Vers une réforme des CEE ? La Cour des Comptes l’encourage
Après le Pinel, la Cour de comptes livre ses conclusions concernant les certificats d’économies d’énergie (CEE), dans un rapport publié le 17 septembre.
Pour rappel, ce dispositif d’aide « consiste, via un mécanisme de marché, à obliger les fournisseurs d’énergies et les vendeurs de carburants automobiles, les « obligés », à soutenir des actions d’économies d’énergie, afin d’atteindre un objectif global pluriannuel réparti entre eux en fonction de leur volume de vente auprès des particuliers et des entreprises tertiaires », lit-on dans le rapport.
Et de préciser : « Les opérations d’efficacité énergétique financées peuvent être réalisées par les fournisseurs d’énergie eux-mêmes ou par les consommateurs finals et peuvent concerner tous les secteurs d’activité de consommateurs d’énergie : logement résidentiel, bâtiment tertiaire, transport, agriculture, industrie et réseaux ».
6,5 % de la consommation finale d’énergie économisée en 2020
Selon les estimations de la Cour des comptes, les CEE ont permis de financer plus d’un million d’opérations d’économies d’énergie chaque année, depuis 2021. Trois quarts de financements concernent la rénovation énergétique. De 2014 à 2020, le dispositif aurait permis de réduire de 106 TWh la consommation d’énergie finale de la France en 2020. Ce qui reviendrait à 6,5 % de la consommation finale à cette période, et à des économies de 20 TWh supplémentaires par an par rapport à cette date.
En parallèle, depuis 2015, le niveau d’obligation a plus que triplé, tandis que le gouvernement envisage un doublement des objectifs sur la période 2026-2030. Une décision qui pourrait permettre de franchir le seuil de -30 % sa consommation d’énergie finale en 2030.
Le problème, c’est qu’« à la logique de marché initiale, fondée sur le soutien aux économies d’énergie les plus rentables au moindre coût, se sont ajoutés de nombreux autres objectifs », mentionnent les auteurs du rapport. En témoigne les obligations de soutiens aux ménages précaires (CEE précarité), des programmes pour favoriser l’innovation ou des bonifications alloués au changement de chaudière ou l’isolation des combles.
« Or, le pilotage du dispositif connaît une instabilité chronique, dont témoignent les centaines de textes réglementaires adoptés entre 2018 et 2023 ou les diverses évolutions erratiques, à l’image des hésitations sur le soutien au remplacement des chaudières à gaz, d’abord promu puis abrogé », indique la Cour des Comptes.
Toutefois, des économies d’énergie surévaluées
D’autant que les fournisseurs d’énergie, contraints par le mécanisme des CEE, sont confrontés à des coûts liés à l'obtention de certificats. Ceux s'élèvent à 7,4 euros par MWh de CEE, pour un total de 6 milliards d’euros par an en moyenne, sur les années 2022 et 2023. Des montants répercutés sur les prix de vente de l'énergie, auprès des ménages comme des entreprises du secteur tertiaire.
« D’après les estimations de la Cour, en 2023, chaque ménage a ainsi, en acquittant ses factures d’énergies et en payant son carburant, financé à hauteur de 164 € le dispositif. Aucune réflexion d’ensemble n’a pourtant été menée sur l’articulation de ce dispositif, dont les effets sont inflationnistes, avec les mesures prises pour limiter les effets de la hausse des prix de l’énergie », est-il écrit dans le rapport.
La Cour des Comptes reproche également que les économies d’énergies réelles, affichées notamment à la Commission européenne, ne sont pas mesurées objectivement, mais « issus de calculs théoriques » et « jamais vérifiés par une mesure des consommations d’énergie réelles, après la réalisation des opérations ». En confrontant différentes sources, l’institution estime la surévaluation des économies d’énergie à 30 % au moins, pour 2022 et 2023.
« De plus, l’effet rebond, c’est-à-dire la hausse de consommation après la réalisation des travaux, liée à de possibles changements de comportement des ménages, n’est pas pris en compte », lit-on dans le rapport.
Sans compter l’explosion des fraudes, notamment liées au CEE et à d'autres aides à la rénovation énergétique. « Un tiers des opérations contrôlées sur site à la demande de l’administration révèle encore aujourd’hui des anomalies. Les bonifications temporaires généreuses conduisent manifestement à favoriser les comportements opportunistes et la fraude. Les sanctions sont par ailleurs modestes, tardives et les dispositifs de contrôles apparaissent peu adaptés », déplore la Cour des Comptes.
À défaut d’une suppression, une « réforme d’ampleur » des CEE préconisée
Parmi les conclusions du rapport : « Au vu des défauts et anomalies relevés par la Cour, la suppression du dispositif des CEE pourrait être envisagée ». Mais si le mécanisme est conservé, la Cour des comptes encourage une « réforme d’ampleur » de ce dernier, car considéré comme « complexe et coûteux pour des résultats incertains ».
Son rapport liste d’ailleurs sept recommandations pour améliorer la politique des certificats. D’abord, il conviendrait de passer par la loi portant la stratégie française pour l’énergie et le climat. L’idée serait de soumettre au Parlement un niveau précis d’obligations d’économies d’énergie, pour chaque période quinquennale.
La Cour des comptes préconise ainsi l’abandon de paramètres structurants du dispositif dans la programmation pluriannuelle de l’énergie, mais aussi du financement de programmes définis à l’article L. 221-7 du code de l’énergie par le dispositif des CEE, ayant trait aux opérations industrielles.
Pour plus de transparence et de lisibilité sur l’efficacité des CEE, les auteurs du rapport conseillent des « études gisement préalables » mentionnant le coût total du dispositif, mais aussi un calcul fiable des économies d’énergie et une publication annuelle des résultats.
Le tout complété par « un plan d’action renforcé de lutte contre la fraude aux certificats d’économies d’énergie ». Pour chaque demande de certificat, la Cour des comptes recommande que soit précisé le montant des travaux ou équipements financés comme des autres aides obtenues, le nombre de ménages concernés ainsi que d'autres informations « essentielles à l’évaluation du dispositif ».
Virginie Kroun
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