Cécile Duflot : « le logement ne peut pas être abandonné aux lois du marché »
Faire du développement humain la mesure de l’efficacité de des politiques publiques
Dans cet exercice traditionnel et parfois convenu, Cécile Duflot a revendiqué haut et fort son attachement aux valeurs de l’écologie et de l’égalité des territoires. En 2014, elle veut porter le projet de mise en place de nouveaux indicateurs pour mesurer la prospérité d’un territoire « Si vous cherchiez des idées neuves, en voilà une : faire du développement humain la mesure de l’efficacité de nos politiques publiques » précise la ministre.
Mais le constat qu’elle fait de la situation du logement en 2013 est moins exaltante ; alors que l’objectif de 500 000 logement par an, dont 150 000 logements sociaux est une priorité du gouvernement, les résultats de l’année 2013 sont sans appel. Seuls 335 000 ont été mis en production, soit une baisse de 5% par rapport à 2012.
Mobilisation pour le logement social, lutte contre la précarité énergétique …
La ministre a ensuite rappelé les principales étapes de l’action de son ministère en 2013 :
- Loi sur la mobilisation du foncier public en faveur du logement
- Renforcement des obligations de production de logement social, ce qui, selon les principales organisations patronales du bâtiment, a été l'un des rares facteurs de soutien à l’activité du bâtiment
- Redéfinition des relations avec les grands partenaires, comme Action Logement ou L’Union Sociale pour l’Habitat
- Recours aux ordonnances pour accélérer l’action publique, avec par exemple celle qui concerne les recours abusifs et le raccourcissement du traitement des litiges
- Actions contre la précarité énergétique, avec le plan de rénovation énergétique qui a concerné plus de 31 000 logements financés en 2013, face aux 20 000 sur les deux années précédentes
- Projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (loi ALUR), que Cécile Duflot vient de défendre en seconde lecture à l’Assemblée Nationale.
Marché libre et non régulé VS Intervention de l’état et régulation
Opposant Ronald Reagan « l’État n’est pas la solution, il est le problème » à l’appel de l’Abbé Pierre en faveur du logement des plus pauvres, dont le soixantième anniversaire va être prochainement célébré, Cécile Duflot a réaffirmé sa conviction dans la nécessité de l’intervention raisonnée de l’état.
Autre conviction complémentaire, celle que la « relance par la demande ne doit pas revenir à surconsommer … » ; en clair, il faut favoriser l’offre de logements à des coûts maîtrisés, énergétiquement performants et accessibles à toutes les couches de la population, ce qui répond aussi aux objectifs fixés par le Chef de l’État lors de ses récents discours.
A partir de là, Cécile Duflot affirme sa conviction qu’il faut passer d’une politique de la demande, appuyée sur l’accession à la propriété et le crédit à tout va, à une politique de l’offre qui permette une relance qualitative du secteur du logement.
Cette politique doit, selon elle, s’appuyer sur cinq piliers :
- Mettre fin à l’inflation galopante du prix du logement, avec l’encadrement des loyers, la maîtrise des coûts du foncier, en redonnant du pouvoir d’achat aux ménages par la maîtrise des coûts …
- Favoriser l’emploi de qualité, notamment chez les artisans et dans les PME du bâtiment, en luttant contre la sous-traitance et le recours à des statuts détournés, rencontrant en écho la lutte engagée notamment pas la CAPEB,
- Mener une politique de l’offre qui soit une politique de transition écologique, avec le respect du droit à chacun de se loger, la préservation des terres naturelles et agricoles tout en luttant contre le dérèglement climatique. - - L’éco-conditionnalité est l’exemple type de l’action de l’état régulateur, qui n’entrave pas la liberté d’entreprendre tout en favorisant les bonnes pratiques.
- Simplifier les règles sans abaisser les exigences, en travaillant sur la réglementation, en mobilisant le foncier privé, en proposant des logements adaptés à tous les âges de la vie et enfin en développant des matériaux et des modes constructifs innovants, ce qui ne devrait pas déplaire à nos grands industriels du bâtiment.
- Investir, ce qui est loin d’être le terme le plus simple de cette équation. Comment faire lorsque l’état à des moyens limités, qu’il veut baisser ses propres charges ? En rentrant dans un « compromis productif » où l’État, sans renoncer à investir sur le long terme, amène les chefs d’entreprises et les salariés à des efforts conjoints qui favorisent le redémarrage du secteur et la création d’emplois de qualité. A éclaircir, sans doute !
Feuille de route ambitieuse
La Ministre a conclu en affirmant qu’elle aurait une approche transversale pour la réalisation de cet ambitieux programme. Cécile Duflot veut accorder une place centrale à tous les « territoires meurtris » et éviter une métropolisation qui dirait « hors des grandes ville point de salut » !
Pour cela elle a annoncé la mise en place en 2014 d’un Commissariat Général à L’Égalité des Territoires. Cela devra être « un outil mis au service de la justice sociale, du développement local et de la transition écologique ».
En concluant sur les mots de la Ministre « … quand on cherche du confort, on s’achète des pantoufles » on ne peut que lui souhaiter bon courage et bon vent pour tenir ce cap ambitieux dans un moment où la tempête continue à souffler sur notre secteur.
60ème anniversaire de l’appel de l’Abbé Pierre Puisque qu’on va célébrer, en 2014, le 60ème anniversaire de l’appel de l’Abbé Pierre, rappelons des paroles du plus célèbres des donateurs à cette « insurrection de la bonté ». Charlie Chaplin avait donné plus de deux millions de francs suite à l’appel de l’Abbé Pierre sur les ondes de Radio-Luxembourg Il dira, en parlant de cette somme « Je ne les donne pas, je les rends. Ils appartiennent au vagabond que j'ai été et que j'ai incarné. ». Charlot, premier écologiste militant ? |
Réaction de Jean-François Buet, Président de la FNAIM Devant autant d’incertitudes, les professionnels de la FNAIM redoutent le pire : le découragement total des investisseurs, l’explosion des contentieux entre locataires et bailleurs, le recul de la mobilité résidentielle, etc. Bref, le contraire de l’objectif recherché, l’opposé des vœux prononcés.Les bonnes intentions ne font pas toujours les bonnes politiques. Vouloir réguler le marché, ce n’est pas le tuer. Et se tourner aujourd’hui vers le logement social pour tenter de réparer les pots cassés, c’est un aveu d’échec et la perspective d’un nouveau fardeau pour nos finances publiques. |
Régis Bourdot
Photo Régis Bourdot