Femmes dans le BTP : briser les barrières de la pénibilité
Pouvez-vous nous partager votre parcours et votre expérience en tant que femme chef d'entreprise dans le secteur du bâtiment ?
Marie-Pierre Marie : Mon parcours est assez atypique. J'ai d'abord souhaité devenir couvreuse en 2007, mais à l'époque, le métier n'était pas encore ouvert aux femmes, nous n'avions même pas accès aux formations. J'ai alors décidé de travailler en tant que tapissière et séllière garnisseuse.
Quelques années plus tard, en 2013, l'opportunité s'est présentée lorsque mon conjoint a envisagé de reprendre l'entreprise familiale, spécialisée dans la couverture. On a donc décidé de nous associer en créant SARL Couverture et Tradition, notre propre entreprise, située dans la même ville que celle de mes beaux-parents, tout en préservant une partie de la clientèle. Par la suite, on a orienté l'activité selon nos propres préférences et objectifs.
Depuis la refonte de l'entreprise, je n'ai jamais suivi de formation, mais j'ai longuement été accompagnée par les Compagnons. J'ai dû créer mon propre chemin pour pouvoir exercer le métier de mes rêves.
Avez-vous remarqué des changements dans l'accès à la formation pour les femmes dans le secteur du bâtiment, depuis vos débuts en 2007 ?
M.-P. Marie : Oui, il y a eu des avancées significatives.Les formations sont désormais beaucoup plus accessibles aux femmes, et des retours que j'en ai, il y eu un véritable changement d'attitude de la part des hommes lors des sessions de formation. Bien que les premières minutes puissent être encore marquées par la surprise d'une présence féminine, ces dernières sont rapidement reconnues et traitées comme des professionnelles.
Malgré des préjugés persistants, les entreprises du secteur de la construction commencent désormais à modifier leurs annonces de recrutement pour inclure des termes plus neutres et encourager la diversité.
Comment percevez-vous la prise en compte de la pénibilité sur les chantiers, notamment en ce qui concerne les femmes ?
M.-P. Marie : La prise en compte de la pénibilité a évolué de manière positive, non seulement pour les femmes, mais aussi pour l'ensemble des travailleurs du secteur. Des mesures telles que la réduction du poids des sacs de matériaux ont été bénéfiques pour tous. De mon côté, en tant que couvreuse, j'adapte certains outils sur les chantiers pour les rendre plus ergonomiques et confortables.
En tant que petite entreprise, on se concentre également sur des aspects pratiques tels que l'accès aux toilettes pour les femmes sur les chantiers, mais il reste encore des défis, notamment en ce qui concerne les coûts plus élevés des équipements, spécifiquement conçus pour les femmes.
En tant que vice-présidente de la Commission départementale des femmes de l'artisanat au sein de la Capeb, quel rôle jouez-vous dans la sensibilisation aux problèmes de pénibilité ?
M.-P. Marie : Mon rôle est de sensibiliser la Confédération de l'Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment (Capeb) aux spécificités des femmes artisans sur les chantiers. Je souligne les problèmes rencontrés, tels que les équipements inadaptés, et je travaille à créer une compréhension mutuelle entre les femmes travaillant sur le terrain et celles occupant des postes administratifs. Mon objectif est de mettre en avant l'importance de considérer les compétences au-delà du genre et encourager une approche égalitaire basée uniquement sur les qualifications de chacun. J’aborde également la question de la charge mentale et de l'équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle.
Bien qu'il y ait eu une prise de conscience et que certains progrès ont été réalisés, je trouve qu'il reste encore de nombreux efforts à faire. Certes, il y a une augmentation de la présence des femmes dans les formations, et c'est très positif, mais il est essentiel de sensibiliser les jeunes générations dès le choix de leur carrière.
Il faut continuer à changer les mentalités, notamment en mettant en avant les réussites et les compétences des femmes du secteur, et à travers cette commission, on contribue à changer les perceptions. La visibilité et la représentation sont primordiales pour montrer que les femmes peuvent exceller dans le domaine du BTP. Et puis, il faut continuer à organiser des événements de sensibilisation, comme la journée des femmes dans le bâtiment, par exemple.
Quelles sont vos recommandations pour réduire la pénibilité sur les chantiers ?
M.-P. Marie : Une meilleure prise en charge des équipements adaptés aux femmes est primordial. Il est nécessaire de remédier à la « taxe rose » [procédé qui consiste à appliquer une politique de prix majorés sur un produit ou un service à la seule justification du genre, NDLR] sur les équipements de travail, qui sont souvent plus coûteux pour les femmes.
De plus, des incitations et des aides aux entreprises pour faciliter l'aménagement de leurs locaux en faveur des femmes seraient bénéfiques.
Un petit mot pour toutes les femmes qui souhaitent s'engager vers des métiers du BTP ?
M.-P. Marie : Je demande aux femmes de ne pas se laisser décourager pas les préjugés et les stéréotypes. Testez le métier, découvrez si vous avez les capacités nécessaires et concentrez-vous sur votre passion. Ne vous posez pas la question du genre, mais plutôt de savoir si c'est ce que vous voulez faire. Le BTP offre des opportunités pour tous, indépendamment du genre !
> Consulter le dossier spécial Pénibilité dans le BTP
Propos recueillis par Marie Gérald
Photo de une : Marie-Pierre Marie.