Alliance pour le Logement : l’appel de la dernière chance ?
« La crise du logement n’est pas individuelle, elle est politique », a déclaré Emmanuelle Cosse, présidente de l'Union sociale pour l'habitat, lors d'une conférence de presse tenue par 10 organisations professionnelles majeures de l'immobilier et de la construction. C’est « l’appel de la dernière chance. L’objectif est de faire comprendre qu’il doit y avoir une réaction au plus haut niveau de l’État, et rapidement », a poursuivi la présidente de l’Union Sociale pour l’Habitat (USH).
Plus de 80 % des Français pensent qu’il y a une crise du logement
« Cette alliance du logement est une première en France, cela montre à quel point la situation est grave », a quant à lui déclaré Olivier Salleron, président de la Fédération Française du Bâtiment (FFB). La gravité de cette crise, « on la remarque aussi dans les chiffres », souligne le président de Viavoice, lors des résultats d'une étude sur les Français et leurs perceptions de la crise du logement.
32 % des répondants à cette étude indiquent avoir au moins un projet d’achat ou de location, et 44 % déclarent rencontrer des difficultés. Le taux d’intérêts des emprunts (33 %) est le premier facteur de difficulté que rencontrent les Français dans leur parcours d’accès à la propriété, suivi du manque de logements adaptés au ressources financières (26 %), du manque de logements disponibles (15 %), et des aides à la rénovation jugées insuffisantes (14 %).
Encore plus alarmant : 83 % des Français pensent qu’il y a une crise du logement en France, et près d’un tiers (31 %) le pense tout à fait. Parmi eux, 79 % estiment que le gouvernement n’a pas pris la mesure de la crise et ne fait pas le nécessaire pour la résoudre.
« On a déjà formulé des propositions au gouvernement, individuellement ou collectivement, et rien n’a été fait. On a l’impression qu’on se moque de nous. Pourtant, nous sommes des experts du sujet (…) cette incompréhension finit par se transformer en colère », indique Boris Vienne, président de l’Union nationale des notaires employeurs (UNNE), qui souligne que « tout va de plus en plus mal et que si rien ne change en 2024,« la crise va perdurer et on vivra quelque chose d’inédit ».
Des propositions communes
« Le gouvernement ne peut pas rester les bras croisés », clame également le président de la FFB, qui demande « un travail collégial pour que les ménages français retrouvent la possibilité d’accéder à la priorité ».
Pour cela, les membres de l’Alliance pour le logement ont identifié des sujets sur lesquels ils ont interpellés le gouvernement. À commencer par le rétablissement du prêt à taux zéro (PTZ) qui, depuis sa création il y a près de 30 ans, « a permis à plus de 3,6 millions de familles d’accéder à la propriété », rappellent-ils. Pour Grégory Monod, président du Pôle Habitat FFB, ce prêt doit « être mis en place sur tout le territoire et pour tous les habitats ». « C’est maintenant qu’il (le PTZ, NDLR) doit faire levier », estime quant à lui Yannick Borde, président de Provicis. « On est en train de détruire une filière et tous les acteurs qui vont avec », déplore ce dernier.
Les membres demandent ainsi la mise en place d’un statut du bailleur privé, « dispositif pérenne d’amortissement », qui permettrait de « faciliter l’investissement des propriétaires dans le neuf comme dans l’ancien ».
Pour le président de la Fédération nationale de l’immobilier, Loic Cantin, « l’annonce de la fin du dispositif Pinel en 2025 est également une catastrophe ». Il plaide pour un nouveau dispositif original d’incitation fiscale avec prise en charge différée. Par ailleurs, les membres de l’Alliance proposent de « dynamiser temporairement l’acquisition des logements dans le neuf par une exonération partielle des droits de mutation ».
De son côté, Danielle Dubrac, présidente de l’Union des syndicats de l’immobilier (UNIS), milite pour une simplification du marché locatif privé et du recours aux professionnels du secteur, en circuit plus court.
Une filière déterminée
« Ce n’est plus possible de voir les chiffres que je vois », confie Pascal Boulanger, président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), « les Français sont à la rue et on a toujours pas de réponses, pas de propositions, pas de ministres délégués (...). On ne peut plus accepter tout cela », déplore-t-il.
« La crise s’aggrave », regrette Olivier Salleron, tant sur la construction neuve (-25 %), dans l’ancien, que dans le logement social, qui enregistre « les plus mauvais chiffres depuis 2005 » avec seulement 85 000 logements autorisés. La crise devient « dramatique », indique la présidente de l'USH, qui dénonce non pas un « désinvestissement mais un renoncement », de la part du gouvernement.
Les dix organisations ont précisé qu’elles ne pourront pas se satisfaire d’un vague projet de décentralisation qui conduirait à masquer l’absence de politique en matière de logement. « Je ne veux ni d’une concertation, ni d’un CNR, la question aujourd’hui est de savoir si le premier ministre fait du logement sa priorité, lui qui a dernièrement évoqué les classes moyennes », poursuit Emanuelle Cosse, car la crise du logement met non seulement en péril le pouvoir d’achat, le loyer, les prêts, mais aussi l’atteinte du plein-emploi, tant il est devenu difficile de se loger à une distance raisonnable des villes attractives.
Mais les membres ont l'air plus déterminés que jamais, à entendre Boris Vienne. « Est-ce que l’on va se résigner ? », « la réponse est non », lance-t-il. « On travaille pour ces milliers de Français qui ont besoin d’un logement durable et abordable », conclut Franck Demesson, président de l’Union nationale des économistes de la construction (UNTEC).
Plus qu’à espérer que le gouvernement tienne compte de ces propositions formulées par l’Alliance du Logement, qui devrait également se décliner dans les prochains mois en Alliance régionale.
Marie Gérald
Photo de une : Twitter - ©FFB