Choisir la France des villages engloutis au lieu du Tour de France
La crise climatique due à l’accumulation de CO2 dans l’atmosphère et à l’épuisement de beaucoup de ressources naturelles et des écosystèmes fait les Une des médias. Les besoins en électricités vont croissants se télescopant avec la nécessité de décarboner nos économies. Les barrages hydroélectriques apparaissent comme une alternative au charbon, au pétrole, au gaz et à l’atome pour produire de l’électricité verte.
Mais l’actualité nous le rappelle, construire un barrage, c’est inonder une ou des vallées, modifier profondément des écosystèmes et très souvent faire disparaitre de l’habitat et du patrimoine humain. C’est donc aussi littéralement chasser des populations qui n’ont rien demandé et se trouvent mises devant le fait accompli.
Dans ce domaine, l’actualité récente nous a amenés en Asie, en Amérique du Sud, en Europe même. Mais on a oublié que la France des Trente Glorieuses a elle aussi connu les mêmes drames humains.
Gérard Guerit fait revivre cette histoire, on devrait dire ces mille histoires, car son livre est d’abord un récit de témoignages de ceux qui n'ont pas cru que l'on puisse noyer leur vallée, celle de leurs ancêtres, de leurs parents, de leur enfance.
Il explique également qu’à l'heure ou l'État vise à réduire la part du nucléaire, il ne s'agit pas de remettre en cause ces ouvrages de génie civil, qui fournissent depuis des décennies la plus grande partie de l'électricité d'origine renouvelable. Mais il revient sur le fait que la construction de ces barrages s'est traduite par la disparition de vallées, de villages, de châteaux, de routes, de voies ferrées, de canaux, de ports fluviaux, de carrières, de mines, d'activités diverses...bref par la disparition de toute une vie, à une époque ou il était tout simplement inconcevable de quitter sa vallée d'origine.
Le livre, segmenté en quatre périodes, montre la montée en puissance des barrages, leur acceptation dans une époque de confiance absolue dans le progrès, puis la montée progressive des contestations qui amèneront au rejet des projets les plus récents.
Certaines communautés ont disparu, d'autres en changeant de vie ont d'une certaine façon survécu à l'ennoyage, souvent grâce au tourisme naissant, une reconversion qui parait a priori inimaginable à ceux qui ont vu leurs terres noyées et leur passé rayé de la carte.
Un livre finalement très transversal, qui passionnera tous ceux qui s’intéressent à l’histoire récente, à l’énergie, aux grandes heures du génie civi. Et cet ouvrage présente aussi un attrait etno-touristique, car il permet de découvrir ou de redécouvrir des lacs souvent paradisiaques, mais qui racontent aussi une histoire très douloureuse. C’est un roman des vallées, avec ses parts de drames, ses histoires passionnantes, ses rebondissements, ses résurrections inattendues... tout à la fois passionnant thriller et guide touristique original.
R.B.
Images copyright Gérard Guerit/ Sophie Mako-Tryzna
La France des Villages Engloutis – 240 pages
Editions Sutton – 37000 Tours
Prix public = 25 €.
Parution mai 2019