Travailleurs détachés : les députés veulent durcir le contrôle des entreprises
La proposition de loi visant à « renforcer la responsabilité des maîtres d'ouvrage et des donneurs d'ordre dans le cadre de la sous-traitance et à lutter contre le dumping social et la concurrence déloyale », c'est son intitulé, veut traduire dès maintenant en droit français le compromis intervenu entre les 28 États membres de l'UE le 9 décembre, mais qui doit encore être confirmé par un accord avec le Parlement européen, pour une entrée en vigueur au mieux en 2016.
C'est le secteur du bâtiment qui est surtout ciblé. Le BTP concentre, en effet, près de la moitié des 300 000 travailleurs détachés en France.
Les non-déclarés aussi nombreux que les déclarés
La directive de 1996 sur le détachement des travailleurs prévoit en effet que le noyau dur des règles du pays d'accueil s'applique (salaires, conditions de travail...) même si les cotisations sociales restent dues dans le pays d'origine. Si ce texte a obligé les entreprises des nouveaux États membres (Pologne, Roumanie, etc. ) détachant un salarié en France à respecter le Smic, il n'a pas empêché des distorsions de concurrence légales.
Par exemple, certaines entreprises facturent à leurs salariés détachés des frais d'hébergement et de nourriture pour compenser le salaire versé en France ; d'autres sociétés, françaises ou étrangères, emploient des travailleurs français via une filiale « boîte aux lettres » dans un pays à faibles cotisations. Sans parler des non-déclarés, aussi nombreux semble-t-il que les déclarés (environ 160 000 Européens en France en 2012 alors qu'environ autant de Français sont détachés dans l'UE).
Mise en place d'une liste noire sur internet
Face à ce phénomène croissant, la proposition de loi rédigée par le socialiste Gilles Savary vise à instaurer, comme dans l'accord européen de décembre, le principe de « responsabilité solidaire » qui permettra de poursuivre un donneur d'ordres pour les fraudes relevant des employés des sous-traitants, y compris lorsqu'ils n'ont pas de relation directe avec ces sous-traitants.
Le texte propose aussi la mise en place d'une liste noire sur internet, où figureront, sur décision du juge et pendant un an, les entreprises ayant été condamnées pour "travail illégal" à une amende de plus de 15 000 euros (au lieu de 45 000 euros). En commission, les députés ont instauré une peine complémentaire leur interdisant toute aide publique pendant cinq ans. Dans ces situations, le texte donne aussi la possibilité aux associations, syndicats professionnels et syndicats de salariés de se constituer partie civile.
B.P (avec AFP)