Marseille : les propriétaires d’un immeuble insalubre condamnés
L'immeuble en question, situé au 7 rue de Versailles, est un édifice de six étages qui abrite 27 logements dans le quartier de La Villette, dans le 3e arrondissement de Marseille. Construit en 1933, il s'est dégradé au fil des années, devenant un danger pour la santé et la sécurité de ses habitants.
Une situation devenue désastreuse, qui a été mise en lumière lors d'une audience qui s'est tenue le 28 juin dernier. Le tribunal a diffusé un reportage télévisé montrant une cour transformée en déchetterie, jonchée de seringues abandonnées par les toxicomanes du quartier, une toiture qui laisse filtrer l'eau, des escaliers détériorés, une structure du bâtiment en état de délabrement avancé et la présence d'une multitude de nuisibles.
Les propriétaires de ce bâtiment insalubre ont été condamnés à des peines de trois à huit mois de prison avec sursis, et 20 000 à 70 000 euros d’amendes pour non-réalisation des travaux ordonnés par un arrêté d’insalubrité frappant les parties communes.
Quel(s) responsable(s) ?
Deux groupes de propriétaires immobiliers sont au centre de cette affaire : d'un côté, un couple composé d'une attachée territoriale et d'un promoteur ; de l'autre, des membres d'une même famille rassemblés au sein de deux Sociétés Civiles Immobilières (SCI). Ils se sont mutuellement renvoyés la responsabilité de l'absence de réalisation des travaux requis par le préfet.
Le procureur Guillaume Bricier a qualifié cette attitude de spéculation immobilière, et a pointé du doigt les motivations économiques sous-jacentes à l'acquisition de biens dans l'un des quartiers les plus défavorisés de France.
La présidente du tribunal, Stéphanie Donjon, a balayé les tentatives de certains prévenus de rejeter la faute sur les locataires pour l'état insalubre de l'immeuble. Elle a réfuté cet argument, déclarant que les locataires ne pouvaient pas être tenus responsables de l'absence d'aérations ou des conditions de surpeuplement subies dans certains logements.
Près de 27 000 euros de dommages et intérêts
L'audience a également mis en lumière des histoires humaines poignantes, comme celle d'un jeune artisan menuisier originaire de Haute-Savoie. Ayant acquis un appartement en 2010, il a fait preuve de bonne foi en payant sa partie des travaux, contribuant ainsi à la réalisation de plusieurs rénovations. Une attitude exemplaire soulignée par la présidente. À l'image de deux propriétaires d'un lot qui ont été relaxés par le tribunal en raison de leur « particulière bonne foi ».
En plus des peines d'amende et de prison, certains propriétaires ont été condamnés pour avoir violé l'interdiction d'occupation des locaux insalubres et pour avoir refusé de reloger leurs locataires. La Ville de Marseille a dû prendre en charge le relogement, générant des frais dépassant les 18 000 euros.
Enfin, quatre familles vivant dans cet immeuble, dont des enfants exposés à des risques de saturnisme liés au plomb, ont été indemnisées à hauteur de 26 900 euros au titre des dommages et intérêts.
Une affaire symbolique de la lutte acharnée contre l'habitat indigne à Marseille, entreprise après l'effondrement tragique de deux immeubles en novembre 2018, causant la mort de huit personnes.
Marie Gérald (Avec AFP)
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