Ordonnances : un flou législatif et une concurrence faussée ?
L’article 1, flou et imprécis selon l'Unsfa, ne définît aucun cadre et donne donc toute latitude au gouvernement. Ce flou est exprimé par des formules telles que "une procédure intégrée pour le logement", ou des "règles applicables au projet (qui) peuvent être modifiées aux fins de réalisations des projets" ?
De plus, nous avons eu la surprise de voir apparaître au dernier moment un article 5 sur la procédure dite de conception réalisation. Cette procédure est dérogatoire à la loi MOP et au principe d’indépendance du concepteur vis-à-vis de l’entreprise. Elle avait été strictement encadrée en raison des nombreuses dérives constatées dans les années 90 lorsqu’elle était largement utilisée.
Elle se traduit par une réduction drastique de la concurrence, restreignant l’accès à la commande publique aux seules grandes entreprises. Le choix architectural est également limité et la maîtrise d’œuvre tributaire des intérêts de l’entreprise qui est son mandataire. Les principes d’égalité de traitement des candidats, et le libre accès à la commande, fondements de la commande publique, sont considérablement affaiblis par ces dispositions dérogatoires.
Privilégier les grands groupes du BTP
La loi de mobilisation pour le logement du 25 mars 2009, dite « loi Boutin » avait permis aux opérateurs de logement sociaux d’utiliser la procédure de conception-réalisation sans devoir justifier de motifs techniques, dans le but théorique d’accélérer et d’augmenter la production, et cela de façon temporaire jusqu’à fin 2013.
Prolonger de 5 ans cette possibilité, et l’introduire au dernier moment sans aucun débat, revient à privilégier les entreprises générales et grands groupes du BTP en défaveur du tissu économique porté par les artisans, les PME ... et les futurs locataires. Depuis 2009 la conception-réalisation n’a pas favorisé la construction massive de logements, mais, au contraire, fragilisé l’équilibre financier d’opérations soumises à une concurrence restreinte. Si elle permet de diminuer le temps de consultation, ce gain de quelques semaines est négligeable face à une durée d’usage de 40 ou 60 ans. Comme sous jacent dans les paragraphes 1c, 1d et 4, le gain réel en délai réside dans la décision de construire, dans la définition du programme, le montage du financement, et l’obtention des autorisations administratives. De précieux mois peuvent être économisés sur le délai global d’une opération.
Ne reproduisons pas les erreurs précédentes et créons les conditions d’une activité constante et durable, cohérente avec les besoins de la population et le tissu économique local.
Pour des procédures saines et transparentes
Nous demandons une production de logements guidée par une démarche qualitative et ambitieuse, que le foncier attribué au logement social ne soit pas celui sans valeur marchande pour la promotion privée, que l’ensemble des acteurs se réunisse dans chaque collectivité pour déterminer le développement urbain le meilleur pour la population, et que soient ainsi lancés de vrais projets de ville, capables de structurer une activité économique sur plusieurs années.
Ces risques n’existeraient pas si les bailleurs sociaux étaient maintenus dans le champ du code des marchés publics, avec des procédures saines et transparentes qui privilégient le meilleur rapport qualité prix pour une meilleure qualité d’usage. Le choix des concepteurs de notre cadre de vie doit s’effectuer sur compétences et sur concours, en privilégiant ainsi la satisfaction des usagers et le meilleur coût d’opération sur la durée de vie du bâtiment.
Nos concitoyens méritent une architecture de qualité, ils méritent que l’on conçoive des logements remarquables, que la prospective et la lutte contre l’étalement urbain soient des critères de la genèse urbaine, et le champ de l’innovation environnementale et sociologique.
Mesdames et Messieurs les sénateurs, ne vous laissez pas abuser par l’urgence, écartez du texte l’article 5.
Construisons notre développement économique et social sur l’intérêt du citoyen et la qualité de son cadre de vie.
Marie-Françoise Maniere - Présidente de l'Unsfa