« Nous attendons impatiemment la reprise pérenne des chantiers » (UFME)
Où en sont les professionnels de la menuiserie dans leur reprise d’activité ?
Virginie Muzzolini : Depuis un mois, nous réalisons un sondage auprès de nos adhérents concernant leur reprise d’activité, tous types d’activités confondues (fabricants de profilés, de menuiseries, d’éléments complémentaires etc.). Or, d’après le sondage, ils étaient près de 94 % à avoir repris une activité partielle la semaine du 27 avril (semaine 18). Dans le détail, ils étaient 70 % à avoir repris au minimum à 50 % de leur activité, mais seulement 7 % à avoir repris à 100 %.
Qu’en est-il des chantiers ? Les particuliers ne craignent-ils pas de recevoir des professionnels chez eux ?
V.M. : Concernant les chantiers, ce sont paradoxalement les chantiers dans le diffus avec intervention chez des particuliers – plutôt que dans le neuf – que l’activité a redémarré le plus vite. Nous avons d’ailleurs eu le témoignage d’un installateur qui a repris contact avec ses clients pour leur annoncer la prochaine réouverture de ses points de vente et la reprise d’activité de sa société. Or les clients semblaient plus impatients qu’inquiets. C’est un signal positif et encourageant pour la reprise.
Quels guides de préconisations sanitaires conseillez-vous à vos adhérents ?
V.M. : Nous nous appuyons bien sûr sur le guide de l’OPPBTP. Dernièrement, nous nous appuyons également sur la parution du protocole national de déconfinement, mis en ligne par le Ministère du Travail. Et l’UFME accompagne les professionnels en adaptant ces différents guides aux spécificités du secteur de la menuiserie, que ce soit pour les fabricants ou dans le cadre d’interventions chez les particuliers.
Nous avons rédigé notre propre guide mais nous sommes rendu compte qu’il était très complet et que les professionnels préféraient quelque chose de plus synthétique. Nous avons donc constitué une boîte à outils Covid-19, avec des fiches par activités. Il y a notamment des fiches sur la livraison, la manutention et le transport, sur l’approche commerciale à distance, ou sur le métrage.
Depuis un mois, les fabricants et poseurs ont aussi mis en place leurs propres protocoles. Ils ont repensé le temps de travail avec un décalage d’arrivées et de sorties des salariés dans les ateliers. Les zones de travail ont également été espacées de façon à ce que chaque personne ait un espace d’environ 4 m2.
Avez-vous des difficultés d’approvisionnement en masques et autres EPI ?
V.M. : Nous avons de grosses difficultés d’approvisionnement. L’UFME a passé des commandes de masques pour ses adhérents sur la base du volontariat auprès du Codifab. Grâce à cet organisme nous avons pu commander des centaines de milliers de masques (chirurgicaux, lavables…), mais les masques importés de Chine sont bloqués depuis un mois au niveau des aéroports.
Dans tous les cas, il ne faudra pas que les masques fassent oublier les mesures de distanciation. Il ne faut pas non plus oublier que nous avons des spécificités liées à nos métiers. Pour la pose de menuiserie bois, nous avons par exemple des préconisations sanitaires qui sont bien plus importantes, puisque dans le cadre de la protection contre les poussières de bois, il faut des masques FFP3.
Quelles sont les premières estimations de l’impact économique pour les entreprises ?
V.M. : Le chiffre d’affaire est fortement impacté, on parle d’une perte d’environ 20 % depuis le début du confinement. Les sites de fabrication qui ont relancé leur activité ne produisent pour l’instant que des menuiseries qui ont été commandées avant le confinement, donc cela veut dire que cette production va s’arrêter rapidement si on ne peut pas reprendre les chantiers. Nous attendons impatiemment la reprise pérenne des chantiers pour limiter cette perte de chiffre d’affaire, et le surcoût d’une activité qui risque de rester partielle pendant plusieurs mois, sans parler du surcoût liées aux protections sanitaires.
N’y a-t-il pas des risques de faillites ?
V.M. : Il y a quelques structures qui donnent de grands signes de faiblesse. Les installateurs sont souvent de petites structures qui n’ont pas de trésorerie sur plusieurs mois, et ce sont les premiers touchés. Ce sont les commandes et devis acceptés qui font tourner leur entreprise. Or pendant deux mois ils n’ont pu avoir aucune démarche commerciale, donc c’est très délicat pour eux. Il y a d’un côté la perte de chiffre d’affaire liée au confinement, le surcoût des protections supplémentaires, et des temps de pause qui vont être fortement rallongés, donc une perte de productivité. Mais aussi de grosses craintes pour les mois à venir, puisque pendant ces semaines de confinement, ce sont des avancées commerciales qui n’ont pas été faites. Les répercussions ne se verront pas seulement dans l’immédiat, mais aussi à plus long terme.
Propos recueillis par Claire Lemonnier
Photo de une : Adobe Stock