Quels leviers pour la rénovation d’une maison individuelle ?
« Comment massifier la rénovation bas carbone en maison individuelle ? » Tel est le sujet d’une conférence organisée par Batylab, réseau d'acteurs régionaux du bâtiment durable de Bretagne, ce jeudi 17 février.
L’occasion de mettre en lumière la démarche d’innovation NZC Rénovation. Menée par Alliance HQE GBC et AIA Environnement, l’expérimentation part de nombreux constats.
« Aujourd’hui, avec la RE2020 qui vient d’entrer en vigueur cette année, on a permis de démocratiser l’ACV pour les bâtiments neufs. Mais les bâtiments neufs ne représentent qu'1 % du parc. Et donc il est urgent de s’attaquer à la rénovation pour atteindre cette neutralité. Et comme le neuf, il va être intéressant de s’intéresser à l’ACV des bâtiments renouvelés et donc aux impacts de produits de rénovation », évoque notamment Nadège Oury, chargée de mission Alliance HQE-GBC.
Le projet NZC Rénovation consiste à identifier différents leviers de rénovation et leur degré d’efficacité. Et ce sur sept grandes familles de bâti spécifiques : grande pièce urbaine en cœur de métropole, patrimoine industriel enfriché, immobilier d’entreprise récent, rez-de-chaussée urbain, patrimoine ancien diffus d’habitations en centre-ville, logements collectifs en périphérie urbaine et enfin : les logements individuels en tissu pavillonnaire.
Un arbitrage entre le bas carbone, le confort et le budget
Pour sonder les potentielles sources d’optimisation bas carbone d’une maison individuelle, la démarche NZC Rénovation s’est concentrée sur la rénovation, de quatre maisons à Ossé (35) dans la commune nouvelle de Châteaugiron.
Première particularité du projet ? Participer à la démarche d’Energie Sprong. Néotoa, expert en rénovation et promotion immobilière dans le Grand-Ouest et en charge de l’opération, fait partie des premiers signataires en 2017 de la démarche. Venue des Pays-Bas, l’approche consiste à massifier la rénovation énergétique à un niveau zéro énergie, dans le secteur du logement social et s’est déployée en France dès 2016.
Livré en mars 2019, le chantier de Chateaugiron se concentre sur « un T2 et trois T3, avec des ensembles de deux maisons accolées, construites en 1993 et avec un DPE E. On est sur du pavillonnaire électrique à l’origine » décrit Delphine Coyo, responsable Pôle qualité et développement durable chez Néotoa.
Un ensemble qui a bénéficié de la mise en place « de panneaux préfabriqués en ossature bois laine de roche et bardage acier pour recouvrir les maisons et puis, bien sûr, l’isolation extérieure. Il y a eu dépose de toiture amiantée et une pose de toiture en acier » et de « quelques travaux d’amélioration de confort », abonde-t-elle tout en ajoutant : « On est venus aussi installer des panneaux photovoltaïques sur pan de toiture par logement. (...) On a deux logements qui sont orientés Est-Ouest, et deux Nord-Sud, ce qui a pu poser des questions en termes de confort thermique sur les pavillons orientés Nord-Sud, puisque la pièce de séjour se trouve au Nord, et les chambres au Sud. Forcément le confort thermique a été modifié ».
Une autre interrogation se dégage sur le choix de la laine de roche en dépit du biosourcé, plus efficace en termes de confort d’été. Il faut dire que si le bas carbone est au cœur de projet, des arbitrage financiers ont dû s’appliquer en conséquence, notamment quand on sait que le budget final pour chaque logement a atteint les 126 000 euros, dépassant les 100 000 fixés. Une répartition du budget alloué s’est effectuée entre le chauffage (24 %, comprenant l’installation d’une PAC triple service), la structure (38 %) ainsi que le ravalement (30 %).
Un niveau de production toujours supérieur à la consommation
« On est à plus de deux ans de la fin des travaux. On a assez de recul effectivement sur la partie consommation énergétique notamment, on a suivi si l’objectif E=0 est atteint », expose Delphine Coyo. Conclusion ? Il est atteint, malgré des écarts. En effet, si les niveaux de production et de consommation réels dépassent ceux théoriques, le premier reste toujours supérieur au second, et ce sur les deux premières années d’analyse.
