Réforme des retraites : le compte pénibilité sera bien mis en place en 2015
Créer un compte pénibilité, c’est « ouvrir une boîte de Pandore de façon improvisée », avait déclaré Pierre Gattaz, le patron du Medef, en septembre dernier. Et il n'était pas le seul à s'inquiéter de la mise en place de ce dispositif, prévu dans la loi de réforme des retraites.
Le président de la CAPEB Patrick Liébus l'avait qualifié de « pire chose à mettre en place », lors de la présentation de la note de conjoncture du 4e trimestre 2013 pour l'artisanat du bâtiment, le 14 janvier dernier, estimant qu'il fallait « traiter différemment les petites et les grosses entreprises et travailler sur la prévention des risques, au niveau de la santé et de la sécurité des employés, en amont. Cette mesure risque de déresponsabiliser les entreprises et de créer des tensions supplémentaires », avait-il prévenu.
Finalement, malgré les avertissements et le scepticisme des syndicats et des professionnels, le compte pénibilité sera bel et bien mis en place en 2015. La loi réformant le système de retraites vient d'être publiée au journal officiel ce mardi, après avoir été validée dans son intégralité par le Conseil constitutionnel et promulguée par le Président de la République.
Dans les faits, cette loi prévoit une reconversion ou un départ anticipé à la retraite pour les salariés exerçant un métier jugé pénible.
Pour déterminer le niveau d'exposition de ses salariés, un employeur doit tenir une fiche individuelle pour chacun d'entre eux, un dispositif déjà obligatoire depuis le 1er février 2012 dans les entreprises comptant dans leurs rang des salariés exposés à un ou plusieurs facteurs de pénibilité.
En tout, dix facteurs de pénibilité ont été retenus. Selon le niveau d'exposition, le salarié obtiendra des points, qui lui ouvriront ensuite des trimestres de formation, de cotisation ou de compensation s'il souhaite passer à temps partiel en fin de carrière.
Une « usine à gaz » coûteuse et complexe
Certains pointent la complexité du système, d'autant que tout n'est pas encore fixé dans le détail. « Nous avons encore beaucoup questionnement sur la mise en place de ce dispositif. Où sera placé l'argent pour le financement de ce compte pénibilité par exemple ?»s'interrogeait le président de la CAPEB.
« Cette mesure est une usine à gaz coûteuse pour notre secteur et d’une grande complexité de mise en œuvre. D’ailleurs, je vous invite à remplir la fiche individuelle de prévention de la pénibilité que les entreprises devront remplir pour chacun de leurs salariés chaque jour. Il est absolument impossible de mesurer le temps consacré par chaque salarié à chacun des facteurs (manutentions manuelles, postures pénibles, poussières, ...). C’est une aberration ! Les entrepreneurs, déjà soumis à de fortes charges et contraintes, risquent de se détourner de l’apprentissage et de l’insertion, et de renoncer à l’emploi en France», craignait également le président de la FFB, Didier Ridoret, lors de son point de conjoncture début décembre.
Michel de Virville, conseiller-maître à la Cour des Compte, sera chargé de simplifier la mise en place du compte pénibilité, notamment sur le recensement et la déclaration des situations de pénibilité par les employeurs. Tous les détails seront alors fixés par décret.
Selon le Premier ministre, 20 % des salariés du privé pourraient bénéficier du compte pénibilité, pour un coût de 2,2 milliards d’euros. Les entreprises seront mises à contribution.
Claire Thibault
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