Construction neuve : « Attention à la panne ! », prévient la FFB
La construction neuve « est en danger ». Lors d’un point presse organisé ce mardi 23 mars, le Président de la Fédération Française du Bâtiment (FFB), Olivier Salleron, a fait part de son inquiétude. « Sur le logement neuf, le bilan 2020 est le plus mauvais possible depuis 25 ans ». Ainsi, malgré des carnets de commande « plutôt favorables », des perspectives de recrutement et des entreprises qui sont à quasiment 100% de leurs capacités, la tendance est à la baisse. « Attention à la panne fin 2021, début 2022 », prévient ainsi Olivier Salleron.
Dans le détail, 351 000 logements ont été commencés en 2020, soit 10 000 unités en dessous de la moyenne de longue période. En cumul de novembre 2020 à janvier 2021, les mises en chantier reculent de – 13% et les permis de construire, de – 9%. Compte-tenu des données, la FFB table sur un repli des mises en chantier de – 12,6% en 2021, à 307 000 logements, soit un niveau similaire à celui rencontré lors de la crise des années 90. La situation pourrait même « être pire » si le chiffre est rapporté au nombre de ménages. En 1990, on comptait 14 logements commencés pour 1 000 ménages, contre 10 logements commencés pour 1 000 ménages en 2021. « C’est une catastrophe (…) d’autant plus que 2022 s’annonce d’ores et déjà très mauvais sur le collectif ». « Donc où allons-nous loger nos concitoyens d’une façon plus confortable, décente ? Et comment allons-nous faire pour loger ceux qui n’ont pas de domicile fixe, c’est-à-dire les 200 à 300 000 personnes qui dorment encore dans la rue ? Comment allons-nous faire pour rattraper le million de logements qui manque ? ». Il y a urgence à agir pour la construction neuve.
Le non résidentiel souffre aussi
Le bilan 2020 du non résidentiel est « encore plus mauvais ». Les surfaces commencées et autorisées enregistrent une baisse respective de – 16% et – 19%. Même tendance en glissement annuel sur trois mois à fin janvier 2021 avec un recul de – 21% des surfaces commencées et de – 16% des surfaces autorisées. « Tous les segments contribuent à la dégringolade, y compris la commande publique ».
L’amélioration-entretien sauve les meubles
En volume, l’amélioration-entretien enregistre un repli « beaucoup plus contenu en 2020 ». « C’est encore un peu décevant sur le quatrième trimestre puisqu’on annonce une baisse de l’activité de – 2% (au sens de la facturation) par rapport au T3 2019. On le voit quand même. L’amélioration-entretien résiste mieux » avec un recul global de – 5% sur l’année. La tendance devrait s’améliorer cette année grâce à la montée en puissance du Plan de relance et de MaPrimeRénov’. Un dispositif qui connaît « un succès formidable et c’est tant mieux ». « Il va falloir suivre au niveau administratif » tant au niveau des dossiers à traiter que des subventions à payer.
L’emploi menacé
Grâce au dispositif de soutien mis en place par le Gouvernement, l’emploi « se maintient », note Olivier Salleron. « Seuls » 2 900 postes ont été détruits en 2020 (- 0,2% vs – 15% pour l’activité). Grâce à une reprise « réussie » lors du premier confinement et le maintien de l’activité lors du deuxième confinement, « le bâtiment a créé 22 300 emplois salariés permanents qui ont permis de compenser la perte de 25 200 postes intérimaires ».
Olivier Salleron déclare néanmoins que l’avenir « s’annonce plus compliqué ». Avec 44 000 logements perdus en 2021 et un ratio de 1,6 emploi mobilisé dans l’ensemble de la filière par logement construit, « 70 000 emplois seront menacés à l’horizon 2022 ». En tenant compte de la chute du non résidentiel neuf, cette estimation atteint 100 00 emplois. « La rénovation énergétique permettra d’atténuer le choc, pas de l’empêcher. D’autant que certains métiers du gros-œuvre peineront à trouver des passerelles vers ceux de la rénovation et que la mise en œuvre de la RE2020 au 1er janvier 2022 risque de constituer pour eux, une seconde lame de fond ».
Dérives des coûts, pénurie de matériaux
Autre menace, le déséquilibre entre l’offre et la demande de produits. « Une fois les stocks épuisés, la désorganisation des filières productives et des transports internationaux conduisent à de fortes hausses des prix des matériaux (entre 20 et 40%) ». Quels sont les produits concernés ? L’acier et le cuivre. Ainsi que le bois de construction et les autres métaux non ferreux. « Nous sommes alertés par les industriels que les matériels les plus techniques, dotés de puces électroniques ou autres composants en silicium, arrivent quasiment au point de rupture ». Une situation similaire pour les plastiques, le polyuréthane et le polystyrène. Cette pénurie peut conduire à des arrêts de chantier. La plupart des marchés restant signés à prix ferme, les entreprises risquent des pénalités de retard, et les chantiers peuvent se révéler « systématiquement » en perte.
Des mesures de soutien pour le secteur
Que préconise la FFB pour soutenir l’activité ? Elle propose tout d’abord d’accompagner les donneurs d’ordre. Elle recommande de "libérer" les permis (en mobilisant l’ensemble des élus), de mettre en place le permis déclaratif pour construire, et de compenser le surcoût de la RE2020 « que l’on estime aux environs de 8% ». Ensuite, il est demandé de redynamiser la demande. Pour les primo-accédants, accorder un crédit d’impôt sur les annuités d’emprunt. Pour le locatif privé, majorer la réduction d’impôt Pinel. Et enfin « booster » l’investissement public local.
Sur l’artificialisation des sols « attention à la mécanique de la division par deux de l’artificialisation des sols quand on sait que dans notre pays, les sols artificialisés sont à peu près exprimés entre 6 et 10% de l’ensemble des terres françaises ». Il est nécessaire de « prendre en compte les besoins socio-économiques sur les territoires visés ».
Autre demande, le partage des surcoûts directs comme indirects liés aux chocs sur les prix des matériaux via la réactivation des ordonnances qui, au printemps 2020, avaient permis de « geler » les pénalités de retard. Et une communication du Gouvernement sur l’importance d’indexer les marchés. « Les marchés aujourd’hui traités avec de telles hausses, c’est la faillite pour les entreprises dans quelques mois ».
Rose Colombel
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