« Aucune taxe ne mérite de mettre en danger l’unité de la nation », Edouard Philippe
« Pendant ces dernières semaines, j’ai beaucoup consulté, les partenaires sociaux, les élus locaux, les associations qui œuvrent dans le domaine de la solidarité ou de l’environnement, les parlementaires… J’ai écouté les Français et leurs représentants. J’en tire deux premières conclusions : les Français qui ont enfilé un gilet jaune, aiment leur pays. Ils veulent que les impôts baissent et que le travail paye. C’est aussi ce que nous voulons. C’est le cœur de l’engagement du président de la république », a-t-il souligné.
« Nous avons déjà pris des mesures fortes sur le pouvoir d’achat (baisse de la taxe d’habitation, la baisse des cotisations salariales, avec la prime d’activité et l’augmentation légale du SMIC). Au 1e janvier, nous constaterons une hausse de 3% du smic net, une des plus importantes de ces 25 dernières années ».
« Je suis par ailleurs convaincu que si l’État doit rester fort et ferme, il est d’abord le garant de la paix public. Fixer le cap et le tenir est une nécessité pour gouverner la France. Mais aucune taxe ne mérite de mettre en danger l’unité de la nation », a-t-il poursuivi. « Depuis le début du mouvement, quatre de nos compatriotes ont trouvé la mort, plusieurs centaines de citoyens ont été blessés, parfois gravement… Des menaces et des insultes s’expriment sans retenu contre les élus de la nation, contre les gilets jaunes eux-mêmes. Cela ne ressemble pas à ce que nous voulons être, ces violences doivent cesser ! ».
Suspension des trois mesures fiscales
Dans un « souci d’apaisement », Edouard Philippe a révélé avoir pris, avec le président de la République, une série de décisions.« Trois mesures fiscales devaient entrer en vigueur le 1e janvier prochain :
- La hausse de la taxe carbone sur l’essence, le fioul et le diesel
- La convergence de la fiscalité du diesel avec celle de l’essence
- Et pour les professionnels, l’alignement sur la fiscalité des particuliers de la fiscalité du gazole des entrepreneurs non routiers, ce que l’on appelle le GNR ».
« Je suspens pour une durée de six mois, ces mesures fiscales. Elles ne s’appliqueront pas avant d’être débattues par toutes les parties prenantes. Nous voulons dans ce lapse de temps identifier et mettre en œuvre des mesures d’accompagnement justes et efficaces. Si nous ne les trouvons pas, nous en tirerons les conséquences ».
La hausse des prix du gaz et de l’électricité attendra
Edouard Philippe a également indiqué que « les tarifs de l’électricité et du gaz n’augmenteront pas durant la concertation et donc pas durant l’hiver qui s’annonce ». « Ces décisions d’effet immédiat doivent ramener l’apaisement et la sérénité dans le pays. Elles doivent nous permettre d’engager un vrai dialogue (…). Il faut réfléchir ensemble au rythme de la transition écologique tout en en conservant son ambition. Nous devons lutter contre la pollution contre le changement climatique qui menace d’abord les plus faibles. Nous devons mieux accompagner les Français dans cette transition, c’est un impératif ».« Cette concertation ne doit ressembler à aucune autre. Il y aura bien sûr un dialogue au niveau national. Le débat doit aussi avoir lieu au plus près des Français dans tous les territoires dans leur diversité. Nous travaillons pour définir une organisation appropriée qui permette à tous les français qui le souhaitent de s’exprimer (…). Ce débat commencera dès le 15 décembre et se terminera pour le 1er mars ».
Une première décision « positive »
Dans un communiqué, la Fédération Française du Bâtiment salue « une première décision positive ». « Le gouvernement a apporté une réponse de bon sens ». « En effet, le projet de loi de finances pour 2019 prévoyait pour les entreprises de construction l’abrogation de la possibilité de recourir au GNR, ce qui se serait traduit en hausse brutale de 500 millions d’euros de la fiscalité supportée par les entreprises ».Jacques Chanut, président de la FFB, salue ainsi « la décision raisonnable du gouvernement et se tient à sa disposition afin que la courte période de moratoire soit mise à profit pour trouver une voie de sortie supportable par les entreprises et le budget de l’État, au profit de la transition écologique ».
De son côté, Patrick Liébus, président de la Capeb, a accueilli « favorablement le moratoire annoncé par Edouard Philippe. Je souhaite que la suspension des augmentations fiscales contestées permette de réconcilier les forces vives de notre pays ».
« Les entreprises du bâtiment commençaient à subir une gêne d’approvisionnement dommageable pour leur activité et pour l’économie de proximité dans son ensemble (…). Le Gouvernement doit désormais s’engager durablement et prendre des mesures constructives », ajoute la Capeb.
La Fédération Nationale des Travaux Publics (FNTP) s'est dit soulagée. Pour Bruno Cavagné, son président, « ce nécessaire geste d’apaisement est de nature à calmer la colère des entrepreneurs de Travaux Publics qui ne cessait d’enfler dans nos territoires ». La suppression du taux réduit de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sur le gazole non routier (GNR) allait entraîner « un déséquilibre de la situation économique des entreprises de TP et une concurrence déloyale avec les entreprises de travaux agricoles ou paysagers qui interviennent fréquemment sur des marchés de terrassement ou de voirie », conclut le syndicat professionnel.
Rose Colombel
Photo de une : ©Compte Twitter Edouard Philippe
Associations professionnelles ou environnementales, les défenseurs de la transition écologique ont déploré mardi l'annonce par le gouvernement d'un moratoire sur la fiscalité des carburants, une « très mauvaise nouvelle ». Nicolas Garnier, délégué général de l'association Amorce, qui regroupe collectivités territoriales et entreprises, voit lui un moratoire « relativement massif" et « une mauvaise nouvelle ». « J'espère que ce n'est qu'une suspension. Si elle est là pour refonder les règles (sur la fiscalité écologique, ndlr), alors cela peut avoir un sens», dit-il. Amorce plaide pour une affectation plus importante de la fiscalité environnementale à la transition écologique et aux territoires. En ce sens, il faut « reconstruire le logiciel », selon M. Garnier. Pour Pascal Roger, président de la Fédération des services énergie environnement (Fedene), c'est une « très mauvaise nouvelle et un mauvais calcul économique » car la taxe carbone « est la seule taxe créatrice de valeur », en incitant aux investissements dans les économies d'énergie et les énergies renouvelables, créatrices d'emplois. « Les entreprises demandaient une trajectoire et qu'elles puissent anticiper, donc que cette trajectoire soit tenue. Or avec cette annonce, elle ne serait pas tenue», dit-il, relevant que le mécanisme de la fiscalité écologique « n'est pas compris». par les Français et qu'il faut "remettre les choses sur le tapis ». Du côté du Syndicat des énergies renouvelables (SER), Jean-Louis Bal juge que « ce n'est pas une bonne nouvelle pour l'environnement et la croissance de la chaleur renouvelable», qui entre en concurrence directe avec les énergies fossiles comme le fioul ou le gaz. (Source AFP) |