La réhabilitation du patrimoine à l’origine de la création de logements
La rénovation du patrimoine ne se résume pas uniquement à donner une seconde jeunesse à un bâti, d’un simple coup de pinceau. Dans certains cas, elle consiste même à offrir une nouvelle vie au bâtiment, à lui offrir une nouvelle fonction.
Grâce au travail d’architectes de talent, il est par exemple tout à fait possible de transformer une église en logements sociaux. Avant qu’un tel édifice n’embrasse ses nouvelles fonctions, il faut pour cela cocher diverses cases. Cependant, une fois les planètes alignées, il est tout à fait possible d’en faire un lieu d’habitation.
Les églises et chapelles ne sont pas les seuls édifices auxquelles on peut offrir une nouvelle vie. Ce n’est pas Adrien Robain, architecte pour rh+ architecture, qui dira le contraire. L’homme a œuvré il y a peu sur la transformation d’une caserne de gendarmes en logements sociaux.
Un bâtiment aux multiples vies
Située à Paris, dans le Marais, la caserne des Minimes faisait partie du plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) du Vieux Marais. La mairie de Paris souhaitait conserver ce bâtiment chargé d’histoire et datant de l’époque d’Henri IV. Un bâtiment riche, qui aura traversé les deux guerres mondiales, et qui sera passé entre les mains des religieux et de l’armée, puisqu'anciennement couvent avant de devenir une caserne.
C’est en 2016 que l’édifice est légué par la mairie de Paris au bailleur social Élogie Siemp, qui choisit à son tour rh+ architecture comme maître d’œuvre. « On a posé la première pierre en septembre 2018, mais les travaux ont commencé en décembre 2018. La caserne, transformée en logements sociaux, a été inaugurée en février 2020 », nous explique M. Robain.
« Mais il n’y a pas que ça, et c’est ce qui est drôlement intéressant dans ce programme. Celui-ci comporte aussi sept ateliers d’artisanat, un restaurant associatif, une crèche, des plateaux de bureaux et une galerie d’art », détaille l’architecte.
Si la caserne des Minimes a désormais plusieurs fonctions, son objectif principal est de proposer un toit à ceux désirant y vivre. Après transformation, le bâtiment compte aujourd’hui 60 logements sociaux. « Les logements vont du T1 au T5. Il y a de belles surfaces car, à l’époque, la volonté du maire de Paris Centre était de faire en sorte que le bâtiment ne soit pas habité uniquement par de jeunes couples ou des célibataires endurcis », se remémore Adrien Robain.
Se tourner vers l’avenir sans renier le passé
Le bâtiment a fait l’objet d’importants travaux de transformation, mais il n'était pas pour autant question de faire table rase du passé. « En travaillant sur le bâti, on essaie toujours d’intégrer un peu d’histoire. Comme une façon de rappeler et de ne pas oublier ce qu’était l’édifice auparavant. Concernant son passé de caserne, on a notamment tenu à conserver toutes les inscriptions qui sont sur la façade, c’est-à-dire “Caserne des Minimes gendarmerie nationale”. Ces inscriptions gravées sur les pignons ont été conservées », souligne M. Robain.
Aux soucis de conserver un peu d’histoire du bâti s’ajoutent les difficultés que l’on peut rencontrer en transformant un édifice. En 1905, le bâtiment est récupéré par l’armée des mains des religieux, qui l’utilisaient comme couvent depuis sa construction. La gendarmerie nationale démolit la partie couvent, et s'attèle à d’importants chantiers pour transformer le bâtiment en caserne. Les travaux durent jusqu’en 1930.
Au cours de cette période de 25 ans, le chantier a adopté diverses méthodes de construction, en plus de connaître la première guerre mondiale. Des parties du bâti ont été faites en structure métallique, d’autres en béton. « C’est ce qui fait le charme de la transformation. De l’extérieur, on a l’impression que tout est pareil, mais ça n’est pas le cas, car la construction s’est étalée sur plus de 20 ans. La matière n’est pas totalement connue avant que l’on n’y arrive. Il y a des surprises auxquelles il faut sans cesse s’adapter, c’est ce qui enrichit le projet », témoigne l’architecte de rh+ architecture.
L’une des autres difficultés à été de se confronter au PSMV du Vieux Marais, qui est un peu anachronique selon l’architecte. Ce plan de sauvegarde et de mise en valeur date des années 1960, et stipule que toutes les cours intérieures doivent être minéralisées. « Ça n’est pas dans l’air du temps. On a besoin de végétalisation, encore plus dans les quartiers centraux et denses comme le Marais. Sur ce point, on a bien flirté avec la ligne rouge. On ne pouvait pas transformer l’intérieur de la cour en jardin, mais l’architecte des bâtiments de France, bien conscient qu’il est nécessaire d’avoir une certaine souplesse avec le PSMV, nous a autorisés à planter plusieurs arbres dans la cour et à minéraliser la place avec des pierres claires », nous raconte l’architecte.
