Cannabis : une prévention renforcée sur les chantiers ?
Le cannabis est la substance illicite la plus consommée en France et le secteur du BTP n'échappe pas à cette réalité. Cependant, une étude menée entre 2010 et 2017 par Santé publique France révèle qu’elle s'est stabilisée dans ce secteur et est désormais dans la moyenne des autres secteurs d'activité.
Un sujet de moins en moins tabou
Les employeurs, impuissants face à cette problématique, expriment depuis longtemps leurs inquiétudes. Un salarié qui consomme du cannabis peut représenter un danger pour lui-même et pour ses collègues. De plus, en cas d'accident, même si la consommation a eu lieu en dehors du lieu de travail, la responsabilité de l'employeur peut être engagée au nom de l'obligation de sécurité.
Pour faire face à cette situation, les organismes de prévention et de nombreux services de prévention et de santé au travail se sont mobilisés pour aider efficacement les entreprises du BTP.
« Au début de ma carrière, le sujet était tabou, aujourd’hui, les employeurs du BTP ont pris conscience de la problématique des addictions », constate Mireille Loizeau, médecin coordinatrice de l’APST-BTP-RP. « Ils abordent la question en CSE et se tournent vers leur service de prévention et de santé au travail. On les accompagne, on les conseille, on les aide à identifier les risques professionnels et à mettre en place une politique de prévention ».
À titre d’exemple, le SSTBTP 21 en Côte-d'Or a mis à disposition une boîte à outils téléchargeable qui rappelle le cadre réglementaire et les principes de prise en charge des addictions.
Interdire la détention et la consommation de cannabis dans le règlement intérieur de l'entreprise
Ainsi, la première étape consiste à entrer l'interdiction de détention et de consommation de cannabis dans le règlement intérieur de l'entreprise. « Bien que la consommation de cannabis ne soit pas encore réglementée par le Code du travail, il est important de formaliser cette interdiction dans les documents réglementaires de l'entreprise », soutient Prévention BTP. Une situation législative non éloignée de celle constatée concernant l'interdiction de l'alcool sur chantier.
Ensuite, il convient d’instaurer une politique globale de santé au niveau de l'entreprise. « Tout le monde peut être concerné par le cannabis, tout métier, tout corps d’état, autant l’ouvrier qualifié, le manœuvre que l’encadrant. D’où l’intérêt de mener des campagnes pour tous les acteurs de l'entreprise », insiste le docteur Mireille Loizeau.
Les actions de sensibilisation permettent également d'informer sur les effets de la consommation de cannabis, tels que les troubles de la mémoire, de l'attention, l'augmentation du temps de réaction et les problèmes de coordination. « La durée et la puissance des effets varient selon les habitudes de consommation, mais quoi qu’il en soit, ce n’est pas compatible avec la tenue d’un poste de sécurité », souligne Alexis Peschard, addictologue et fondateur de GAE Conseil. En effet, l’influence du cannabis peut se faire sentir jusqu'à 24 heures après sa consommation.
Faire la différence entre cannabis et CBD
De plus, il est important de distinguer le cannabis du CBD. Le cannabis, contenant du tétrahydrocannabinol (THC), est illégal en France, tandis que le cannabidiol (CBD), qui n'entraîne pas d'addiction, est légal.
Cependant, il est nécessaire de prendre en compte les effets et les éventuels problèmes liés à la consommation de CBD, car « si le CBD ne provoque effectivement pas de dépendance, la substance n’en reste pas moins psychotrope, car elle interagit avec des récepteurs du système nerveux central », précise l’addictologue.
La formation des cadres HSE, des chefs de chantier et des salariés est donc essentielle pour leur permettre de repérer les personnes dans « un état inhabituel » et de suivre des protocoles précis en cas de suspicion de consommation de cannabis. « Si un salarié se comporte bizarrement, se met en danger ou représente un danger immédiat pour ses collègues, la priorité est de le mettre en sécurité », recommande l’addictologue.
En cas de doute, un dépistage par test salivaire peut être effectué, suivi d'un entretien individuel avec les ressources humaines, le chef d'entreprise ou le service de médecine du travail. Cette dernière, tenue au secret médical, peut simplement fournir à l'employeur une évaluation de l'aptitude du salarié à occuper son poste de travail, ainsi que des recommandations éventuelles d'adaptation.
> Consulter le dossier spécial Prévention dans le BTP
Marie Gérald
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