Chantiers au Qatar : Vinci Construction Grands Projets conteste sa mise en examen
Novembre dernier, Vinci Construction Grands Projets (VCGP), via sa filiale Qatari Diar Vinci Construction (QDVC) était convoquée par un juge d'instruction de Nanterre. Convocation en vue d’une mise en examen, dans le cadre d’une enquête sur les conditions de travail d'employés de certains chantiers liés à la Coupe du monde de football au Qatar.
Les motifs derrière cette procédure : « soumission à des conditions de travail ou d'hébergement incompatibles avec la dignité », « obtention de la fourniture d'une personne en situation de vulnérabilité ou de dépendance de services, avec une rétribution sans rapport » et « réduction en servitude ». Des chefs d’accusation portés notamment par les associations Sherpa et Comité contre l’esclavage moderne (CCEM). Toutefois, la filiale de groupe de BTP Vinci conteste sa mise en examen par la justice française, a appris l’AFP ce vendredi 23 juin.
L’annonce a lieu quelque jours après l’assignation en justice de 4 majors du BTP pour travail illégal sur les JO de Paris 2024.
Huit ans d’enquête sans « indices graves ou concordants »
« Après huit ans d'enquête de police, du parquet et du juge d'instruction, il n'y a toujours pas d'indices graves ou concordants » que des filiales de Vinci aient pu « commettre les délits dénoncés par Sherpa », livre Me Jean-Pierre Versini-Campinchi, avocat de l’entreprise. Me Ingrid Metton, avocate de Sherpa, a été contactée par l’AFP mais n’a pour l'heure fourni aucune réaction.
Trois chantiers sont ciblés par l’enquête : le « métro léger » ralliant Doha - capitale du Qatar - à Lusail - ville nouvelle d’accueil de la finale de la Coupe du monde de football -, les parkings souterrains de Lusail, ainsi que l'hôtel de luxe Sheraton, érigé à Doha.
D’après les témoignages recueillis par l'ONG Sherpa, des employés immigrés ont travaillé entre 66 et 77 heures par semaine. Leur passeport était confisqué, les travailleurs étaient entassés dans des chambres exiguës aux sanitaires insuffisants et percevaient des rémunérations sans rapport avec le travail fourni, tout en étant menacés de licenciement ou de renvoi dans leur pays en cas de revendications.
Une première plainte posée par Sherpa avait été classée sans suite 2018, bien qu'un rapport en 2014 dénoncait les modes de recrutement peu scrupuleux sur les chantiers. Mais c’était sans compter d’autres plaintes avec constitution de partie civile émanant des associations Sherpa et CCEM, ainsi que d'ex-employés indiens et népalais de ces chantiers. Celles-ci ont entraîné l'ouverture d'une enquête par un juge d'instruction en novembre 2019. Une perquisition a été menée au siège du groupe Vinci à Rueil-Malmaison (92) en décembre 2020, malgré un audit réalisé en janvier 2019 par plusieurs organisations syndicales (CGT, CFDT et CFE-CGC) au sein des activités qataries de Vinci. Le rapport s'était avéré positif sur l'existence de bonnes pratiques en matière d'emploi au sein de QDVC.
Reste à savoir où mènera cette énième contestation du groupe Vinci sur le dossier, sachant que la contre-attaque du groupe Vinci contre l’association Sherpa pour « atteinte à la présomption d'innocence » avait été classée sans suite en avril 2016.
Virginie Kroun
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