Lafarge conteste sa mise en examen pour complicité de crimes contre l’humanité
Depuis 2018, l’entreprise Lafarge, désormais filiale d'Holcim, est mise en examen pour « financement d’entreprise terroriste » et « mise en danger de la vie d’autrui » et pour « complicité de crimes contre l’humanité », depuis le pourvoi en Cassation en mai 2022.
Les accusations portent sur des allégations selon lesquelles le groupe aurait versé plusieurs millions d’euros en 2013 et 2014 à des groupes jihadistes, via sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS), dont l’État islamique (EI), ainsi qu’à des intermédiaires, dans le but de maintenir l’activité d’une cimenterie en Syrie à Jalabiya, alors que le pays était en pleine guerre civile.
Dans ce contexte, Lafarge avait choisi de maintenir ses salariés syriens sur le site jusqu'en septembre 2014, tandis que ses employés étrangers avaient été évacués dès 2012.
Les salariés syriens étaient exposés au risque d'extorsion et d'enlèvement
L'une des principales questions soulevées lors de cette affaire concerne l'applicabilité du droit du travail français pour les salariés employés en Syrie par une sous-filiale de droit syrien, détenue à plus de 98 % par la société-mère française. Le rapporteur de l'affaire a rappelé que « les salariés syriens avaient été exposés au risque d'extorsion et d'enlèvement ».
L’avocat de Lafarge, Me Patrice Spinosi, a plaidé que le droit français ne pouvait pas s’appliquer dans ce cas, s’appuyant notamment sur un avis de la chambre sociale de la Cour de cassation du 4 juillet. Cet avis conclut que les obligations légales de l’employeur en matière de formation à la sécurité et de mise à jour du document unique d’évaluation des risques, que Lafarge n’a pas respectées en Syrie, ne relèvent pas des lois de police, dont l’application ne peut pas être imposée.
Cependant, l'avocate du Centre européen pour les droits constitutionnels et humains (ECCHR), Catherine Bauer-Violas, qui représente deux salariés en tant que parties civiles, a maintenu que le « contrat de travail présente des liens plus étroits » avec la France qu'avec la Syrie. Elle a insisté sur le fait que Lafarge exerçait un réel pouvoir de direction sur les salariés syriens et encadrait les règles de sécurité applicables à la filiale.
L'avocat général, quant à lui, a préconisé le rejet de l'ensemble du pourvoi de Lafarge, en avançant que « les décisions [Lafarge SA] a prises en France à son siège social ont démontré que sa filiale syrienne n'était finalement qu'une coquille vide ».
Dans cette affaire sont également poursuivis le PDG de Lafarge, Bruno Lafont, son directeur Sûreté, Jean-Claude Veillard, et l'un des ex-dirigeants de sa filiale syrienne, Frédéric Jolibois.
Marie Gérald (Avec AFP)
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