La crise du logement neuf, toujours au cœur des préoccupations de la FFB
La crise du logement neuf continue d’être au cœur des préoccupations des acteurs du secteur. Le président de la FFB Olivier Salleron y a consacré l’intégralité de son discours de rentrée, d’un air presque désolé du fait de la redondance du sujet. Cependant, si le sujet revient toujours sur la table, c’est que rien n’est fait pour enrayer cette crise. Au contraire, le secteur s’y enlise encore davantage, déplore le président de la Fédération Française du Bâtiment (FFB).
Malgré le relèvement de 2,4 à 4 milliards d’euros du budget alloué à MaPrimeRénov’ pour 2024, et le redéploiement de la commande publique locale, les bonnes nouvelles sont rares. Le président de la FFB déplore les annonces "catastrophiques" du CNR logement relatives aux aides pour le neuf. Si rien n'est fait pour le secteur, la FFB prévoit une perte de 16,6 milliards d’euros dès 2024. Soit environ 10 % de son activité. De quoi obliger la fédération à revoir ses prévisions pour l’année 2023.
La crainte d’une crise inédite depuis près de 30 ans
À titre de comparaison, l’activité du neuf par rapport à 2022 chute de -3,1 %. Le logement connaît une chute de -5,1 %, et le non résidentiel de -0,2 %. Sur la partie amélioration-entretien, qui représente 54 % de l’activité de la FFB, les chiffres se maintiennent à une progression de +2 %.
Ces statistiques entraînent de facto une récession de l’activité du bâtiment dans son ensemble, puisque celle-ci connaît une baisse de -0,2 %. Une situation « historique » que déplore Olivier Salleron. Quant à l’emploi dans le bâtiment, sa phase de croissance continue depuis 2017 se referme.
Côté logement neuf, la crise ne cesse de s’aggraver. En glissement annuel sur sept mois à fin juillet 2023, les mises en chantier abandonnent déjà plus de 15 % et le mouvement ne peut que s’accentuer puisque les permis chutent de près de 30 %. Les ventes de logement ont quant à elles chuté de 40 %.
Une baisse d’activité qui conduit irrémédiablement à un effet boule de neige, comme l’explique Olivier Salleron : « Une baisse des ventes de logement entraîne logiquement une baisse du nombre de permis de construire. Et en bout de chaîne, les métiers de la construction en ressortent très fortement impactés ».
Tous ces éléments font craindre au président de la FFB, et aux professionnels du secteur dans leur ensemble, une crise du logement neuf jamais vue depuis près de 30 ans. Au regard des chiffres, en rythme annuel sur les sept premiers mois de 2023, les mises en chantier de logements atteignent 303 000 unités, comme en 1991, année précédant les points bas historiques de 1992 et 1993, avec environ 275 000 unités.
« Si aucune mesure n’est prise, si rien n’est fait dans le PLF 2024 pour enrayer la chute, ce sera un choix politique. Chacun sait alors ce qu’il adviendra de la situation en 2024, 2025 et certainement 2026 », met en garde Olivier Salleron. « Le bâtiment, c’est un gros paquebot. Dès qu’on le freine, pour le remettre en route, c’est toujours très lent et très difficile », avertit le président de la FFB.
150 000 emplois menacés
La situation n’est pas plus glorieuse du côté des ventes aux particuliers. Ces dernières s’effondrent de 35 % entre les premiers semestres 2022 et 2023. Avec à peine plus de 150 000 unités en cumul sur 12 mois à fin juin, les ventes aux particuliers sont au plus bas depuis 2007.
Même son de cloche pour le non résidentiel, qui n’est pas au top de sa forme. Sur 7 mois à fin juillet 2023, les surfaces commencées abandonnent 19,2 % sans changement de rythme récent, et les surfaces autorisées baissent de 1,5 %.
L’amélioration-entretien sauve les meubles, avec une activité en légère hausse au deuxième trimestre 2023. Le chiffre d’affaires a augmenté de 2,4 % en volume sur un an. Même dynamique pour la rénovation énergétique, avec une augmentation de 2,3 %. « Le rebond se poursuivrait, mais modestement. Pour cela, on attend bien évidemment cette injection des 2 milliards supplémentaires de MaPrimeRénov’ dès le 1er janvier 2024 pour enfin booster cette rénovation énergétique », déclare le président de la FFB.
Olivier Salleron déplore également un ralentissement du nombre d’embauches. L’emploi stagne, à l’inverse des deux dernières années où les effectifs du secteur se renforçaient.
Les défaillances sont contenues, avec pour le bâtiment -4,6 % sur les huit premiers mois 2023 par rapport aux huit premiers mois de 2019, qui reste une des dernières références.
Ce tour d’horizon ne laisse pas présager d’un regain de forme pour le secteur du bâtiment. Les prévisions pour l’année 2025, qui va arriver très vite, comme le rappelle Olivier Salleron, sont pessimistes. On peut s’attendre pour le neuf à près de 20 milliards d’euros de perte. Plus d’optimisme du côté de la rénovation, avec entre +6 et +8 milliards d’euros en plus de prévus. Insuffisant malgré tout pour endiguer cette crise, qui prédit un déficit pour l’activité du bâtiment de -14 à -15 milliards d’euros. Résultat des courses : 150 000 emplois pourraient être supprimés d’ici 2025, salariés et intérimaires ETP confondus.
Pêle-mêle de propositions pour enrayer la crise
Si la situation du secteur est vraiment critique, il n’est tout de même pas trop tard pour limiter l’ampleur et la durée de cette crise selon la FFB. Tout repose sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2024.
La FFB a déjà fait part d’un grand nombre de mesures qui pourraient relancer quelque peu la machine. Pour le neuf par exemple, la FFB demande à ce que soit redéployé le prêt à taux zéro (PTZ) sur l’ensemble du territoire. Aujourd’hui, 93 % du territoire national est exclu du PTZ. « Les familles modestes, avec enfant ou pas, qui veulent acquérir un petit logement ou un petit pavillon, ne seront plus aidées à partir du 1er janvier 2024. C’est tout de même dramatique », déplore Olivier Salleron.
Concernant l’investissement locatif privé, la FFB souhaite un retour au Pinel 2022 jusqu’en 2024, ainsi qu’un véritable travail sur le statut du bailleur privé, pour une mise en place au 1er janvier 2025, comme ce qui avait été promis par l’exécutif il y a 10 mois, d’après le président de la FFB.
Pour l’amélioration-entretien, la FFB souhaite qu’un milliard d’euros supplémentaire soit alloué à MaPrimeRénov’ chaque année, afin de poursuivre les efforts fournis dans la rénovation énergétique. La FFB espère également un démarrage réussie de MaPrimeAdapt’, qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2024.
« En résumé, arrêtons l’instabilité. Nous demandons de la planification. Il faut qu’il y ait une certaine cohérence dans toutes les mesures prises actuellement. Trop de mesures ont été empilées depuis trois ans. Ne rajoutons pas des mesures internes », conclut Olivier Salleron.
Jérémy Leduc
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