Zéro Artificialisation Nette (ZAN) : l'AMF saisit le Conseil d'État
En France, 20 000 à 30 000 hectares sont artificialisés chaque année, selon le ministère de la Transition écologique. À titre d’exemple, cette superficie correspond à deux fois la ville de Paris, qui serait recouverte tous les ans par du bitume ou de l’asphalte. L’objectif Zéro Artificialisation Nette (ZAN), issu de la loi Climat et Résilience, vise à freiner ce phénomène d’artificialisation, afin de préserver et de restaurer des sols d'ici 2050.
Le 29 avril dernier, le gouvernement accélérait la cadence sur le ZAN avec la parution de deux nouveaux décrets. Leur objectif ? Introduire une nomenclature des sols artificialisés ou non, et fixer les règles qui doivent être déclinées dans le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet). Ces derniers ont néanmoins suscité de vives réactions, notamment auprès des collectivités, qui les ont jugés inappropriés d’un point de vue juridique.
Des décrets conçus de façon technocratique selon l’AMF
En vertu de l’objectif ZAN, les collectivités doivent ainsi diviser par deux tous les 10 ans le rythme de grignotage des espaces naturels, pour arriver à mettre un terme à l'artificialisation d’ici 2050. En effet, l'artificialisation des sols, soit le grignotage d'espaces naturels par l'urbanisation, dégrade la biodiversité, contribue au réchauffement climatique et augmente les risques d'inondations.
Cependant, dans un communiqué, le président de l'AMF et maire de Cannes, David Lisnard, a fait part de son inquiétude, concernant la « sécurité juridique » de ce dispositif. « Nous saisissons le Conseil d'État pour purger ces textes de toute illégalité potentielle et s'assurer que les futurs schémas et documents d'urbanisme intégreront les objectifs dans des conditions juridiquement sécurisées ».
« L'objectif de lutte contre le réchauffement climatique est une priorité et une urgence. Mais le texte a été conçu de façon technocratique et risque de s'appliquer au détriment de la ruralité. Nous demandons au gouvernement de revenir en profondeur sur ces dispositifs », poursuit l'élu. L'AMF considère donc que les deux décrets d'application de la loi, « ont été publiés dans la précipitation, sans étude d'impact (...) dans une approche de re-centralisation rigide ».
« Ils accentuent les fractures territoriales en opposant les projets entre eux et sont contre-productifs car leur application arithmétique et indifférenciée va à rebours des aménagements vertueux en matière de lutte contre le changement climatique, mais aussi des aménagements indispensables à l'ambition de réindustrialisation du pays, qui ne peuvent être réalisés en zone dense », ajoute l’Association des Maires de France.
La fédération des SCoT alerte à son tour le gouvernement
Responsable de la définition de projets stratégiques d’aménagement et de développement des territoires, la fédération des SCoT réunissait ses membres la semaine dernière, pour la 16ème édition de ses Rencontres nationales. Un rendez-vous placé sous le thème des « nouveaux modèles d’aménagement territorial » à l’heure où la lutte contre l’artificialisation des sols est plus que jamais d’actualité.
La fédération en a profité pour publier une étude inédite « S’engager dans de nouveaux modèles d’aménagement : choisir pour ne pas subir ». Dans un contexte où la France est aujourd’hui témoin d’une véritable révolution dans l’aménagement de son territoire, les membres de la Fédération des SCoT appellent ainsi à un changement de paradigme dans notre manière de penser le territoire.
Les nouveaux enjeux d’aménagement auxquels nous devons faire face, ont donc conduit les SCoT à imaginer et dessiner de nouvelles stratégies territoriales. Michel Heinrich, le président de la fédération des SCoT, a notamment appelé à poser un autre regard sur les espaces naturels protégés, qui sont « autant d’opportunité de développement et de préservation du territoire que le bâti ». « Il faut arrêter d’appréhender ces espaces comme des contraintes supplémentaires mais plutôt parvenir à les intégrer dans des projets plus globaux », a-t-il estimé.
Pour mener à bien cet objectif, Michel Heinrich rappelle qu’il faudra compter sur la mobilisation de tous les acteurs « État, région, département et bloc local » ainsi que les aménageurs privés qui « devront redoubler d’imagination ». La Fédération des SCoT appelle le gouvernement à profiter du prochain projet de loi de finances pour faire évoluer le cadre fiscal et financier, tout en accompagnant la mise en place de ces nouveaux modèles d’aménagement.
Robin Schmidt
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