface artifcialisable dans les prochaines décennies. Si le Sénat propose d’instaurer cet espace à 1 hectare par commune, le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires suggère un seuil de 1 % de la surface du territoire. Ce qui réduit l’espace de 36 000 ha à 20 000 ha, et permet d’instaurer une garantie rurale proportionnelle à la taille des communes.
Or « la garantie du droit à l’hectare n’ajoute pas 35 000 hectares à l’artificialisation des sols en France. Ce droit reste comptabilisé dans l’enveloppe régionale, donc il ne porte pas du tout atteinte aux objectifs de 2031 et de 2050. C’est seulement une répartition différente des droits à construire. En outre, la garantie rurale, comme toute garantie, est activée qu’en cas de nécessité », souligne Jean-Baptiste Blanc, rapporteur de la commission spéciale.
« Il faut permettre à chaque territoire, urbain comme rurale, de réaliser son potentiel. Attention à ne pas créer des gilets jaunes du ZAN », plaide à son tour Valérie Létard.
Plus de pouvoir aux territoires
« Il n’y a rien de plus territorial que la mise en oeuvre des objectifs de sobriété foncière », défend Jean-Baptiste Blanc face aux sénateurs. « Rien ne sera fait sans les élus, rien non plus ne devrait être fait contre eux. Ils sont les mieux à même d’apprécier les besoins des territoires. C’est pour cela que le texte cherche à leur apporter des outils. Je pense à la conférence régionale de gouvernance du ZAN. Je pense aussi aux outils juridiques apportés par la proposition de loi : le droit de préemption, et le motif de refus d’autorisation d’urbanisme spécifique aux enjeux de lutte contre l’artificialisation des sols. L’accès aux données est aussi un enjeu essentiel. Les élus constatent que celles fournies par l’État sont insuffisantes. Il est important qu’ils puissent utiliser celles qui viennent d’observatoires locaux », abonde-t-il.
Pour ce qui est des projets d’intérêt national d’envergure, le Sénat préconisait que les projets soient désignés à l’échelle régionale. Le gouvernement propose de diffuser préalablement, aux régions et au public, une liste de catégories pouvant prétendre à ce titre (ports, centres pénitentiaires…).
Le gouvernement intransigeant sur les délais des Sraddet
Christophe Béchu semble se réjouir du « chemin d’entente » qui se trace entre l’exécutif et le législatif. « Là où nous avons un sujet sans doute plus complexe, c’est celui du décret dit « Sraddet » », aborde toutefois le ministre.
En effet, les Schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), mais aussi d’autre documents comme les Schémas de cohérence territoriale (SCoT) et le Plan local d'urbanisme (PLU) devront être mis à jour, et compatibles avec l’objectif ZAN, respectivement d’ici février 2024, août 2026, et août 2027.
Or, les sénateurs ont réclamé en décembre un allongement d’un an du délai d’intégration de l’objectif ZAN dans les documents d’urbanisme et d’aménagement, le calendrier étant très contraint. « Si le Sraddet n’a pas caractère de prescription, la quasi-totalité de l’échange que nous allons avoir va s’arrêter à une discussion sur la visée courtoise des objectifs, sans mécanisme juridique qui permettra de maintenir cette trajectoire et l’atteindre », objecte cependant le ministre.
L’objectif ZAN et la construction neuve compatibles
Mais qu’en-est-il du modèle économique du ZAN, à modeler de tout urgence selon les parlementaires ? Certes, nombreux mécanismes ont été mis en place par le gouvernement pour revaloriser l’existant : fonds friche, fonds vert, soutien à la rénovation des bâtiments publics et des écoles… « Je vous rappelle que le ZAN, ce n’est pas choisir l’environnement contre le développement. On ne va pas arrêter de construire. Nous avons 170 000 ha de friches dans ce pays, dont près de 50 000 qui sont en zone tendue. Nous avons 1,1 million logements qui sont vacants (…) et qui pourtant ont fait l’objet de constructions et de réalisations », souligne Christophe Béchu.
Cependant, les mesures déployées par le gouvernement ne suffisent pas selon certains sénateurs. « Ce sont des ressources durables d’ingénierie, de fiscalité locale, qu’il faut mobiliser », évoque notamment Valérie Létard.
Reste à savoir si ces ressources peuvent être concédées facilement par le gouvernement, alors que l’adoption du texte doit normalement s’accélérer. « Il y a une procédure qui a été engagée sur le texte, qui peut permettre d’aboutir plus rapidement qu’une procédure normale, car elle demande qu’un seul passage devant chacune des chambres », a détaillé l’entourage de Christophe Béchu la veille. Et d’ajouter que « l’objectif était de faire converger le textes du Sénat et de l’Assemblée, pour donner une visibilité aux élus locaux, parce que les échéances d’actualisation des documents d’urbanisme se rapprochent ».
Virginie Kroun
Photo de Une : Sénat