Mouvement de grève : une journée sans professionnels libéraux
Le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron a finalement dégainé la carte de la transparence pour rendre public le 25 septembre, le rapport de l'Inspection générale des Finances sur les professions réglementées. Ce rapport, qui suscite la colère des professionnels depuis des mois, doit définir les contours de la future loi « croissance et pouvoir d'achat » et organiser la déréglementation de 37 professions libérales.
Or, « ce rapport est une entreprise de démolition » en 800 pages et 3 volumes, qui est « rédigé totalement à charge », dénonce l'Union nationale des professions libérales (Unapl) dans un communiqué.
« En procédant par « sondages », (ce rapport) compare la rentabilité de TPE libérales à celle d’autres secteurs d’activité dont les charges d’exploitation sont très différentes ! Ce rapport a été rédigé par des hauts fonctionnaires, dont il ne viendrait à l’idée de personne de déréglementer le statut très protégé, et qui travaillent en dehors de la réalité des entreprises libérales. Ils n’ont pas pris la peine de rencontrer des entrepreneurs libéraux, pour mieux demeurer dans l’ignorance de leur réalité et préserver ainsi l’intégrité de leurs préjugés », s'insurge l'Unapl.
Plus de 40 organisations mobilisées
Pour exprimer leur opposition et pour repousser le projet de loi surnommé « Montebourg-Macron » sur la déréglementation, l’Unapl a demandé à tous les professionnels libéraux de garder porte close le 30 septembre, pour une « journée sans professionnels libéraux ».
Selon la liste rendue publique par l'Unapl, cette mobilisation sera d'ailleurs suivie par plus de 40 organisations, toutes professions confondues, dont l'Union des architectes Unsfa.
« Si le ministre de l'Economie nous a expliqué avec de jolis mots que le rapport était quelque peu trompeur, cela ne garantit pas que le projet soit enterré. Tant que nous n'aurons pas de réponses concrètes, nous continuerons de protester. Nous voulons de vrais retraits », précise Patrick Julien, délégué général de l'Unsfa qui demande « à tous les architectes de se mobiliser ». L'unsfa prévoit déjà deux manifestations pour ce mardi, l'une du SACA, Syndicat des architectes de la Côte d'Azur devant la préfecture ; l'autre de l'Union des architectes du Languedoc-Roussillon qui manifesteront à Montpellier et seront également reçus à la mairie de Perpignan. Les autres professionnels fermeront exceptionnellement leurs portes.
Une chance pour les architectes ?
A J-1 de la journée de mobilisation, l'Unsfa tente en effet de rassembler les derniers frondeurs de son camp, les architectes qui pensent que ce rapport est « une chance à saisir », preuve que la « profession va mal ».
« Les bases des revendications de l’UNAPL soutenues par l’Unsfa sont faites sur la synthèse du rapport et non sur les rapports eux-mêmes, qui viennent d’être publiés. Qu’est-ce qui finalement touche réellement les architectes ? Pas grand-chose (...). Seule l’ouverture du capital pose un véritable problème (…) », écrit un architecte de profession, sur son blog L'Architecte et l'Abeille.
« En effet, cela fait l'objet d'un vrai débat au sein de notre profession. Certaines banques sont frileuses pour prêter des fonds nécessaires au développement des TPE, pour qu'elles puissent répondre à un marché. Certains pensent donc qu'avoir un grand groupe dans son capital permettrait de régler les problèmes de trésorerie. Or, c'est faux, martelle Patrick Julien, délégué de l'Unsfa, en ouvrant le capital à des grands groupes, on ouvre la porte à des majors du BTP et de la promotion notamment. Ils seront ainsi majoritaires et nous perdrons notre pouvoir de direction et notre indépendance ».
L'ouverture du capital en question
Mais cette question n'est pas la seule à concerner les architectes : «La loi permettra à des entreprises étrangères d'entrer dans le capital d'une société française mais cela ne pose pas vraiment problème aux architectes, cela existe déjà. Cependant, ils oublient qu'une entreprise d'architecte ne revêt pas le même caractère en France et en Allemagne par exemple. Là-bas, les entreprises d'architecture sont également des bureaux d'études. Du coup, cela risque de transformer tout le paysage de notre profession », explique Patrick Julien.
Du côté du Ministère de l'Economie, tout avait pourtant été fait pour calmer le jeu, en amont : « Le ministre rappelle que ce rapport n’est qu’un élément qui a nourri une réflexion plus large sur la modernisation des professions réglementées, qui elles-mêmes ne représenteront qu’un volet minoritaire de la loi pour l’activité».
Emmanuel Macron a d’ores et déjà indiqué qu’aucune profession réglementée ne serait remise en cause dans ses fondamentaux. Par ailleurs, le ministre rappelle qu’il n’est pas lié par les préconisations et les recommandations de ce rapport qui est une base de travail : le Gouvernement prendra ses décisions à l’issue du processus de concertation qui s’est ouvert avec les représentants des professionnels. Le travail parlementaire sera ensuite décisif pour enrichir le projet de loi du Gouvernement, précise le ministère dans un communiqué.
Vers un dialogue apaisé ?
« La publication du rapport de l’Inspection générale des finances devra permettre à toutes les parties prenantes de disposer d’un socle de réflexion commun et de poursuivre ainsi un dialogue apaisé », souhaitait le ministère.
Mais l'Unsfa reste méfiante : « On ne veut pas que le Ministère dilue notre action sous prétexte d'arranger les choses profession par profession. En étudiant le conflit petit bout par petit bout, c'est aussi un moyen de faire taire la vindicte populaire, c'est pouquoi nous resterons extrêmement vigilants », assure Patrick Julien.
L'Unapl, qui a ouvert une pétition en ligne, a déjà recueilli plus de 10 000 signatures en 48 heures, signe que l'apaisement est loin d'être d'actualité. Pour faire suite à la mobilisation du 30 septembre, « d'autres actions plus dures pourraient être annoncées, comme une manifestation générale des Professions Libérales » prévient-elle. L'unsfa précisera les suites de son action le 9 octobre, lors de la tenue de son conseil national extraordinaire.
Claire Thibault
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