À Paris, la végétalisation gagne du terrain malgré quelques freins persistants
Depuis de nombreuses années maintenant, des records de températures sont battus tous les ans à travers le globe. La planète se réchauffe à vitesse grand V à cause de l’activité humaine, et de nombreux pays s’attèlent à trouver des solutions pour réduire la température dans les grandes villes notamment, plus sujettes aux fortes chaleurs.
Pour tenter de freiner cette hausse des températures, plusieurs solutions s’offrent aux pouvoirs publics. La végétalisation du bâti et des espaces publics en fait partie. La ville de Paris l’a bien compris, et c’est en ce sens qu’elle s’est dotée depuis 2011, puis de nouveau en 2018, d’un Plan Biodiversité supposé renforcer la place de la nature dans la ville. La capitale vient d’ailleurs de lancer la suite, avec son Plan Biodiversité 2025-2030.
Les vertues climatiques du végétal sur le bâti
Comme l’explique Yann-Fanch Vauleon, paysagiste à l’Apur (Atelier parisien d'urbanisme), davantage de critères vont être pris en compte dans ce nouveau Plan Biodiversité : « le premier Plan était vraiment basé sur les trames vertes et bleues. Autrement dit, des actions ayant pour but la préservation de la faune et de la flore terrestres, aériennes et aquatiques. Pour ce nouveau plan, on va davantage s’intéresser à la trame noire, donc à la pollution lumineuse, à la trame brune, c’est-à-dire à la continuité des sols, et à la trame blanche, tout ce qui touche à la pollution sonore ».
Malgré ces changements, ça n’est pas pour autant que la végétalisation va être délaissé par ce nouveau Plan. La végétalisation présente en effet un atout de poids dans la lutte contre les îlots de chaleur, et ce, pour plusieurs raisons, comme l’explique M. Vauleon : « La végétalisation crée de l’ombre, donc ça évite que les surfaces ne chauffent. Ensuite, il y a le fait que le végétal ne stocke pas la chaleur, donc il ne la redistribue pas la nuit. Et enfin, il y a l’évapotranspiration des plantes. Ce processus, qui fait partie de la photosynthèse, va remettre de l’eau en suspension dans l’air, ce qui va faire chuter la température ambiante ». Autant d’attributs qui rendent la végétalisation du bâti et des espaces publics indispensable pour faire retomber le mercure.
Dans le Plan Local d’Urbanisme (PLU) de la ville de Paris, il est également préconisé de planter des arbres devant la façade d’un bâtiment, sur le versant sud. L’ombre va ainsi limiter la hausse des températures sur le bâti.
Plusieurs freins persistent, malgré une tendance grandissante à la végétalisation
La végétalisation des façades d’un bâti est également pertinente pour l’aspect isolant des végétaux, comme le souligne le paysagiste de l’Apur : « Les végétaux vont réduire le rayonnement du soleil sur la façade, ce qui va protéger la façade de cette chaleur ». Petit bémol cependant, cette solution n’entre pas dans les calculs d’isolation. « La végétalisation n’est pas quelque chose de très normé. On ne sait pas en faire des calculs qui pourraient être pris en compte par des ingénieurs », regrette Yann-Fanch Vauleon.
Les plantes grimpantes sont les plus plébiscitées pour végétaliser les façades. À Paris, celles-ci se trouvent pour la grande majorité dans les cours intérieures des immeubles de la capitale. Mais ce procédé peine encore à se développer, en raison notamment de la non prise en compte des végétaux dans les calculs d’isolation. En 2016, l’Apur avait dénombré environ 30 hectares de murs végétalisés à Paris.
Autre frein au développement de la végétalisation dans la capitale : la nature des toitures parisiennes. Beaucoup de toits à Paris ne sont pas plats, ce qui pose problème pour l’agriculture urbaine par exemple, qui fait partie intégrante du processus de végétalisation de la ville.
Des guides pour une végétalisation du bâti réfléchie
Pas de quoi se décourager pour autant, puisqu’il existe une réelle tendance à l’agriculture urbaine et à la végétalisation de la capitale. Preuve en est, l’Apur est actuellement à la recherche de 300 hectares à végétaliser dans la capitale. Pour l’heure, ce sont surtout les bâtiments appartenant à la ville qui sont le plus végétalisés, comme les équipements publics ou encore les écoles.
Il existe d’ailleurs des règles spécifiques à suivre pour la végétalisation du bâti dans la capitale. Paris compte deux guides pour cela. Un guide pour la végétalisation des toitures et un pour celle des façades. Ces guides préconisent notamment diverses façons de planter, quels types de substrat choisir, à quelle profondeur planter les végétaux, ou encore quelles espèces privilégier selon l’ensoleillement disponible ou le besoin en eau de la plante.
Les choses vont donc à leur rythme, mais il existe bel et bien une réelle tendance à la végétalisation. De plus en plus de toits sont végétalisés, mais cette dynamique résulte davantage du travail de la ville de Paris avec ses partenaires que du PLU, comme l’explique M. Vauleon : « Ce sont surtout les bailleurs sociaux ou les grandes institutions comme la BNP Paribas qui ont végétalisé leurs toits. Tous ces partenaires de la ville de Paris sont signataires de la charte 100 hectares, qui est un document datant d’il y a un peu moins de 10 ans et qui justement a été mis en place pour renforcer la végétalisation du bâti dans la ville ».
Un Plan Biodiversité planifié, mais pas encore étoffé
Pour ce qui est du Plan Biodiversité de Paris pour 2025-2030, « il est encore un peu tôt pour savoir ce que l’on peut attendre de lui », souligne Yann-Fanch Vauleon. Pour le moment, il y a eu plusieurs concertations publiques avec des contributions, « et là, la ville de Paris est en train de faire différents ateliers sur toutes ces thématiques, en collaboration avec des associations comme France Nature Environnement par exemple, pour essayer de renforcer ce plan, d’améliorer les indicateurs qu’il y aura dessus, de manière à pouvoir voter des budgets plus importants pour le prochain plan », explique le paysagiste.
Avant que n’entre en vigueur ce plan, et sans savoir ce qu’il comportera concrètement, la mission à court terme est de continuer à sensibiliser à la biodiversité, et ce, sans oublier personne, comme l'explique M. Vauleon : « Il faut continuer à sensibiliser à grande échelle. Même les agents de la ville, qui n’ont pas tous le même degré de sensibilité. Il faut continuer à former, et pour ça nous avons besoin davantage de budget ».
Il va falloir attendre encore un petit peu avant d’avoir une idée précise de ce en quoi consistera exactement le Plan Biodiversité à venir. « Il va d’abord falloir faire le tour de toutes les institutions, que chacun donne ses idées. Après quoi il y aura un gros travail de synthèse à faire. Celui-ci se fera en décembre donc il y a encore du chemin pour ça », conclut M. Vauleon.
> Consulter le dossier spécial Végétalisation du bâti
Jérémy Leduc
Photo de une : Adobe Stock