Restaurer des monuments historiques : un défi financier
Des mécènes au service de la sauvegarde patrimoniale
La Fondation Mérimée, créée en 2008 pour pallier la diminution des aides publiques, s’est donnée pour mission de soutenir les propriétaires de monuments historiques dans leurs projets de restauration.
Chaque année, plus de 600 000 euros sont alloués aux projets sélectionnés grâce à des fonds exclusivement issus de donateurs privés et de mécènes. Parmi les initiatives phares, on trouve des prix prestigieux comme le Grand Prix Artemis Domaine de la Restauration, doté de 100 000 euros, et le Grand Trophée d’Asso Histoire et Patrimoine, en partenariat avec Le Figaro, qui récompense plusieurs lauréats avec une dotation globale de 200 000 euros.
La sélection des projets repose sur des appels à candidatures, et les critères incluent le statut du monument (inscrit ou classé), son ouverture au public et le caractère urgent des travaux. « Évidemment, si la toiture menace de s’effondrer, c’est sûr qu’il est urgent de faire quelque chose », souligne Cassilde Le Huédé, chargée de projets pour la Fondation Mérimée.
À titre d’exemple, l’Hôtel de Rouvière, situé à Marveugeule (Lozère), a récemment bénéficié du soutien de la fondation en remportant le Grand Prix Artemis Domaine de la Restauration. Ce bâtiment, abandonné depuis un demi-siècle, a été repris par Geoffrey Malaval, un jeune propriétaire. « Il y avait des phases de travaux très importantes, puisque tout le bâtiment était en ruine », raconte-t-elle.
Les projets financés sont menés en partenariat avec les Directions Régionales des Affaires Culturelles (DRAC) et les Architectes des Bâtiments de France pour garantir le respect des normes strictes de restauration. « Quand un monument est inscrit ou classé au titre des monuments historiques, la restauration doit respecter un certain nombre de règles », rappelle la fondation.
Des solutions de financement adaptées
Les acquéreurs de châteaux classés disposent de divers dispositifs pour financer leurs projets. Les crédits bancaires ciblés offrent des solutions adaptées à la restauration patrimoniale. Par ailleurs, la loi Monuments Historiques permet des déductions fiscales importantes pour les travaux approuvés.
Une autre tendance émergente est le crowdfunding patrimonial, qui mobilise des passionnés pour contribuer au financement des rénovations. « Ce modèle participatif rencontre un succès grandissant, notamment auprès de ceux qui souhaitent soutenir la sauvegarde du patrimoine », note Philippe Benardeau, directeur général d’Agent Mandataire Prestige, un réseau immobilier spécialisé dans le luxe. À l'image du « Loto du patrimoine », initié par la Fondation du Patrimoine, avec le soutien du ministère de la Culture, qui s’inscrit dans la mission confiée à Stéphane Bern en 2017 pour recenser les sites en péril.
Depuis sa création, près de 155 millions d’euros ont été levés grâce au grand public, permettant de financer la restauration de 950 sites locaux.
Du côté de la Fondation Mérimée, plus de 250 chantiers ont été soutenus depuis 2008 et 104 bourses ont été attribuées. « La générosité de chacun est essentielle pour continuer à préserver ce patrimoine », insiste Cassilde Le Huédé.
Encourager la nouvelle génération de propriétaires
En parallèle du financement, la Fondation Mérimée a également pour objectif de préserver les métiers d’art et les savoir-faire traditionnels. Chaque année, elle attribue des bourses d’études à des étudiants se préparant à devenir restaurateurs du patrimoine. « Pour restaurer, dans les règles, un château ou un monument historique, il faut des compétences particulières », indique la chargée de projets.
Pour assurer l’avenir de ce patrimoine, la fondation mise ainsi sur les jeunes propriétaires. Le Prix du Jeune Repreneur, lancé en 2014, s’adresse aux 18-45 ans pour les encourager à reprendre et restaurer des monuments historiques. « Avec la baisse des aides de l’État, il est essentiel de soutenir ces initiatives», souligne-t-elle.
L’accompagnement joue un rôle clé pour ces nouveaux repreneurs. « Il est crucial d’expliquer clairement les obligations légales, comme les autorisations pour les travaux ou les restrictions dues au classement », précise le DG d’Agent Mandataire Prestige. « Mettre en lumière les avantages fiscaux, tels que les déductions pour les travaux ou les aides publiques à la restauration, est tout aussi essentiel », poursuit-il.
Entre tradition et modernité
Quant aux attentes des acquéreurs potentiels de châteaux classés, elles évoluent, souligne Philippe Benardeau. Ces derniers souhaitent en effet « conserver l’authenticité en respectant l’architecture et les matériaux historiques ». Une modernisation « discrète » est également recherchée pour intégrer des équipements contemporains, comme le chauffage, l’électricité, ou encore la domotique, sans nuire à l’intégrité du bâtiment.
Les acheteurs envisagent également des usages mixtes, combinant habitation, hôtellerie ou organisation d’événements, et adaptent leurs projets de rénovation à ces objectifs.
L’efficacité énergétique, bien qu’essentielle, reste complexe à intégrer en raison des restrictions liées au classement. « Les contraintes administratives imposées par les Architectes des Bâtiments de France rallongent les délais et augmentent les coûts », précise-t-il. De plus, les rénovations nécessitent des matériaux et des techniques spécifiques, ce qui limite le nombre d’acheteurs potentiels, souvent freinés par la complexité des démarches légales et les implications financières.
Propos recueillis par Marie Gérald
Photo de une : Adobe Stock