D’église à maison individuelle
La transformation d’un bâtiment patrimonial peut également concerner les églises. En Franche-Comté, l’architecte Guillaume Aubel a fait l’acquisition de l’église de Tavey, érigée en 1910 et désacralisée avant la vente. Pour la modique somme de 65 000 euros, M. Aubel a acheté cet édifice religieux en 2015, et s’est attelé à le transformer en maison individuelle pour y vivre avec sa femme et ses deux enfants.
« On a envie d’avoir quelque chose d’assez atypique, d’original, avec lequel on va pouvoir s’amuser un peu. Après avoir visité l’église, et avoir constaté le volume disponible, je me suis dit qu’il y avait vraiment moyen d’en faire quelque chose de sympa », nous raconte Guillaume Aubel.
En s’offrant cette église, l’idée première du couple n’était pas de la rénover pour lui redonner ses traits d’antan. Du fait de sa désacralisation, et de la loi de séparation des biens de l’Église et de l’État, Guillaume Abel n’a pas eu de demandes particulières de la part de la mairie ou des habitants. Le couple n’a pas eu pour obligation de garder certains aspects qui rappellent la vie passée du bâtiment.
« En tant qu’architecte, et étant donné que c’est un édifice chargé d’histoires, je ne souhaitais pas le dénaturer complètement pour autant. Je voulais que de l'extérieur, l’église conserve au maximum son aspect d’origine. Il était illogique à mes yeux d’acheter un bien de ce type, et de tout détruire pour en faire un bâtiment qui ne ressemble plus tout à une église », explique M. Aubel.
Malgré cela, certains habitants du village ont partagé leur crainte et leur déception à l’idée de voir l’église de la commune partir dans le privé. Des peurs rapidement dissipées par Guillaume Aubel et sa compagne, comme nous l’explique l'architecte : « Après avoir racheté l’église, on a tout démoli à l’intérieur, et une fois que l’on s’est retrouvé avec un grand volume vide, on a invité tout le village pour une soirée vin chaud. Après les avoir rencontré, on leur a parlé de notre projet et ils ont immédiatement été rassurés. Des membres d’une association qui s’opposait à la vente de l’église nous ont même aidés pour la réalisation des travaux ».
Une église des années 1950 transformée en logements sociaux
Dans le Doubs, une église a également fait l’objet d’un important projet de transformation. L’église Sainte-Thérèse de Bethoncourt, érigée en 1953 dans un quartier industriel de Bethoncourt, a fait les frais de la baisse démographique et de l’évolution de l’industrie locale. Voyant sa fréquentation baisser au fil des années, il a été décidé de la reconvertir en logements.
Xavier Llamas, directeur développement territorial Doubs Jura chez le bailleur social Néolia, nous explique qu’il y a un peu moins de 10 ans, le diocèse est entré en contact avec l’entreprise. Après une étude de faisabilité, il a été décidé d’une reconversion pour ce bâtiment fait de pierres de taille calcaire du massif du Jura.
Il a fallu pour cela conserver une structure qui permet d’assurer le changement d’usage. Dans cet édifice d’une trentaine de mètres de long, les travaux ont permis de concevoir cinq duplex, dont quatre en T4 et un en T3. Au rez-de-jardin, cinq habitations d’environ 60 m² ont pu être créées, pour un total de 10 logements sociaux.
Étant relativement jeune, la transformation de ce bâti n’a pas posé de réels problèmes. « Par rapport à un bâtiment du XVIIe, XVIIIe ou XIXe siècle, on reste sur un bâtiment en béton, avec des éléments de structure relativement importants. Les difficultés ont surtout reposées sur les questions phoniques, de sécurité incendie ou d’ouvertures », explique M. Llamas.
Pour ce qui est des performances énergétiques du bâtiment, ce dernier se situe à un niveau BBC Rénovation. « On a des logements qui ont pour étiquette énergétique A ou B. Nous sommes à peu près à 70-80 kilowatts par mètre carré par an de consommation énergétique. On a opté pour une rénovation par l’intérieur, afin de conserver les pierres de taille que l’on peut voir de l’extérieur. Une PAC collective air/eau a été installée pour chauffer les différents logements, ce qui permet en même temps de réduire les gaz à effet de serre et d’avoir une meilleure qualité de l’air », souligne Xavier Llamas.
De plus, des panneaux photovoltaïques ont été installés pour l’autoconsommation d’énergie, et un système de domotique permet de gérer l’accès et le confort thermique des logements.
Propos recueillis par Jérémy Leduc
Photo de une : ©FDelangle