Quand les bruits du chantier de la Philharmonie de Paris se mue en création musicale
Des engins, des voix, des musiques émanant d'une radio, des outils s'entrechoquant... Autant de bruits familiers à toute personne travaillant sur un chantier. A priori, des sons peu agréables... A priori seulement. Car certaines personnes savent capter ce qu'on pourrait appeler l'âme même d'une création architecturale. C'est le cas de Soline Nivet, architecte de formation, critique et historienne, qui a choisi de présenter la Philharmonie de Paris sous un angle nouveau, sonore.
« Dans les revues d'architecture, l'image prend toute la place. Alors qu'il y a tellement de choses à dire, à montrer, des choses plus pénibles comme la partie chantier », explique Soline Nivet, qui a patiemment capté la matière sonore pendant trois ans, à différentes étapes du chantier, avec son équipe*.
« Nous avions une dizaine d'heures d'enregistrement, que nous avons dérushé patiemment puis monté dans le respect de la chronologie du chantier. Nous avons enregistré par exemple le son du levage des poutres de la charpente métallique, la pose de la centrale de traitement d'air mais aussi le travail des menuisiers, des électriciens, des maçons... Il n'y a eu aucun son additionnel. De part mon métier, je connais la signification de chaque son par rapport à un geste, ce qui nous a beaucoup aidé lors du montage sonore », détaille Soline Nivet.
Un point de vue artistique et poétique
Loin de prêter l'oreille aux critiques et polémiques, Soline Rivet s'est ici intéressée au travail d'un architecte connu et reconnu Jean Nouvel, d'un point de vue artistique et poétique plutôt que documentaire. « C'est une autre histoire de ce chantier. Les ouvriers sont désormais partis vers d'autres horizons, mais j'ai envie de croire que le son de leur travail reste quelque part, couler dans le béton »
De cette cacophonie brute naît une création musicale d'une heure, chargée d'émotion... « A condition d'écouter, prévient Soline Nivet. Alors, on entend un certain rythme, des accords, des couleurs. Le chantier à ciel ouvert se referme progressivement jusqu'au premier silence, au premier lever de baguette du chef d'orchestre, aux premières notes du concert ». Plus qu'une architecture, le bâtiment devient alors une « boîte à silence » de 28 000 m3, attendant son public... et ses applaudissements.
Plus d'infos :
28 000 m3 de silence - Un Atelier de Création Radiophonique de Soline Nivet & Angélique Tibau - Diffusion le jeudi 5 février de 23h à minuit sur France Culture.
* Production : Soline Nivet – Réalisation : Angélique Tibau - Prise de son : Pierre Quintard, Olivier Leroux, Bernard Lagniel, Michel Gacic, Mathieu Touren - Mixage : Nadège Antonini et Martin Delafosse
Claire Thibault
© Soline Nivet