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Jeux paralympiques : quel bilan tirer pour le chantier de l’accessibilité ?

Publié le 28 août 2024

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Si les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 ont pu renforcer les mesures d’accessibilité PMR des structures franciliennes, de tels chantiers ont-ils pu porter leur fruits ? Transports, EPR… Tour d’horizon.
Jeux paralympiques : quel bilan tirer pour le chantier de l’accessibilité ? - Batiweb

Les Jeux Paralympiques se déroulent du 28 août au 8 septembre. Un événement mettant en lumière l’accessibilité des infrastructures, alors que la France doit accueillir 350 000 visiteurs en situation de handicap et 4 400 parasportifs.

Dans notre dossier consacré aux chantiers olympiques, la région Île-de-France et Île-de-France Mobilités présentaient les Jeux comme un catalyseur de l’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite (PMR). 

« La candidature de Paris 2024 et l’attribution des Jeux à Paris nous ont permis de mobiliser les équipes, pour tenir cet agenda que l’on avait déjà déposé. On s’est dit qu’on ne pouvait pas prendre deux ou trois ans de retard sur les délais prévus. Il a fallu que l’on s’investisse afin d’être au rendez-vous de Paris 2024. L’attribution des Jeux a été perçue comme une motivation en plus », nous évoquait notamment Pierre Deniziot, conseiller régional d’Île-de-France en charge du handicap et de l’accessibilité, et administrateur d’Île-de-France Mobilités.

De plus, avant l’arrivée de Valérie Pécresse à la présidence de la région, les 11 millions d'euros consacrés chaque année à l’accessibilité des transports, ont été multipliés par 4 ou 5 selon les années.

 

Dans les transports, toujours un parcours du combattant

 

Mais à en croire un article de Mediapart (réservé aux abonnés), les efforts déployés par le territoire sont à relativiser. Certes les sites des épreuves sont accessibles, mais une personne valide mettra par exemple moins de temps à faire place d’Italie-Arena Bercy via le métro (11 minutes) qu’une personne invalide via le bus (45 minutes). D’autant que le métro reste « le gros point noir », commente auprès du média Nicolas Mérille, conseiller national accessibilité chez APF France Handicap. 

Seules 9 % des stations sont accessibles, dont la ligne 14 et les extensions des lignes 4 et 11. « À Paris, on rénove trois à quatre stations de métro par an et le paramètre de l’accessibilité n’est pas pris en compte, c’est scandaleux ! », s’insurge M. Mérille. Île-de-France Mobilités comme la RATP invoquent des contraintes techniques et financières pour réhabiliter un réseau aussi ancien.

Pourtant, à Londres, qui détient le réseau métropolitain le plus vieux du monde, un tiers des stations du « Tube » sont adaptées au handicap. Au sein du métro barcelonais, âgé de 100 ans, toutes les stations sont accessibles aux fauteuils roulants. 

Peut-être que le plan « Un métro pour tous », annoncé le lundi 26 août par la présidente de la région Île-de-France et d’Île-de-France Mobilités, Valérie Pécresse, changera la donne. Entre 15 et 20 milliards d'euros ont été mis sur la table, dans le but de rendre handi-compatibles les « treize lignes historiques » du métro parisien.

« Je suis prête, et je l'ai dit (...) à boucler ce plan de financement en faisant trois parts égales, une part région, une part État, une part Ville de Paris », a exposé Mme Pécresse lors d’une conférence de presse. L’estimation des coûts s’appuie sur celle calculée pour la ligne 6, en partie aérienne et donc « moins chère à rendre accessible ». Le budget prévu oscille entre 600 et 800 millions d'euros.

Le chantier pourrait durer 20 ans minimum, avec « sans doute » des « impossibilités techniques » sur certaines stations, dans un Paris « extrêmement urbanisé », évoque toutefois Valérie Pécresse.

Selon ses chiffres, 100 % des bus seraient accessibles aux PMR à Paris, contre 25 % du réseau ferré (métro, tram, RER). Sans compter les 100 minibus, emmenant « au plus près des Jeux » les personnes en situation de handicap et leur accompagnant, depuis huit gares équipées d'ascenseurs. Des données également à nuancer d’après Mediapart, quand on apprend que, dans les bus de grande couronne, seule une place usager en fauteuil roulant (UFR) est disponible. Dans Paris intra-muros et dans la petite couronne, ils en comptent deux.

 

Les ERP et les cabinets médicaux également à la traîne


Or, durant ou en dehors des événements sportifs, l’accessibilité ne se joue pas uniquement dans les transports. Selon Nicolas Mérille d’APF France Handicap, certaines infrastructures sont à peine dans les starting-block, comme les cabinets médicaux. « Des conseillers de l’Ordre des médecins nous l’ont dit texto : “Faire des travaux, ça coûte cher », confie-t-il à Mediapart.

