Un lien entre extraction de granulats marins et érosion du littoral ? (étude)
Ressources de proximité répondant notamment aux besoins de la construction, les granulats marins ont fait l’objet d’une étude réalisée en 2021 par l’établissement public Cerema et la société de conseil et d’ingénierie Artelia, pour l’Union Nationale des Producteurs de Granulats (UNPG).
« Cette étude vient clarifier l’implication de la profession dans l’acquisition de connaissances sur l’impact potentiel de l’extraction en mer sur le trait de côte. Elle montre l’évolution du traitement du sujet dans les études d’impacts des dossiers de demande d’exploitation de granulats marins en fonction de l’évolution des connaissances scientifiques », décrit Laëtitia Paporé, présidente de la commission granulats marins de l’UNPG.
Les phénomènes d’érosion ou de recul du trait de côte, particulièrement surveillés en zone littoral préoccupent les populations locales. Pour cause : « les stocks sédimentaires ne semblent plus suffire pour réalimenter les plages et protéger les enjeux côtiers », relève l’étude.
Qu’est-ce qu’un trait de côte ?
Comme rappelé durant l’étude, le trait de côte désigne l’espace littoral à l’interface entre la terre, la mer et l’atmosphère. Son évolution dépend de sa nature intrinsèque (type de côte, disposition et résistance des roches, topographie de l’arrière-pays…), de phénomènes atmosphériques (vents, dépressions, précipitations, etc.) et hydrodynamiques (niveau marin, vagues, courants associés, débits des fleuves), mais aussi d’activités humaines. |
3 à 4,5 millions m3 de sédiments extraits par an
Selon l’étude, l’érosion du trait côté varie selon des paramètres naturels : les temps et les phénomènes naturels d’adaptation du stock sédimentaire, la morphologie des côtes (plages, dunes, falaises…) ou bien la présence d’habitats naturels côtiers (herbiers, mangroves, cordons lunaires) servant de « zone tampon ».
« À l’échelle annuelle, les vitesses moyennes d’érosion sont parfois supérieures à 3 m/an. Lors d’événements tempétueux (de forte intensité ou répétitifs), les reculs instantanés d’érosion peuvent même atteindre plusieurs dizaines de mètres (par exemple, à l’occasion des tempêtes successives de l’hiver de 2013-2014 qui ont touché les côtes atlantiques) », relève-t-on notamment.
À cela s’ajoutent bien évidemment les interventions humaines d’ordre économique, touristique, agricole ou urbaine, qui perturbent le bon fonctionnement des milieux naturels littoraux. « Ce sont ainsi près de 16 000 ouvrages et aménagements côtiers qui ont été recensés en France métropolitaine et sur les 5 départements et régions d’outre-mer (…) dont plus de la moitié du linéaire correspond à des ouvrages construits dans un but de fixation du trait de côte ou de lutte contre les effets locaux de l’érosion », rapportent les auteurs de l’étude.
Mais ironiquement, ces aménagements contribuent à l’artificialisation des sols (moyenne de 30 %), ne remédient pas au problème d’érosion voire l’empirent, provoquant en particulier l’abaissement de la plage, par le changement de direction des vagues en pied d’ouvrage. Sans compter usages et activités en mer : pêche, éolien en mer voire extraction des granulats marins.
« Les extractions de granulats marins ont vocation à exploiter cette ressource en dehors de son système d’origine ; il s’agit donc uniquement de pertes pour le système. Les extractions concernent essentiellement des sédiments de type sables, graviers ou galets. Le recensement UNPG entre 2000 et 2019 indique une production comprise entre 3 à 4,5 millions de m3/an », lit-on dans l’étude. Des activités pouvant avoir des effets potentiels sur les milieux naturels (faune, flore, turbidité...) et l’évolution du trait de côte.
Extraction de granulats en mer et recul du trait de côte, un lien à étudier au « cas par cas »
Bien que reconnus et pris en compte dans la réglementation française, ces impacts demeurent pourtant difficiles à quantifier. « À ce jour, aucune étude ne démontre en France un recul du trait de côte directement imputable aux seules extractions de granulats en mer », estiment le Cerema et Artelia. Sonder les conséquences de l’extraction de granulats en mer sur l’érosion du trait de cote et les stocks sédimentaires nécessitent des « études locales, au cas par cas ».
Pourtant, ce n’est pas faute de constater sur les différentes régions littorales de France métropolitaine, un recul de trait de côte important. On le constate particulièrement sur les zones littorales s’étendant de la pointe du Hourdel au cap d’Antifer (-56 %) ou de la pointe de Suzac à la frontière espagnole (-41 %). Si on se concentre sur ces deux périmètres, le premier concentre quatre concessions d’extractions autorisées en 2020, et le deuxième seulement une.
L’étude du Cerema et d’Artelia semble surtout établir un lien entre aménagement côtier et recul du trait de côté. Ainsi, sur les deux zones évoquées avant, un tiers des côtes seraient impactées par ces manifestations humaines.
Si le rapport n’établit pas un réel lien entre extraction de granulats en mer et recul de trait de côte, il n’empêche qu'« il s’agit d’une première étape importante en matière de partage de données et de connaissances suivi par l’élaboration en cours du guide méthodologique », estime la présidente de la commission granulats marins de l’UNPG.
Conçu en collaboration avec le ministère de la Transition Ecologique et de la Cohésion Territoriale (MTECT), ce futur document tend à accompagner l’évaluation des impacts potentiels des extractions sur l’évolution du trait de côte, transposable à tous types de concessions, en fonction de leur contexte (côtier, estuarien, secteurs de falaises…).
Pour consulter l’étude complète, rendez-vous sur ce lien du site de l’Unicem.
Virginie Kroun
Photo de Une : Adobe Stock