En analyse de cycle de vie, le gain carbone est au rendez-vous, davantage conséquent chez les T3 (767 kg éq CO2/m2SDP) que les T2 (161 kg éq CO2/m2SDP). On observe également un fort gain dû aux nouveaux modules de production électrique et énergétique, atteignant les trois quarts de l’impact.
Une analyse de cycle de vie, corroborée et détaillée par AIA Environnement, avec un focus sur la répartition de l’impact carbone sur la maison individuelle. « On voit effectivement que les postes techniques de production énergétique, qu’il s’agisse la pompe à chaleur, avec ses fluides frigorigènes sont effectivement dominants dans le bilan. Autre poste de production énergétique important : les panneaux photovoltaïques, loin d’être négligeables dans le bilan. La question de la couverture et même la partie déposée – qu’on ne pouvait pas réutiliser parce qu’amiantée - a une empreinte carbone résiduel qu’il convient de concilier », énumère Simon Davies, son vice-président.
Il complète : « Quelque chose d’assez singulier sur ce projet, c’est que le poids de l’énergie, sur l’empreinte carbone de la rénovation sur 50 ans, il n’est que de 17 % ».
Autre donnée intéressante par ailleurs : le temps de retour carbone, ce « point d’équilibre entre les deux scénarios » avant et après rénovation, selon les mots de Maxime Havard, pilote bas carbone chez AIA Environnement. Cette méthode estime la durée au bout de laquelle l’empreinte carbone devient nulle. En ce qui concerne la rénovation des quatre maisons de Châteaugiron, celle-ci est d’à peine 10 ans.
Quatre leviers d’optimisation bas carbone pour la maison individuelle
Résultats qui ont permis à AIA Environnement et Alliance HQE GBC d’élaborer un scénario d'optimisation énergétique sur trois volets (base, projet, optimisation) mais aussi cinq potentiels leviers de rénovation sur 50 ans. On identifie ainsi la tacticité (équilibre entre préservation de l’existant et gain de performance sur le long terme), la circularité (inscrire le projet dans l’économie circulaire), la matérialité (intégrer le bon matériau au bon endroit), la technicité (choix cohérent des systèmes sans ajout ni complexité) ainsi que les externalités (maximiser les émissions évitées ou compensées).
Pour ce qui est de la rénovation en maison individuelle, celles de Châteaugiron, quatre de ces grands leviers ressortent. D’abord la tacticité car les éléments conservés, hors structure, représentent une économie non-négligeable face à un remplacement (- 146 kg éq CO2/m2 estimé). Le choix d’un bardage bois et d’un isolant biosourcé (laine de bois) forment un levier de matérialité et potentiellement une réduction de 39 kg éq CO2/m2 d’émissions. Pareil pour la sélection d’un fluide frigorigène, R513 A (contre un R134 A), moins émetteur, pouvant provoquer une baisse de 52 kg éq CO2/m2 d’émissions. Enfin, l’installation de panneaux photovoltaïques a également son poids, qui permettrait de faire reculer la consommation de 110 kg éq CO2/m2.
Des estimations qui devraient encourager la démarche EnergieSprong, mais cette fois-ci plus spécifiquement en Bretagne. « Une déclinaison qui se veut plutôt opérationnelle au niveau régional, ça a été le cas chez nos voisins du Pays-de-la-Loire (…) », observe Rémi Boscher, directeur de Batylab. Dans le détail, elle est la rencontre entre la demande de bailleurs bretons, qui repèrent sur le territoire du patrimoine compatibles avec la démarche EnergieSprong et le club d’Entreprises Bretagne, qui tend à accompagner la montée en compétence des professionnels dans ce type de travaux.
Un vivier d’échange d’expériences, de formation et d’innovation qui devrait se concrétiser dans les prochains mois, selon le président de Batylab.
Virginie Kroun
Photo de Une : Youtube Néotea