Côté établissements recevant du public (ERP), la mise en conformité d’ici fin septembre 2024 - comme fixé dans la dernière loi sur l’accessibilité 2005 -, affiche des résultats sont peu reluisants. Le cabinet du ministère délégué aux personnes âgées et aux personnes handicapées chiffre à 900 000 les ERP ayant débuté les démarches, sur les deux millions au niveau national. « On a un énorme problème avec les ERP de cinquième catégorie, qui sont les plus petits. C’est le primeur, le buraliste, le restaurateur qui accueille un petit effectif de clients… », souligne M. Mérille.

Les ERP passant entre les mailles du filet peuvent avancer différents motifs : disproportion économique, impossibilité technique, protection patrimoniale, voire un refus de travaux sur les parties communes dans une copropriété.

Toujours est-il qu’« en France, il y a eu trois lois, pas complètement appliquées, en 49 ans, sur le handicap », déplore le conseiller national accessibilité chez APF France Handicap. Ce qui a valu au pays deux condamnations à l’international : un du Conseil de l’Europe en 2023 et un du  Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme en 2021.

 

Un Village olympique, « quartier le plus accessible »
 

Les ouvrages olympiques ont-il toutefois manqué d'efforts en termes d'inclusivité handicap ? La Ville de Paris défend le contraire, en présentant 17 « quartiers hyper accessibles ».

La capitale a été réaménagée en conséquence, du centre intra-muros au 20ème arrondissement : suppression des objets obsolètes et obstacles, tracé de bandes blanches ou d’éveil à la vigilance, abaissements et agrandissements de trottoirs, installation de modules sonores au niveau des carrefours ou bien création d’une centaine de places de stationnement PMR.

L’idée étant d’instaurer une « accessibilité universelle » à l’ensemble des services municipaux et usages quotidiens (hébergements, sports, santé, commerces, écoles, culture…). Que ce soit pour les familles avec poussettes, les personnes âgées ou les personnes en situation de handicap. Les parcours ont été finalisés durant l’été 2023.

Le Village olympique, quant à lui, n’aurait pas eu besoin de travaux d’adaptation PMR durant l’entre-deux Jeux. On constate que rajouts : voiturettes électriques individuelles, comptoirs de restaurant baissés, des chaises dans les douches, etc. En vérité, le quartier de Seine-Saint-Denis aurait déjà été pensé pour les parasportifs.

« Par exemple, les lits sont adaptés à une hauteur qui permettent le transfert facilement, ou les prises électriques qui sont beaucoup plus accessibles », expose notamment au micro de RMC Sport Laurent Michaud, directeur du Village olympique. D’autant que le village a été conçu avec l’ancienne nageuse paralympique Ludivine Munos, aussi responsable de l’intégration paralympique de Paris 2024. Il s’agit à ses yeux du « quartier le plus accessible qu’elle a vu de toute son existence en France ».
 

L’héritage des Paralympiques légué aux bâtiments sportifs ? 

 

S’il y a bien une chose que les ouvrages olympiques promettaient, ce sont des équipements sportifs nouveaux ou rénovés après les Jeux, du stade Yves-du-Manoir à Colombes à la piscine olympique Georges Vallerey. L’accessibilité handicap était également envisagée en vu des Paralympiques. C’est le cas pour le stade Pierre de Coubertin, dans le 16e arrondissement de Paris, déjà évoqué dans un reportage de France Culture.

Le bâtiment accueillera les équipes de gymnastique rythmique et trampoline à l’occasion des Jeux paralympiques. Et ce grâce à des réajustements : un ascenseur desservant bien tous les niveaux, et des portes et fenêtres réadaptées.

« Les personnes en fauteuil roulant arrivent de plein pied, peuvent se mettre en tribune, ont des prises à disposition, et des places pour leurs accompagnants. Et ces places sont modulables, ce qui permet d’accroitre si nécessaire l’espace alloué aux personnes à mobilité réduite », abonde également auprès de France Culture, Eve Brunelle, cheffe de projet équipements pour les JO à la Ville de Paris.

L’objectif d’« accessibilité universelle » est toujours avancé. « Ce sont des places faciles d’accès, pour les personnes qui ont des difficultés de mobilité : qu’elles soient obèses ou aient des problèmes d'équilibre », précise Pierre-Antoine Leyrat, en charge de l’accessibilité à la Solideo. 

Ce qui nous renvoie à un autre défi : l'inclusion des sportifs atteint de handicap physique ou mental. Selon franceinfo, seulement 1,4 % des 160 000 clubs sportifs en France sont capables d'accueillir ce type de public. Et souvent, la contrainte d'espace entre en jeu, pour recevoir notamment les sportifs en fauteuil roulant. 

« On n'a que 300 m² pour un club qui devrait en avoir 1 000. On a tout le matériel qu'il faut, soit une trentaine de tables, mais notre local ne peut en accueillir que huit », mentionne à franceinfo Gilles Gonthier, du club Marseille Tennis de table.

 

Virginie Kroun 
Photo de Une : Adobe Stock

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