Démolition d’un palais florentin à Grasse : une dissonance entre justice administrative et pénale
Nouveau rebondissement dans l’affaire d’un « palais florentin » à Grasse (06). À partir de 2005, Patrick Diter avait entrepris de transformer une bastide de 200 m2 en une propriété de 3 000 m2 de style « Renaissance », construisant par ailleurs un héliport, une route de 600 m2 et une piscine, pour une valeur estimée à 57 millions d’euros par le fisc.
En 2017, la mairie de Grasse annulait le permis de construire, jugeant qu’il avait été obtenu de manière frauduleuse en 2006, et ordonnant la démolition des surfaces construites.
En mars 2019, la cour d’appel d’Aix-en-Provence, puis la Cour de cassation en décembre 2020, avaient confirmé cette première décision. La démolition devait intervenir dans les 18 mois à compter de l’arrêt de la Cour de cassation, avec une astreinte de 500 € par jour de retard passé ce délai, mais ni le propriétaire ni les services de l’État n’avaient entrepris cette démarche, notamment du fait d’une nouvelle procédure en cours devant la justice administrative.
Le 31 mai dernier, le tribunal administratif de Nice a rendu son jugement, estimant que « l’élément intentionnel de la fraude » n’était pas « caractérisé » dans le permis de construire, annulant ainsi la décision du tribunal de Grasse, et rétablissant le permis de construire.
Cette décision devrait permettre au propriétaire de conserver 70 % de la surface construite. Le permis de construire des 30 % restants – comprenant notamment une route et les galeries d’un cloître – avait en revanche été annulé par le cour administrative de Marseille en 2012, et restent donc susceptibles d’être détruits.
Vers un recours devant le Conseil d'État ?
Selon maîtres Philippe Soussi et Louis Ribière, avocats de Patrick Diter, la divergence d’interprétation entre la justice pénale et la justice administrative « interdit, pour l’heure, d’envisager toute démolition ».
Cependant, selon maître Virginie Lachaud-Dana, conseil de voisins du propriétaire, la décision du tribunal administratif de Nice ne pourrait supplanter celle de la Cour de cassation
« Il y a un principe de droit, la Cour de cassation a pris une décision irrévocable qui est exécutoire et définitive, et l'État a toujours l'autorisation judiciaire pour remettre en état le terrain », estime-t-elle.
« Ce jugement n'a pas pour effet de revenir sur les démolitions ordonnées par le juge pénal », abonde également le tribunal administratif de Nice.
La prochaine étape pourrait être un recours devant le Conseil d’État. Une option « étudiée » par Me Lachaud-Dana. En cas de conflit entre juridiction administrative et judiciaire, l’affaire pourrait également être renvoyée devant le Tribunal des conflits, selon Me Ribière.
Claire Lemonnier (avec AFP)
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