Logement social : une part croissante de résidents séniors
On le sait : adapter le logement au vieillissement et à la perte d’autonomie est un enjeu de taille, surtout à l’approche de l’application de l’aide MaPrimeAdapt’. La fédération des entreprises sociales pour l’habitat (ESH) l’a bien compris.
En témoigne sa récente publication d’un rapport portant sur le vieillissement des locataires dans le parc d’habitations à loyer modéré (HLM).
« Les ESH, qui œuvrent depuis toujours pour le parcours résidentiel et l’accompagnement des locataires seniors, sont des interlocuteurs privilégiés pour répondre aux attentes des élus comme des populations face aux enjeux du vieillissement. Ce rapport éclaire plus précisément la situation et les besoins concrets pour mieux cibler les actions et renforcer la dynamique de travail de nos ESH dans un contexte de besoins grandissant », expose Valérie Fournier, présidente de la fédération des ESH.
+30 % de locataires séniors dans les ESH entre 2020 et 2035
Mené avec le groupe Alogia, bureau d’étude expert et avec le sociologue Serge Guerin, tous deux spécialistes des enjeux du vieillissement, le rapport soulève un premier chiffre : 35 % des résidents de logement social ont plus de 60 ans.
Et cela devrait aller de bon train : selon les estimations de l’Insee, entre 2020 et 2035, le nombre de logements du parc des ESH et occupés par un locataire de 60 ans ou plus progresserait de 30 %, et de 58 % pour les 75 ans ou plus.
Il faut dire que cette tendance suit le vieillissement actuel de la population, comme évoqué tant de fois par les acteurs de la silver économie.
« Le phénomène actuel de gérontocroissance bouscule "la demande", les besoins de la population française qui en l’espace de quelques années va connaitre un fort vieillissement : de 2020 à 2040, l’Insee projette une augmentation de plus de 4,2 millions de Français de 75 ans et plus. À partir de l'étude Insee sur les centenaires, on peut estimer qu’environ 35 000 personnes âgées de 90 ans et plus et 900 personnes âgées de 100 ans ou plus logent au sein du parc des ESH », lit-on dans le rapport.
Une distinction des besoins entre les baby boomers...
« Ces chiffres impliquent une population âgée aux niveaux d’autonomie et d’indépendance disparates. Certains seniors vieillissent sereinement chez eux alors que d’autres font face à des difficultés nouvelles: problématiques physiques (mobilité, communication, force, douleurs...) problématiques cognitives (perte de mémoire, désorientation, confusion...) et problématiques psychologiques (dépression, angoisse, stress...) », est-il également mentionné.
D’autant que les besoins et les dépendances des séniors varient selon certaines catégories. Par exemple, on relève les premiers baby-boomers. Nées dans une société de consommation, les personnes de cette génération seraient âgés de 63 à 77 ans en 2023. On leur prête un tempérament individualiste et un mode de vie centré sur le « confort » et l’« affirmation des droits ». Paradoxalement, les séniors de cette génération vivant dans un logement social ne se sentent pas concernés par les problématiques de vieillissement.
« Par ailleurs, l’arrivée de la retraite est vécue aussi comme un temps de réparation et de vie pour soi, après une période professionnelle parfois rude. Pourtant l’âge avance et les marques de fragilités aussi. Il y a une forme de déni tranquille du vieillir liée aussi au fait qu’ils n’ont pas vécu d’évènement de rupture. En fait, ils ont tous déjà des besoins spécifiques d’accompagnement pour le bien vieillir, mais aucun facteur n’est encore suffisamment aiguë pour sonner l’alarme. Par ailleurs, ils sont, en moyenne, bien moins sensibles et perméables aux discours et injonctions sur la prévention et le bien vieillir », décrivent les auteurs du rapport.
…et les séniors de grand âge
Mais ce sont surtout les séniors de grand âge, appelés également « génération silencieuse » que les acteurs de la silver économie ciblent. Touchés par une perte d’autonomie, ces séniors sont exposés à différentes problématiques : isolement social, perte de mobilité, problèmes neurologiques. L’enjeu est grand, étant donné qu’à partir de 2026, durant 26 ans, « la France va connaître une forte hausse du nombre des plus de 80 ans », selon la fédération des ESH.
« Cette population peut vivre dans des lieux complexes, en termes de délinquance et de voisinage, comme de mauvaise qualité du réseau de mobilité ou d’infrastructures de proximité. Elle ne communique pas beaucoup et relève d’une culture du devoir plus que de la plainte. Très peu présente sur les réseaux sociaux, peu à l’aise dans sa relation avec les institutions, elle est souvent discrète, voire passive », dépeint l’organisation.
Les territoires littoraux et sublittoraux privilégiés par les séniors
Si l’on doit faire une analyse territoire par territoire de la population sénior, la concentration la plus importante reste dans les régions littorales (Vendée, Charente-Maritime, Landes, Morbihan…) et sublittorales (Hautes-Alpes, Charente, Alpes-de-Haute-Provence, Ardèche…). Les 75 ans ou plus y élisent domicile, tandis que les plus jeunes fuient ces régions pour leurs études ou leur carrière professionnelle. La population âgée dans ces départements devrait progresser de 52 % d’ici 2035. Hors Hexagone, les départements et régions d'Outre-mer connaissent une gérontocroissance forte, notamment à La Réunion (+69 %) et en Guyane (+170,3 %) |
Et les aidants et le personnel soignant dans tout ça ?
Le parc de logements sociaux relève également d’autres résidents. D’un côté, les aidants (16 % des occupants), qui aident leur entourage en raison d'un problème de santé, d'un handicap ou du vieillissement. Ils sont près de 760 000 d’aidants informels, dont près de 130 000 âgées de 65 ans ou plus.
Sans compter également les professionnels de l’aide à l’autonomie (infirmiers, aides-soignants, auxiliaires de vie, etc.). Les ESH en dénombrent 240 000, soit 5 % logés. Au total, ils sont 250 000 personnes, dont plus de 165 000 locataires âgés de 75 ans ou plus à recevoir l’aide d’une tierce personne. Soit 27 % d’occupants.
À partir de ces résultats, la fédération des ESH a pu identifier quelques pratiques, notamment en matière de logement. Parmi les pratiques et initiatives saluées, on retrouve la réalisation d’un diagnostic par un ergothérapeute avant travaux d’adaptation. L’élaboration d’une offre de gamme de logements abordables pour les séniors, par des acteurs comme 3F Résidences, Polylogis ou Habitat En Région est notamment évoquée.
« Ces nouvelles générations de 65 ans et plus seront aussi plus attentives et intéressées par des solutions résidentielles intermédiaires (résidences autonomies ou résidences services seniors, habitat partagé, colocation, accueil familial...), si tant est que leurs ressources financières et culturelles le permettent », est-il précisé.
Virginie Kroun
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