Travail détaché : condamnation d'un promoteur, une première en France
Promogim a été condamné à 210 000 euros d'amende pour complicité de travail illégal, pour un chantier de 43 logements à Pringy (Haute-Savoie), dirigé par une de ses filiales. En 2007, le maître d’œuvre confie les travaux de maçonnerie à la société turque Pala, pour un prix très bas.
Ce tarif ultra-compétitif s'explique : le maçon sous-traite les travaux à une entreprise polonaise, Manualis, qui exporte ses ouvriers en France en tant que travailleurs détachés.
Première condamnation d'un client pour les actions de son sous-traitant
Payés comme en Pologne, les ouvriers travaillent également dans des conditions d'hygiène et de sécurité non conformes. « Il y avait manifestement un chantier qui était sorti des clous », selon Renaud Collard de Soucy, président de la fédération du bâtiment de Haute-Savoie.
Alertée, la fédération s'est portée partie civile dans l'affaire, après une inspection du chantier en 2008. Après une première condamnation par le tribunal correctionnel d'Annecy, Promogim a été condamné en appel le mois dernier et ne compte pas se pourvoir en cassation. Selon la fédération du bâtiment de Haute-Savoie, c'est la première fois qu'un client est condamné pour les actions de son sous-traitant.
Co-responsabilité des chantiers : un principe inadapté au bâtiment ?
Jusqu'ici, la justice s'était bornée à condamner les seuls sous-traitants pour les conditions de travail irrégulières dans lesquelles ils plongent leurs travailleurs détachés. « Avec ce jugement, les maîtres d'ouvrages ne peuvent plus rejeter la responsabilité sur les sous-traitants. Ils savent que lorsque ça dérape, ils peuvent être inquiétés », s'est réjoui Renaud Collard de Soucy.
Depuis une loi de 2011, les maîtres d'ouvrages sont considérés comme co-responsables des chantiers de leurs sous-traitants. Mais pour Promogim, ce principe est inadapté au bâtiment. « C'est impossible pour nous maîtres d'ouvrages, d'aller vérifier sur chacun des chantiers les conditions dans lesquelles les ouvriers travaillent », a regretté le patron du promoteur, Christian Rolloy.
Le bâtiment, premier secteur en 2013 à recruter des travailleurs détachés
Il assure que le prix de la prestation avait paru normal à Promogim, qui dirige actuellement plus de 150 chantiers dans l'Hexagone. « Quand il achète une prestation à un prix anormalement bas, le maître d'ouvrage est tenu de se poser des questions », a maintenu Thierry Terbins, secrétaire général de la fédération.
Au moment où le travail détaché fait polémique, le bâtiment est en 2013 le premier secteur à recruter des travailleurs détachés, selon un récent rapport du ministère du Travail. Le BTP concentre ainsi 42% de jours travaillés de salariés détachés en France, en équivalent temps plein.
B.P (avec AFP)
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