Loi d’accélération des EnR : ambiance électrique à l’Assemblée nationale
Après une adoption - non sans quelques griefs - par le Sénat début novembre, le projet de loi d’accélération des énergies renouvelables entrait en examen à l’Assemblée nationale ce lundi 5 décembre. Un texte que les députés doivent renforcer, soulignait ce samedi 3 décembre la fédération France Energie Eolienne (FEE).
« L’incapacité de notre pays à mettre en oeuvre, depuis plus de deux décennies, sa transition énergétique et notamment le déploiement des énergies renouvelables, met aujourd'hui la France dans une situation d'insécurité énergétique, économique et sociale sans précédent », déplorait dans une lettre adressée aux députés Anne-Catherine de Tourtier, présidente de l'association professionnelle.
Le projet de loi d’accélération des énergies renouvelables, lancé cet été par le gouvernement, doit être « une opportunité d'accélérer enfin le développement de nos énergies renouvelables et non une occasion de ralentir encore, ou pire, de mettre à mort ce développement, comme certains s'y emploient », ajoutait l’intéressée.
Un appel au « compromis » et à la « co-construction » lancé par le gouvernement
Un retard qu’Agnès Pannier-Runacher observe en ouverture d’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale, pointant du doigt l’opposition entre le nucléaire et les énergies renouvelables au sein du sérail législatif. Rappelons que les deux énergies forment le mix énergétique encouragé par le gouvernement, à commencer par le président Emmanuel Macron, en déplacement à Belfort en février dernier.
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« Dans ce combat, nous pouvons toujours perdre notre temps à opposer les technologies entre elles. Mais, à la fin, ce seront toujours les Français qui paieront le prix de ces postures dogmatiques », plaidait à son tour la ministre de la Transition énergétique, appelant au « compromis » et à la « co-construction ».
« Nul besoin d'étendre nos discussions sur la relance de la production nucléaire, nous aurons l'occasion d'échanger sur ce sujet au début de l'année prochaine », soutenait à son tour le rapporteur Henri Alfandari (Horizons).
Pour l’heure, les préoccupations de l’exécutif se portent sur les amendements, avec en priorité la réintroduction d’un article, supprimé en commission, visant à réduire les procédures des projets d’EnR. Pour ce qui est du partage de la valeur, Agnès Pannier-Runacher indique avoir entendu les « inquiétudes » concernant « le dispositif initial de réduction directe sur les factures des riverains » d'éoliennes. Le gouvernement portera « plusieurs amendements permettant aux collectivités de soutenir leurs habitants et soutiendra les amendements portés par le groupe socialiste qui ciblent les ménages en situation de précarité énergétique », développait la ministre.
L’intéressée semble toujours vouloir maintenir le rôle décisionnaire des territoires et des collectivités convenu lors de l’examen du projet de loi au Sénat. Crainte cependant du côté de l’exécutif : la tentative de réinsertion par les députés LR, à l’instar des sénateurs de la même couleur politique, du « droit de veto » des maires contre les projets éoliens et solaires.
Les députés verts, alliés de l’exécutif ?
Un revers pouvant ruiner la version du texte voulue pour le gouvernement, alors que les députés écologistes pourraient bien soutenir le projet de loi, bien que d’autres avancées sont encore attendues. Opposés au « droit de veto » des maires, souhaité par les députés LR, les Verts se révèlent être les alliés du gouvernement, visant à leur échelle, 45 % d'énergies renouvelables en 2030, et 100 % de renouvelables en 2050, voire plus tôt en France, contre 19 % aujourd'hui.
Charles Fournier, député EELV d'Indre-et-Loire, fait part d’une hésitation entre un vote favorable et abstention au sein du groupe écologiste, attendant la séance pour juger de la cohérence du texte.
La présidente du camp, Cyrielle Chatelain, se montre quant à elle ouverte, notant des progrès en termes de planification des projets. La responsable n’oublie cependant pas les priorités du groupe écologiste : protéger de la biodiversité, éviter l’artificialisation des sols en installant des EnR sur le foncier bâti (toitures, bardage, parkings, bâtiment), voire encourager les installations photovoltaïques sur les terres agricoles (agrovoltaïsme).
