Promotion immobilière : « La chaîne du logement est totalement bloquée »
Ce mercredi 13 septembre, la fédération française du bâtiment (FFB) exposait sa crainte d’« une crise inédite depuis près de 30 ans ».
Une situation sur laquelle les promoteurs immobiliers, en premier, ne cessaient d’alerter. « Aujourd'hui, il n’y a plus aucun doute sur le fait que ça ne tourne pas. La machine est totalement grippée », confirmait de nouveau, ce jeudi 14 septembre, Pascal Boulanger, président de la fédération des promoteurs immobiliers (FPI), lors de la traditionnelle présentation de sa conjoncture pour le T2 2023.
Une baisse des ventes de logements qui se stabilise…
Les indicateurs de la promotion immobilière sont toujours dans le rouge au T2 2023.
En témoigne la baisse des mises en ventes sur six mois (-28,8 % comparé aux chiffres du T2 2022), comme sur trois mois (-37,9 %), bien plus forte que sur le T1 2023 (-24,8 %).
La chute des ventes, de -34,63 % au T1 2023 sur les trois mois, semble se stabiliser au T2 2023 (-30,2 %).
« La hausse des coûts de construction, puis la hausse continue des taux désolvabilisent progressivement les ménages : acquéreurs et investisseurs particuliers ont déserté les bureaux de vente. Les ventes totales décrochent à nouveau, pour la deuxième année consécutive. Le nombre de logements vendus s’établit, sur l’ensemble du semestre, à 46 448 logements, un niveau inférieur à celui du premier semestre 2020 (58 697 logements), au plus fort de la crise Covid », lit-on dans le communiqué de la FPI.
« Les ventes nettes aux investisseurs particuliers de logements éligibles au dispositif d’aide fiscale à l’investissement locatif Pinel étaient de l’ordre de 50 000 à 60 000 en moyenne annuelle entre 2015 et 2022. À titre de comparaison, les ventes en bloc des promoteurs à destination des investisseurs institutionnels se situent en moyenne annuelle sur la même période autour de 6 000 logements. (...) La comparaison est sans appel. Par ailleurs, soumis comme tous les investisseurs aux aléas des taux d’intérêts, les investisseurs institutionnels ne sont pas en situation de prendre pleinement le relais des investisseurs particuliers », est-il également détaillé.
Une telle instabilité de la demande en logement neuf va de pair avec un abandon d’1 opération immobilière sur 5, selon les estimations affichées lors de la conjoncture.
… face à une offre en hausse, mais pas dans le bon sens
Pendant ce temps, l’offre progresse de 15,7 %. Mais le chiffre est trompeur et n’a plus trop « de sens » pour Pascal Boulanger. Les chiffres gonflent par la baisse des réservations de logements neufs.
D’autant que, comme le confirmaient les chiffres du Ministère de la Transition écologique, la baisse des permis de construire se poursuit en juillet.
« La brioche se dégonfle. Là encore, il y a eu un phénomène qui vient cacher la situation réelle du domaine de la construction de logement au 2ème trimestre 2023 », évoque Didier Bellier-Ganière, délégué général de la FPI, faisant référence au bond des permis de construire au 2ème trimestre 2022, sous l’effet de l’entrée en vigueur de la RE2020 en janvier 2022. Pour rappel, nombreux dossiers d'autorisation ont été posés avant la date d'application de la réglementation, afin d’échapper à ses critères de construction plus restrictifs.
Un phénomène « artificiel », alors que la nouvelle réglementation peut « s'avérer être l'argument de vente » du logement neuf, censé affiché des étiquettes énergétiques de plus en plus performantes.
L’accessibilité du logement en péril
Il n'empêche qu'une crainte se dessine : le repli du marché locatif. « Tout le parcours résidentiel se bloque. Il était déjà bloqué depuis plusieurs années dans le logement locatif. Maintenant il est bloqué en pointillé quelque soit le secteur, que ce soit le social ou le privé », déplore Didier Bellier-Ganière.
« On a connu les cas catastrophiques d'étudiants qui vivent à trois dans un logement ou renoncent à leurs études au moins pour une année. Je crains que ce phénomène aille crescendo dans les années à venir et que l'hiver aussi sera assez dur au niveau de l'hébergement d'urgence, parce que tout le système est bloqué », abonde le délégué général de la FPI.
Et Pascal Boulanger de conclure : « La chaîne du logement est totalement bloquée ». Le président de la FPI reproche de nouveau « la passivité des pouvoirs publics ». « Si rien n’est fait, ce sont près de 80 000 logements qui manqueront à l’appel cette année. 4 milliards d’euros de recettes fiscales en moins pour l’État, 300 000 emplois en moins en 2024 et 2025, un marché du travail qui se sclérose... Une spirale mortifère s’est enclenchée », énumère-t-il dans un communiqué.
Durant la conférence, il appelle à un « électrochoc » et des « mesures concrètes et immédiates ». « Le ministère nous proposait encore des réunions, des réflexions, des commissions », souffle Pascal Boulanger. « Pourtant, il n’est pas question que je remotive, je remobilise les adhérents pour aller encore à une énième réunion qui produira un énième rapport. Maintenant, il faut trancher, donc on attend du ministre, rapidement - j'insiste sur le rapidement - des mesures », soutient le président de la FPI.
Rien n’est pour l’heure gagné pour la promotion immobilière, quand on sait que la feuille de route de Patrice Vergriete, nouveau ministre du Logement, mise énormément sur la rénovation des logements, et non sur la construction.
« En tant que maire d’une ville qu’il a dynamisée, le nouveau ministre Patrice Vergriete sait que le logement est un des premiers leviers de l’aménagement du territoire et mérite autant d’attention que la politique de réindustrialisation. Ce n’est malheureusement pas le cas actuellement », tâcle Pascal Boulanger dans la communiqué de la FPI.
Virginie Kroun
Photo de Une : V.K