Vagues de chaleur : comment rafraîchir sans climatisation ?
Contrairement aux systèmes de climatisation traditionnels, certaines solutions permettent de maintenir une température agréable sans consommer d'énergie supplémentaire, contribuant ainsi au respect des objectifs fixés par la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC).
Refroidir l’air grâce à l’évaporation de l’eau
Face à ces enjeux, le refroidissement adiabatique fait son grand retour parmi les solutions choisies pour se rafraîchir. Cette méthode ancestrale, souvent comparée au « torchon mouillé de la grand-mère », d’après Frédéric Jullien, directeur général de Kingspan Light + Air, consiste à « mouiller un torchon qu’on suspend à la fenêtre. Ainsi, lorsque l'air extérieur passe à travers le torchon humide, il se rafraîchit naturellement », explique-t-il.
L'air extérieur est aspiré à travers des médias filtrants en carton humidifié par une pompe à eau, et est ensuite projeté dans le bâtiment, permettant une baisse de température pouvant atteindre jusqu'à 10 degrés.
Contrairement à la climatisation, ces rafraîchisseurs n'utilisent pas de fluide frigorigène, et consomment jusqu'à 10 fois moins d'énergie. « Si une climatisation classique nécessite 1000 kWh par an, un système adiabatique n'en nécessitera que 100 », précise M. Jullien.
L'installation d'un refroidisseur adiabatique se fait généralement en toiture, avec la création d'une ouverture et la mise en place de chevêtres pour supporter le système. Un gainage métallique distribue la fraîcheur aux zones nécessaires, et le système est contrôlé électroniquement pour ajuster la température et l'humidité en fonction des besoins.
Cette solution, bien que moins connue, est adaptée aux bâtiments tertiaires tels que les salles de sport, les gymnases et autres espaces de grande taille. En termes de consommation d'eau, « des mesures sont prises pour minimiser cet impact, notamment avec des cuves de récupération d'eau de pluie », relève-t-il.
En ce qui concerne les coûts, le prix d'installation d'un rafraîchisseur d'air adiabatique varie entre 5 000 et 10 000 euros. Kingspan annonce que ses ventes ont atteint 300 000 euros sur la première moitié de 2024, et que les prévisions pour cette année sont de 600 000 euros, avec des projections dépassant le million d'euros pour l'année prochaine.
Réduire la chaleur en bloquant les rayons du soleil…
Le refroidissement nocturne et les protections solaires sont aussi des solutions efficaces pour gérer la chaleur en évitant le recours à la climatisation. Ces dernières, installées sur les façades des bâtiments, permettent de réduire la chaleur en bloquant les rayons du soleil avant qu'ils n'atteignent les fenêtres.
« En journée, ces protections sont très utiles, surtout pendant les périodes chaudes. La nuit, les ouvrants de façade comme le « night cooling » permettent la circulation de l'air frais, à la manière dont nous ouvrons les fenêtres la nuit pour rafraîchir les maisons en été. C'est particulièrement pertinent dans un contexte où les températures estivales atteignent des niveaux record », indique François Laurent, responsable des ventes Duco France.
Par ailleurs, le fabricant d’équipements de ventilation insiste sur l’importance d’avoir une bonne protection solaire avant d'installer le night cooling, « sinon la chaleur accumulée durant la journée rend le système inefficace », souligne-t-il.
Les architectes et bureaux d'études doivent également « conseiller correctement sur l'installation et la gestion des systèmes passifs. Par exemple, l’utilisation de brise-soleil doit être optimisée selon l'orientation du bâtiment. En période de canicule, ouvrir les fenêtres manuellement peut être contre-productif si cela se fait alors qu'il fait encore très chaud dehors. Cela implique une responsabilité envers les générations futures pour ne pas aggraver la pollution et le réchauffement climatique », développe-t-il.
Un enjeu également abordé par l’entreprise Luminis Films, créée en 2006, qui propose des films adhésifs anti-chaleur « prêts à poser ». L'objectif : renvoyer les rayons du soleil avant qu'ils n'entrent dans la pièce, et ainsi diminuer la chaleur à l'intérieur de l'habitat pendant l'été.
« Nos films solaires, basés sur une technologie de métallisation et de nanoparticules de céramique, rejettent jusqu'à 90 % de l'énergie solaire, permettant ainsi de réduire fortement le recours à la climatisation et favorisant une isolation passive », développe Amandine Labalme, responsable marketing de la marque.
Ces films anti-chaleur s'adaptent à tous types de fenêtres et bâtiments, du simple vitrage domestique aux grandes surfaces commerciales.
… ou en les absorbant
Les peintures anti-chaleur proposées par l’entreprise Enercool représentent une autre solution prometteuse. Fondée en 2020, l'entreprise française conçoit des peintures réfléchissantes pour réduire la chaleur absorbée par les bâtiments.
« Habituellement, les toitures sont recouvertes de bitume noir qui absorbe la chaleur. En appliquant une peinture blanche, on diminue la température de surface car le revêtement réfléchit davantage de chaleur, réduisant ainsi la chaleur entrant dans le bâtiment et la nécessité d'utiliser la climatisation », explique Adeline Constant, responsable marketing.
Les peintures d'Enercool contiennent des pigments extrêmement blancs et des aérogels de silice, des isolants thermiques très efficaces. « Cela permet de créer une couche isolante mince sur la toiture, réduisant la conductivité thermique », ajoute-t-elle.
Si la peinture anti-chaleur est principalement efficace sur les toitures, elle peut également être appliquée sur d'autres surfaces mais ont certaines limites. « Sur les parois verticales, le blanc peut causer un éblouissement, ce qui est moins pratique», souligne la responsable marketing d'Enercool.
L'un des principaux avantages des peintures réfléchissantes d'Enercool est leur capacité à réduire la consommation d'énergie. « Une fois appliquées, elles sont immédiatement efficaces, et permettent de réduire la consommation de climatisation d'environ 40 %. Elles améliorent le confort thermique de 4 à 6 degrés selon l'isolation du bâtiment », révèle-t-elle. Quant à leur entretien, « il suffit de nettoyer les toitures tous les deux ans pour maintenir leur efficacité. Les pigments réfléchissants doivent être visibles pour fonctionner correctement», poursuit-elle.
Avec les canicules de plus en plus fréquentes et les fluctuations des prix de l'énergie, les solutions passives telles que les peintures réfléchissantes gagnent en popularité. « En France, les nouvelles réglementations favorisent ces solutions, mais la climatisation reste nécessaire dans certains cas », conclut Adeline Constant.
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Propos recueillis par Marie Gérald
Photo de Une : Adobe Stock