L’ANRU « n'a pas tenu ses promesses », selon des députés LFI-Nupes
Le 1er août 2003, Jean-Louis Borloo, alors ministre délégué à la Ville, faisait voter la loi d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, donnant ainsi naissance à l’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU), quelques mois plus tard.
20 ans d’existence au cours desquelles, 700 quartiers et 5 millions d'habitants ont bénéficié d’opérations de l'ANRU, allant des démolitions-reconstructions aux réhabilitations, en passant installations d'équipements publics, commerces, transports. Plus précisément : 164 400 logements ont été démolis, 142 000 reconstruits, 385 400 résidentialisés, dans le cadre du Nouveau Programme National de Rénovation Urbaine (NPNRU). Le tout pour 48,4 milliards d'euros investis lors du premier programme, et un budget qui continue de se développer.
« Tous ces chiffres peuvent donner le vertige, mais qu’en est-il concrètement des résultats ? », s’interrogent des députés LFI-Nupes, qui livraient ce lundi 12 juin le rapport « #AllôANRU ». Pilotée par François Piquemal, député LFI de Haute-Garonne, cette campagne a permis d’établir à un bilan des actions de l’agence, à partir de visites et rencontres dans 20 villes et une trentaine de quartiers, de Roubaix à Nice en passant par Sevran.
Une « vision technocratique qui se voulait esthétisante » des quartiers populaires
Si le projet de l’ANRU vise plus de mixité sociale, de désenclavement et d'attractivité des quartiers, le premier bilan des parlementaires reste « assez loin des objectifs nationaux de logement social, alors que le pays connaît un record des demandes de logements sociaux », avec « partout, un ralentissement des travaux face à l’inflation », lit-on dans le rapport.
Autre reproche de François Piquemal : la « vision technocratique qui se voulait esthétisante » appliquée par l’ANRU sur les quartiers populaires, notamment des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Les critiques portent sur l’absence de concertation avec les habitants, alors que ces derniers ont dû attendre des années avant la réalisation des travaux, sans certitude sur leur futur lieu d’habitation. Certains ont dû d'ailleurs être déplacés loin de leur lieu d'habitation d'origine.
Pour Farida Amrani, députée de l’Essonne, l’ANRU instaure « discours d'une grande violence à l'égard des quartiers dits « populaires », une stigmatisation et une marginalisation ». Marianne Maximi, députée du Puy-de-Dôme déplore de son côté que cette politique de la ville relègue « les classes populaires en périphérie des grandes villes », en réduisant l'offre de logements très sociaux dans les centres-villes.
Certes, l’agence de rénovation urbaine continue de se développer à travers ses démarches « Coeur de ville » et « Quartiers résilients ». Cependant il s’agit « de nouveaux dispositifs, sous-financés, et avec les mêmes recettes : de considérables objectifs de démolition comme préalables aux programmes de logements sociaux ou de résidentialisation », estiment les auteurs du rapport. Sans compter le coût carbone des démolitions et la quantité très importante de déchets qu’elle génère.
Conclusion du rapport : « L’ANRU semble au bout d’un cycle sans pour autant avoir tenu ses promesses ».
Davantage soutenir la rénovation énergétique et le développement des logements sociaux
Contactée par l’AFP, l’ANRU a déclaré accueillir favorablement toute nouvelle contribution à la politique de renouvellement urbain, voyant dans le rapport AllôANRU « démarche permanente d'évaluation ». L’agence regrette toutefois les députés ne l'aient pas contactée.
Les élus ont dressé quant à eux une liste d’axes d’amélioration. Une partie des propositions tendent à booster le développement des logements sociaux, en encourageant notamment la production d’un million de logements réellement sociaux, à raison de 200 000 logements publics par an répondant aux critères écologiques. Les auteurs du rapport appellent dans ce sens à l’augmentation du mécanisme d’« aide à la pierre ».
Une autre mesure mise également sur l’éco-construction de ces logements. En termes de financements, est préconisé également d’augmenter la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC) à 1 % de la masse salariale, contre 0,46 % aujourd’hui.
Une salve de propositions se concentrent sur la rénovation énergétique, avec une massification des financements sous la houlette de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH). La multiplication des travaux passerait entre autres selon les députés LFI par l’obligation d’une rénovation globale pour l’ensemble du parc de logements, afin qu’elles atteignent une classe énergétique entre A et B d’ici 2050.
Cela se complèterait aussi par une réforme de l’ANRU, « pour qu’elle soit financée par l’État et que les projets de renouvellement urbain promeuvent les réhabilitations écologiques plutôt que les démolitions », développent les députés, qui ajoutent : « Les projets doivent être davantage élaborés avec les habitants, les conseils citoyens financés de manière obligatoire et des votes organisés lorsque des changements lourds dans le quartier sont prévus. En cas de relogement, le coût total du loyer et des charges ne doit pas augmenter ».
Toujours côté financement, les élus recommandent la hausse des subventions pour favoriser le c zéro reste à charge » et « pérenniser le Prêt à taux zéro dédié », et ce pour tous les propriétaires.
À travers ce premier diagnostic, les députés souhaitent qu’une mission parlementaire sur le sujet soit prochainement lancée. En attendant, une seconde séquence de la campagne AllôANRU est prévu automne prochaine. La campagne ciblera cette fois-ci les villes de Lyon, Bordeaux, Rennes ainsi que les territoires ultramarins, « eux aussi touchés par l’ANRU », et où trois habitants sur dix seraient concernés par le mal-logement.
Pour lire l’intégralité du rapport AllôANRU, rendez-vous sur ce lien.
Virginie Kroun
Photo de Une : Adobe Stock