Label vert : l’inclusion du gaz et du nucléaire nécessaire ?
Présentée par la Commission européenne aux États membres le 31 décembre, la récente proposition de texte sur le « label vert » a ravivé des tensions.
Même après avoir a été débattu pendant des mois, le projet divise toujours, par sa position vis-à-vis du nucléaire et du gaz. Inscrit dans les objectifs européens de neutralité carbone en 2050, le document cherche à fixer les installations contribuant à la réduction des gaz à effet de serre.
Discorde autour de l’inclusion du gaz et du nucléaire dans le label vert
Point de discorde dans la proposition de texte : inclure les centrales nucléaires et à gaz pour qu'elles puissent toucher des subventions et autres financements « verts ». Considérées comme plus « stables », ces énergies pourraient accompagner la neutralité carbone aux yeux de la Commission, d’un côté car le gaz serait une bonne « énergie de transition » et le nucléaire « décarboné ». Elles accompagneraient ainsi le développement des énergies renouvelables (éolien, solaire...), certes labellisées par la Commission européenne, mais dont la capacité de production est plus intermittente.
« Cette décision semble marquer le début du retour au bon sens : c’est-à-dire que l’avenir sera fait d’un équilibre entre les énergies. Le 100 % renouvelable n’est pas, dans l’état actuel des choses, une solution réaliste, comme les études récentes de RTE l’ont démontré. Mais il y a une différence essentielle entre le gaz et le nucléaire : dans une optique de neutralité carbone, le gaz ne peut être qu’une énergie de transition alors que le nucléaire est une solution durable », commente Jean-Pierre Hauet, président du Comité scientifique, économique, environnemental et sociétal de l’association Équilibre des Énergies.
L’intéressé constate par ailleurs que si la taxonomie prend en compte le gaz naturel comme énergie de transition, elle sera en ligne avec la RE2020, nouvelle réglementation de la construction, parmi l’attirail législatif entrant en vigueur en 2022 en France.
L’Hexagone est bien arrangé par ce projet de loi, alors qu’il cherche à relancer sa filière nucléaire. C’est le cas aussi des pays d’Europe centrale comme la Pologne ou la Tchéquie, souhaitant remplacer leurs centrales à charbon polluantes.
Pourtant, côté Allemagne, Autriche et Luxembourg, inclure ces énergies représente une catastrophe environnementale. Les États craignent particulièrement que cette proposition, si adoptée, n'oriente les investissements privés vers le nucléaire et le gaz, au détriment des énergies renouvelables.
Prudence de la part de l’UE
Le point de vue est aussi soutenu par les écologistes européens. « On ne peut pas dire que le nucléaire sérieusement est une énergie durable. Qu’elle n’émette pas beaucoup de CO2, c’est une chose, mais n’allons pas investir de l’argent pour de nouvelles folies nucléaires, comme des EPR en France. Orientons les financements européens vers les énergies renouvelables, plutôt que vers le nucléaire et le gaz », a ainsi soutenu Damien Carême, député du groupe des Verts/Alliance libre européenne, ce lundi 3 janvier au micro de France 2.
Même avis pour Jean-Pierre Hauet, selon qui « il reste une place pour les autres formes d’énergies décarbonées : géothermie, réseaux de chaleur décarbonés, solaire direct et gaz renouvelable ». Il nuance toutefois que si « le gaz renouvelable est évidemment à encourager, les ressources en matières premières seront nécessairement limitées et il faudra les conserver pour les usages où les biocarburants et le biogaz sont réellement utiles : l’aviation, la production d’électricité et pour certaines catégories de logements existants ».
En parallèle, Bruxelles se veut rassurant, prévoyant dans sa proposition une limitation dans le temps de l’inclusion du gaz et du nucléaire dans le label vert. Ainsi, les projets de construction de nouvelles centrales nucléaires devront obtenir un permis de construction avant 2045. Les travaux de prolongation de vie des centrales existantes, de leur côté, devront être autorisés avant 2040. Des exigences en matière de traitement de déchets et de démantèlement d’installations en fin de vie, sont également évoqués.
En ce qui concerne les énergies émettrices de CO2, telles que le gaz, des investissements reconnus « durables » seront consacrés aux centrales émettant moins de 100 g de CO2 par kWh. Des seuils drastiques voire inatteignables d’après certains experts, que le projet de texte de la Commission compense par une période transitoire, durant laquelle les constructions de centrales autorisées avant le 31 décembre 2030, pourront émettre jusqu’à 270 g de CO2 par kWh. À condition seulement de remplacer des infrastructures existantes plus émettrices et de répondre à une série de critères.
Autant dire ce projet de label vert reste pour l’heure un fouillis que les États membres et des experts consultés par la Commission européenne devront démêler, afin d'inclure des ajustements et publier un texte final d’ici mi-janvier. Le Parlement européen aura ensuite quatre mois pour valider ou rejeter par un vote à majorité simple le document. Une opposition du Conseil européen est aussi envisageable, si ce dernier parvient à réunir 20 États membres, quota toutefois difficile à atteindre.
Une chose est sûre, l’issue de ce projet de texte pourrait orienter les tendances dans le bâtiment, en particulier du côté du chauffage au gaz. « L’orientation est claire : le choix de l’électricité se trouve conforté car le couple énergies renouvelables/énergie nucléaire, valorisé au travers de l’électricité, est une solution décarbonée sur laquelle on peut miser sur le long terme. Le recours massif aux pompes à chaleur permet en outre de concilier efficacité énergétique et décarbonation », estime de son côté Jean-Pierre Hauet.
Virginie Kroun
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