Le projet de Center Parcs de Roybon en Isère bat de l'aile
L'avis du rapporteur public a finalement été suivi par le tribunal administratif de Grenoble. L’arrêté du 3 octobre 2014 du préfet de l’Isère, accordant une autorisation de destruction de zones humides, au titre de la « loi sur l’eau », à la SNC Roybon Cottages, porteur du projet de « Center Parcs » de Roybon a été annulé.
Pour rappel, cette autorisation contestée impose à la société de créer de nouvelles zones humides à d’autres endroits du bassin versant, pour une superficie égale à 200 % de celle des zones humides détruites, comme le préconise le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) Rhône-Méditerranée.
« Toutefois, après avoir relevé que la destruction autorisée de zone humide forestière autorisée est concentrée sur une superficie d’un seul tenant de 76 hectares, au sein du site de la forêt de Chambaran et que seule la remise en état de trois sites d’une superficie globale de près de 20 hectares est prévue à proximité du projet, le Tribunal a estimé que les mesures envisagées, eu égard à la dispersion et au morcellement des seize sites de compensation situés sur cinq départements, de l’Ardèche à l’Ain et au Nord de la Haute-Savoie, n’étaient pas compatibles avec la disposition du SDAGE prévoyant que les mesures compensatoires doivent s'envisager à l'échelle appropriée en fonction de l'impact prévisible des projets », peut-on lire dans le jugement de l'audience du 2 juillet, publié ce jeudi.
La décision du tribunal va dans le sens des conclusions du rapporteur public, exprimées lors de cette audience de trois heures. Le magistrat, Guillaume Lefebvre, avait alors recommandé « l'annulation totale, immédiate et rétroactive » de cet arrêté, le jugeant illégal pour deux raisons : l'absence de saisine de la Commission nationale du débat public (CNDP) et l'insuffisance des mesures compensant la destruction de zones humides.
Ces arguments avaient déjà été retenus par le juge des référés qui avait suspendu ce même arrêté le 23 décembre. Mais le Conseil d'État, plus haute juridiction administrative française, avait invalidé son jugement à la mi-juin.
Le chantier bloqué depuis décembre
La décision du tribunal devrait réjouir les militants zadistes que le préfet avait promis d'expulser en cas de validation du projet. Installés dans une maison forestière à proximité du chantier, ils bloquent l'avancement des travaux depuis décembre.
« Nous avons eu connaissance du sens de la décision: l'arrêté (relatif à la) loi sur l'eau est annulé (…). C'est évidemment une bonne nouvelle pour la Frapna », a précisé Emmanuel Wormser, porte-parole juridique de la Frapna (Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature) à l'AFP. « La partie n’est certainement pas terminée… mais les travaux sont aujourd'hui bloqués », ajoute la Frapna dans un communiqué.
Pour Sabine Buis, secrétaire nationale à la transition énergétique et à l'écologie du Parti socialiste, « cette décision de justice va dans le bon sens ».« Les règles de la participation du public sont indispensables pour que le projet soit accepté par les citoyens », a-t-elle estimé ajoutant que « la destruction des zones humides ne saurait être banalisée ou prise à la légère ».
Le groupe Pierre & Vacances fait appel
Le groupe Pierre & Vacances, porteur du projet, a immédiatement annoncé son intention de faire appel de cette décision. Le PDG du groupe Pierre & Vacances, Gérard Brémont a déclaré que l'abandon du projet n'est « pas envisagé et pas envisageable ».
« On est sûr de la pertinence du projet, de la qualité de la localisation. On a un très beau projet, créateur de plus de 700 emplois en exploitation touristique, de plus de 1 000 emplois en bâtiment », a-t-il insisté. Or, « dans le bassin du canton, il y a 6 000 demandeurs d'emplois en instance ».
Tout en faisant appel du jugement devant la cour administrative d'appel de Lyon, le groupe va donc modifier ses propositions de compensations afin d'obtenir une nouvelle autorisation préfectorale.
« Le seul motif d'annulation, c'est la localisation des sites que nous avons proposés.(...) On va prospecter (...) Nous allons nous employer à faire cette recherche et à surmonter cette dernière difficulté », a assuré le PDG. « Tout peut être bouclé dans 12 à 18 mois d'une manière globale et définitive », selon lui.
Pas de mise en péril de la faune et la flore
Dans tous les cas, l'argument de l'impact de cette construction sur la faune et la flore n'a pas été retenu par le Tribunal administratif de Grenoble. Dans un seconde décision, il a en effet rejeté les recours visant l’arrêté préfectoral du 16 octobre 2014 autorisant la destruction d’espèces protégées et de leurs habitats.
Il a notamment estimé que l’arrêté « ne mettait pas en péril les espèces concernées compte tenu de la très faible superficie du projet rapportée à la surface totale de la forêt de Chambaran, alors que le chantier et le parc de loisirs auront un effet positif sur l’économie locale et que de nombreuses prescriptions permettent de minimiser les atteintes à la flore et à la faune ».
Pour la réalisation de ce projet, quarante hectares de forêt sur les 80 prévus doivent encore être défrichés avant d'attaquer les constructions des mille cottages de ce complexe, comprenant également des commerces et des restaurants construits au cœur de la forêt de Chambaran, autour de l' « Aquamundo », une bulle transparente maintenue à 29°c, avec piscine et jacuzzi..
Cependant, Pierre & Vacances n'entend pas reprendre les travaux de défrichement dans la forêt de Chambaran avant d'avoir obtenu cette nouvelle autorisation relative à la loi sur l'eau. Même si « aujourd'hui, nous sommes tout à fait en droit de procéder au défrichement », estime M. Brémond.
Pas d'ouverture avant trois ans
Au vu des délais de construction, le Center Parcs ne devrait pas ouvrir « avant trois ans », a déclaré Gérard Brémont en regrettant l'impossibilité de dialoguer avec des « opposants quelques fois simplement idéologiques », qui mènent une « guerre de religion » au nom d'une autre conception du tourisme.
« On attire pratiquement trois millions de clients par an en Europe, ça prouve que ça correspond à une vraie demande. Je ne pense pas que les clients de Center Parks en Europe sont tous des imbéciles et des bornés », a-t-il estimé.
Pierre & Vacances se dit d'ailleurs confiant sur l'issue judiciaire finale, se référant à la décision du Conseil d'Etat du 18 juin 2015 qui avait retenu les arguments du groupe, ajoute-t-il dans un communiqué. Lancé en 2007, le projet doit permettre d'accueillir 5 600 vacanciers et de créer 468 emplois « équivalent temps plein ».
C.T (avec AFP)