Le dynamisme des matériaux de construction compromis en 2022 ?
Début 2022, malgré une progression par rapport aux niveaux d’avant-crise, le doute régnait sur l’activité des granulats et du béton prêt à l'emploi (BPE), compte tenu de la guerre en Ukraine, d’après l’union nationale des industries de carrières et de matériaux de construction (Unicem). Les craintes avancées dans sa conjoncture de janvier se confirment quelque peu dans celle de février.
L’activité meilleure en février 2022 qu’en février 2021
Il n’empêche que l’indicateur travaux de l’Unicem reste dynamique en ce mois de février. Rappelons que la progression était de +9 % par rapport à 2021, et de +1,4 % par rapport à 2019. Le premier bimestre janvier-février, qui observe une hausse de +4,7 % par cumul sur un an, semble de prime abord présager un beau bilan 2022.
Côté granulats, la production gagne 1,6 % sur le mois de janvier, le volume 7,6 % par rapport à février 2021. Si on ne se concentre que sur les deux premiers mois de 2022, la production enregistre +3,5 % sur un an et +10,5 % en cumul sur les douze derniers mois glissants. Cependant, elle recule de 1,1 %, comparé aux douze mois de 2019 à 2020. L’activité de décembre à février progresse de 3,8 % face à celle des trois mois précédents, voire de 1,7 % au regard de la même période d’il y a un an.
Ce premier bimestre de 2022 semble par ailleurs clément pour l’activité BPE, qui progresse de 4,1 % par rapport à 2021. Le cumul sur douze mois affiche +11,3 % en glissement annuel, mais seulement +0,6 % par rapport aux douze mois précédents, donc avant la pandémie. Pourtant, les livraisons de février chutent légèrement (-1,2 %) comparé à janvier, mais restent au-dessus des niveaux de février 2021 (+6,9 %). La stabilité est constatée dans les cubages produits de décembre et février, comparé aux trois mois précédents (-0,4 %). Ces derniers restent sur une tendance haussière sur l’année (+1,1 %).
Des démarrages de chantiers toujours au ralenti…
Pour autant, la reprise de l’activité des matériaux de construction ne signifie pas pour autant une stabilité du secteur de la construction, surtout face à la guerre en Ukraine.
Dommage, quand on sait qu'une dernière enquête menée en mars par l’INSEE annonçait un très grand nombre de carnets de commandes, plus précisément 9,7 mois dans le gros œuvre, soit quasiment 3,5 mois de plus qu’en moyenne sur longue période. Et bien que le logement progresse de 6,8 % sur ce mois de février, porté par l'individuel (+29,8 %), cela s’explique par une anticipation de la RE2020, alors que les mises en chantiers sont en repli de -3,9 % sur la même période.
Un démarrage notamment ralenti par les tensions dans l’approvisionnement, ravivées par les tensions géopolitiques. « Le conflit en Ukraine vient renforcer ces tendances, ajoutant d’un côté une dimension énergétique à la résurgence inflationniste déjà̀ à l’œuvre depuis plusieurs mois et, de l’autre, un degré́ d’incertitude dans la confiance des agents économiques. Si l’activité s’est plutôt bien tenue pour les granulats et le BPE en janvier-février, les mois qui suivent seront décisifs pour jauger l’impact de ces nouveaux facteurs sur l’activité́ à venir », commente ainsi l’Unicem.
Les conditions ne sont guère mieux dans les travaux publics qui, après un mois de janvier marqué par le rebond, laissent place à un recul du volume de travaux en février sur un an (-3,1 %). Bonne nouvelle cependant : une hausse de 0,6 % du cumul janvier-février sur un an.
Mais la demande tarde « encore à se raffermir, notamment du côté de la clientèle publique », déplore l’Unicem. Et ce malgré des investissements des collectivités locales déployées (trésoreries saines, crédits du Plan de Relance en attente de déploiement, échéances électorales passées, besoins en infrastructures...). L’imprévisibilité des coûts des travaux publics, renforcée par les pénuries et l’inflation, brouillent cependant cet élan.
« Si c’est une bonne nouvelle pour les entreprises qui ne supporteront pas seules les surcoûts, l’effet d’une révision à la baisse des volumes de travaux finalement réalisés semble inévitable », avance l’Unicem.
« Dans ce contexte, la demande de BPE pourrait au mieux rester stable en 2022. En effet, les chantiers commencés et permis accordés en 2021 devraient se finaliser et se concrétiser en 2022, avec retards et surcoûts potentiels, les autorisations dans le segment de l’individuel étant traditionnellement peu sujettes à annulation. Côté granulats, l’ajustement de la demande de travaux face aux devis plus chers reste à ce jour incertain dans son ampleur ; la hausse de +1 % en volume initialement prévue apparaît en tout cas déjà compromise », conclut l'union.
Virginie Kroun
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