Le béton de chanvre débarque dans les Hauts-de-France
Lundi 29 novembre, l’expérimentation « Pecquenchanvre » était inaugurée par Jean-François Campion, directeur général de Maisons & Cités, et Frédérique Motte, conseiller régional délégué à la transformation de l’économie régionale et président de la mission Rev3, organisme soutenant la révolution industrielle dans les Hauts-de-France.
6 logements rénovés au béton de chanvre par mois
Lancée cet été, l’opération consiste à réhabiliter 50 logements de la Cité Barrois à Pecquencourt (59) en deux ans, à raison de 6 logements par mois. Comment ? En recourant au béton de chanvre, solution d’isolation développée depuis les années 90, mais encore sous-estimée selon une récente étude menée par le Cerema.
Le matériau s’insère peu à peu dans différentes applications : papeterie, cosmétique, élevage, alimentation, plasturgie, mais aussi dans la construction. Associé à la chaux et appliquée en bloc comme par projection, le chanvre présente plusieurs avantages : résistance au feu, durée de vie jusqu’à 100 ans, mais aussi isolation acoustique et thermique dans le logement.
« Le recours au béton de chanvre comme isolant thermique assure une température ambiante idéale dans mon habitat. A la mi-novembre, je n’ai toujours pas allumé le chauffage », témoigne Corinne Sevin, bénéficiaire de l’opération Pecquenchanvre, dont le premier logement a été livré début septembre.
Autant de qualités environnementales normées, qui intéressent Maisons & Cités. Le bailleur social, qui détient un parc de 64 000 logements principalement situés dans les Hauts-de-France, n’en n'est pas à son premier coup d’essai, avec différentes opérations de réhabilitation réalisées grâce à ce matériau.
Créer une filière béton de chanvre dans les Hauts-de-France
Après Réha-futur 1 en 2015, Réha-futur 2 entre 2017 et 2020, Réno-Chanvre en 2020, le projet Pecquenchanvre tend à affirmer l’intérêt du béton de chanvre, en particulier dans le bassin minier. Il intègre ainsi l’ambition globale de Maisons & Cités de rénover à termes 1 000 logements grâce à ce matériau biosourcé. Soutenu par le Centre de Développement des Eco-entreprises (CD2E) et la cabinet Ōpun, l’opération suscite d’autres promesses pour la région.
« Nous devons faire en sorte que les entreprises s’approprient la technique d’isolation en béton de chanvre et qu’ils aient des automatismes comme avec les techniques d’isolation courantes », développe Nicolas Guezel, responsable du pôle Bâtiment Durable du CD2E.
« En développant une filière du chanvre à l’échelle régionale, on construit une filière de réorientation pour des milliers d’emplois peu qualifiés dont les métiers pourraient se trouver menacés dans les années à venir par le développement du digital et de l’intelligence artificielle », complète Loïc Bordais, du cabinet Ōpun.
Objectifs partagés par la région de Hauts-de-France, qui adoptait en 2018 une feuille de route autour de la bio-économie. Elle subventionne ainsi l’expérimentation Pecquenchanvre, dans le cadre de l’appel à projets Fonds Régional d’Amplification de la Troisième Révolution Industrielle (Fratri).
L’opération intègre de cette façon l’Engagement pour le Renouveau du Bassin Minier (ERBM), qui prévoit, depuis 2018, la rénovation de 20 000 logements d’ici dix ans. Fonder une filière solide du chanvre dans les Hauts-de-France dans cinq ans est aussi une autre priorité du programme, alors que la matière est peu présente dans la région. Sa production est réduite, pour l’heure, à 160 hectares cultivés dans l’Aisne.
Le béton de chanvre, un enjeu écologique, technique, économique et social
L’intervention du CD2E dans l’expérimentation Pecquenchanvre est cruciale : de sa collaboration avec la coopérative agricole Noriap pour développer la culture du chanvre, à la conception d’une formation avec les Compagnons du Devoir pour sensibiliser les professionnels du BTP. L’enjeu est d’autant plus important que malgré toutes ses vertus environnementales, le béton de chanvre présente une contrainte, et pas des moindres : son prix, trop élevé.
« Il faut leur montrer que le modèle peut être rentable. C’est en créant le marché que l’on parviendra à rendre ce matériau compétitif et à œuvrer pour la transition écologique du territoire », souligne Jean-François Campion.
D’un investissement de 800 000 €, le projet Pecquenchanvre devra aussi prouver son efficacité. D’abord écologique, déterminée prochainement par une étude menée par le Cerema, l’Université Polytechnique des Hauts-de-France, ainsi que l’Université Catholique de Lille. L’évaluation technique du projet, elle, sera assurée par le CSTB, qui se concentrera sur la performance énergétique, la qualité de l’air intérieur, et le confort thermique et acoustique. Le tout complété par une étude sociologique pour analyser les pratiques et le ressenti des occupants de Pecquenchanvre. Reste donc à savoir si le béton de chanvre permettra de remplir les objectifs de la RE2020 en termes de construction neuve.
Virginie Kroun
Photo de Une : Maisons & Cités