Lutter contre l’isolement social grâce à la mobilité verticale
Pourquoi organiser les Trophées de l’Ascenseur ?
Guillaume Fournier Favre : La Fédération de l’ascenseur organise différents événements chaque année pour assurer la promotion de notre industrie et de ses métiers. Les Trophées de l’ascenseur ont un double objectif : faire participer un maximum de nos adhérents, qu’ils soient des grandes entreprises ou des PME, en leur donnant l’opportunité de mettre en valeur des réalisations exemplaires qu’ils peuvent avoir mené, et montrer, à travers différentes catégories que l’on récompense, l’ascenseur sous différents angles et le rôle qu’il joue dans l’aménagement de l’habitat urbain, dans la cohésion sociale, dans l’architecture.
En termes de cohésion sociale, quel est l’apport de l’ascenseur ?
Nos villes sont en train de changer. Si on revient au 20e siècle, on avait des villes dans lesquels les bâtiments étaient à usage unique et regroupés dans des zones. Aujourd’hui, le lieu dans lequel on vit, c’est un lieu dans lequel on travaille, dans lequel on consomme, dans lequel on est soigné. Pour permettre à tout le monde d’avoir accès à ce type de lieu, de bien vivre chez soi, il y a un besoin important lié à la mobilité verticale. L’ascenseur joue un rôle très important. Mais la France, fait partie des pays d’Europe les moins bien équipés, et c’est un frein à réussir cette transformation des bâtiments. Il y a eu des démarches un peu plus importantes ces dernières années, avec la loi Elan notamment, pour mieux prendre en compte cette problématique qui n’est pas seulement l’accessibilité à l’intérieur des immeubles, c’est l’accessibilité dans tout l’environnement qu’il y a autour de nous. Mais la barrière à l’accessibilité est assez forte.
Pourquoi cette barrière ?
Il y a le poids de l’histoire qui a pesé très lourd sur nos paysages urbains. Si l'on regarde la construction urbaine en France et en particulier dans les grandes métropoles, elle a été boostée dans les années 60 à une époque où ce n’était pas forcément prioritaire de mettre des ascenseurs.
C’est aussi un réveil un peu tardif. La France, jusqu’à il y a deux ans, considérait que les ascenseurs n’étaient pas nécessaires en dessous de 4 étages. Mais si vous êtes obligés de quitter votre lieu d’habitation, vous allez devoir créer de nouveaux espaces et ce n’est pas forcément adapté. On sent bien qu’il y a une volonté de développer l’accessibilité pour des raisons économique, sociétale et environnementale. L’hôpital est complètement engorgé, (tout comme) les EHPAD. Il y a un fort besoin de permettre aux gens de bien vieillir chez eux. Dans la politique de santé, le maintien à domicile et le soin à domicile sont plébiscités aujourd’hui. C’est une prise de conscience qui est intéressante, et c’est un sujet qui va devenir de plus en plus important. Le grand âge et la dépendance vont coûter, dans les années qui viennent, des montants pharaoniques, et il va falloir trouver des solutions.
Moderniser le parc existant peut faire peur, mais les bénéfices sont indiscutables...
C’est d’abord gagnant pour la population puisqu’on améliore le confort de vie, et on permet aux gens de rester chez eux dans de bonnes conditions, et d’être moins isolés.
Qu’en est-il du financement de cette mise en accessibilité ?
La rénovation énergétique capture depuis près de 15 ans une part très importante des aides et de l’investissement public. A contrario, la mobilité, c’est un peu l’enfant pauvre. Quelques systèmes ont été débloqués notamment portés par l’Anah et d’autres instances, avec des moyens mis en jeu qui sont sans commune mesure avec ce qui est investi dans la rénovation. Or, plein de dispositifs pourraient être proposés. Quand vous avez des personnes âgées qui ne peuvent pas financer (des travaux), ça peut être porté par les enfants parce que c’est aussi dans leur intérêt d’équiper la maison de leurs parents pour qu’ils puissent bien vieillir chez eux.
A partir du moment où l’on prend ce sujet à bras le corps, des solutions, il y en aura. Et elles ne sont pas toujours synonymes de travaux lourds. Il ne faut pas caricaturer. Si vous avez un bout de foncier à l’extérieur d’un bâtiment, il est possible de s’en servir pour construire un ascenseur. Les ascensoristes ont aussi des coûts de modernisation qui ont été revus de manière très économique, les prix de reviens ont quand même pas mal baissé.
Il faut aussi rappeler que l’ascenseur n’est pas là pour défigurer des lieux qui sont architecturalement très beaux, au contraire. On va être en mesure de proposer des choses qui sont esthétiques. On est capable aujourd’hui de se fondre dans l’histoire du lieu, de s’adapter, avec du verre, de la serrurerie, de la ferronnerie… C’est un savoir-faire qui existe en France et il faut absolument le mettre en avant.
Comment accompagner davantage la mobilité verticale ?
Souvent, ce problème d’accessibilité, on se le pose trop tard, quand les gens sont dans l’incapacité de se déplacer. Or, toute la problématique, c’est l’anticipation. Il faut qu’on arrive à accompagner le diagnostic en amont, l’identification des meilleures solutions pour que les gens ne soient pas pris au dépourvu lorsqu’ils se retrouvent dans une situation délicate. Là aussi, il y a des campagnes qui peuvent être menées. La dépendance ça se prépare même si personne n’a envie d’en parler.
On parle d’un accompagnateur pour la rénovation énergétique. Un tel dispositif serait-il pertinent pour accompagner l’accessibilité ?
Ça pourrait rentrer dans ce cadre-là puisqu’il y a beaucoup de gens qui vous conseillent sur la consommation énergétique. Pourquoi ne pas utiliser cette force de frappe pour conseiller les gens sur la mobilité. Pas mal de villes commencent à mettre ce sujet dans leur politique urbaine, à accompagner leur population dans la réflexion pour essayer de trouver des solutions en amont.
L’accessibilité au sein du logement est une chose, mais il faut également permettre aux gens d’être en contact avec l’extérieur.
La mobilité, c’est aussi dans la ville. Un certain nombre de lignes du métro parisien ne peuvent malheureusement pas être équipées de solutions, mais les nouvelles lignes seront accessibles avec des équipements de verticalité. Il y a des choses qui progressent de façon significative. Les lieux publics ont déjà fait l’objet, pour beaucoup d’entre eux, de mise en accessibilité. Et vous avez des musées, qui sont des très vieux bâtiments, qui ont fait les efforts nécessaires pour se mettre en accessibilité. Évidemment, c’est toujours frustrant que ça n’aille pas plus vite. Mais c’est une transformation qui se fait dans la durée, sur 10, 15, 20 ans.
Transformer la société exige la mobilisation de tous…
Nous collaborons avec tout l’écosystème immobilier. Nous avons beaucoup parlé de consommation d’énergie, nous avons également travaillé conjointement pour trouver des optimisations de m2, et nous restons totalement impliqués dans la co-construction pour apporter des solutions technologiques, innovantes qui répondent à tous les besoins. Nous avons été en mesure de mettre au point des dispositifs qui régénèrent de l’électricité, réinjectée ensuite dans le réseau du bâtiment. Et je pense qu’on a un vrai enjeu de collaboration entre tous les acteurs pour être en mesure d’accélérer l’implantation du Smart Building.
Propos receuillis par Rose Colombel
Photo de une : Guillaume Fournier Favre - ©Fédération des Ascenseurs