Ce à quoi le gouvernement a répondu par quelques gages envoyés aux Verts, comme le soutien à un médiateur visant à apaiser les tensions autour de projets d’EnR et l’instauration d’un observatoire des EnR et de la biodiversité.
Les députés de droite vent debout contre l’éolien
Dans la soirée de lundi, un vent d’hostilité contre les éoliennes planait dans l’hémicycle, de la part des élus RN et LR. Ces derniers ont plaidé, en vain, pour un moratoire sur le déploiement d'éoliennes sur terre comme sur mer. Le tout en reprochant aux précédents gouvernements d’avoir sacrifié le nucléaire, avec la fermeture de la centrale de Fessenheim.
Nuisible et intermittent, telle est l’image de l’éolien dans le camp de droite. Si Pierre Cazeneuve, rapporteur macroniste, reconnait des « erreurs » dans le développement « un peu anarchique des éoliennes », un moratoire « irait complètement contre la souveraineté énergétique de la France et la sécurisation des approvisionnements » opposait-il, en précisant que « les éoliennes, c'est 37 TWH l'année dernière, c'est par exemple ce qui nous manquerait aujourd'hui pour être certains de passer l'hiver sereinement ».
À propos du nucléaire, au tour d’Agnès Pannier-Runacher de développer autour de cette énergie. « Mais avant de sortir le premier EPR, il va falloir attendre quinze ans. Ce que j'entends de vous, c'est que deux-tiers de votre énergie sera importée depuis la Russie, le Kazakhstan, l'Ouzbékistan, le Moyen-Orient, les Etats-Unis, et cela ne vous pose strictement aucun problème en terme d'indépendance énergétique », ironisait-elle auprès de la droite de l’hémicycle.
Le solaire et l’éolien, première source d'électricité dans le monde d’ici 2025 ?
C’est en tout cas ce qu’a estimé l'Agence internationale de l’énergie (AIE) dans son rapport annuel 2022 sur les énergies renouvelables. Selon l'Agence, la crise énergétique a créé « un élan sans précédent »en faveur du déploiement des énergies renouvelables, dont la croissance des capacités devrait quasiment doubler sur les cinq ans à venir, a-t-elle noté. Le monde devrait développer autant de capacités renouvelables ces cinq prochaines années qu’il ne l'a fait au cours de ces 20 dernières années, développe le rapport. La capacité renouvelable mondiale devrait ainsi gagner 2 400 gigawatts (GW) sur la période 2022-2027, soit autant que la capacité électrique actuelle de la Chine, et un tiers de plus que ce qu'envisageaient les experts il y a encore un an, ont calculé les analystes de l'AIE. Solaire et éolien, en particulier, devraient devenir la première source d'électricité dans le monde d'ici à 2025, en détrônant le charbon, et notamment dans les pays qui cherchent à réduire leur dépendance aux énergies fossiles après l'invasion de l'Ukraine par la Russie. À l’instar de l’Europe, qui cherche depuis à remplacer le gaz russe. En termes de technologies, le solaire et l'éolien terrestre forment aujourd'hui les moyens de production électrique les moins coûteux de tous, dans la majorité des pays. L'Agence, qui conseille les États dans leurs politiques énergétiques, relève par ailleurs « la rapidité avec laquelle les gouvernements ont su pousser encore un peu plus les renouvelables ». Selon le directeur de l'AIE, Faith Birol, l’exemple des renouvelables montre que « la crise énergétique pourrait être un tournant historique vers un système énergétique mondial plus propre et plus sûr », et rappelle aussi qu'une telle « accélération continue est critique si l'on veut garder une possibilité de limiter le réchauffement à 1,5°C » par rapport à l'ère préindustrielle. |
Virginie Kroun et Marie Gérald
Photo de Une : Adobe Stock