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Artisanat du bâtiment : des hausses de prix de plus en plus répercutées sur les prestations

Publié le 09 novembre 2022

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Alors que les prix des matières premières poursuivent leur envolée, la Capeb note au troisième trimestre 2022 une répercussion plus forte sur les prestations des entreprises du bâtiment, aussi bien en termes de fréquence que d’intensité. Ainsi, au dernier trimestre, 89 % des entreprises devaient aligner leurs coûts de production sur l’inflation, pour une hausse d'en moyenne 69 %.
Artisanat du bâtiment : des hausses de prix de plus en plus répercutées sur les prestations - Batiweb

C’est dans un chassé-croisé entre l’adoption du PLF 2023 et les Assises du BTP que la Confédération de l'Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment (Capeb) présentait sa conjoncture, ce mercredi 9 novembre. 

Au troisième trimestre, l’activité des artisans du bâtiment progresse au global de 2 % par rapport au second trimestre 2022, et de 3 % comparé au troisième trimestre 2021. Un croissance teintée de disparités régionales, entre les +2,5 % à l’échelle francilienne - toujours stable -, et une croissance inférieure à la moyenne enregistrée sur le reste des 12 régions au précédent trimestre.

« À noter également certains ralentissements notables, notamment pour la Nouvelle-Aquitaine, qui a une perte de vitesse de 2,5 points, par rapport au deuxième trimestre 2022 », souligne Romane Charpentier, chargée de mission à la confédération. 

Répartition de la croissance des entreprises artisanales du bâtiment par région et par métiers - Crédit photo : Capeb/Xerfi

« On peut également s’intéresser aux disparités entre les métiers. On a un ralentissement qui est quasi-universel, à l’exception des travaux de maçonnerie, dont la croissance reste stable. Il y a également des ralentissements très notables », poursuit Roman Charpentier, évoquant les « métiers de l’électricité, qui étaient la borne haute au deuxième trimestre 2022, et qui aujourd’hui n’ont plus que 2 % de croissance, donc une perte de deux points. On constate également que les travaux de menuiserie-serrurerie sont la borne basse avec une croissance d’1 % seulement au troisième trimestre 2022 par rapport troisième trimestre 2021 ».

La rénovation, toujours « locomotive » de l’activité des artisans
 

Côté catégories de travaux, l’entretien-amélioration « est toujours la locomotive de la croissance de l’artisanat du bâtiment », déclare Alain Chouguiat, directeur des affaires économiques de la Capeb. Le segment progresse de 2 % au troisième trimestre par rapport au trimestre précédent, et de 3,3 % en glissement annuel. 

« Quand on regarde de plus près ce segment de la rénovation, on a le sous-segment qui est celui de la performance énergétique, et là on atteint 4 % de croissance en volume », poursuit Alain Chouguiat. « Bien sûr il y a des enjeux climatiques, il y a les aides MaPrimeRénov’ et CEE, donc il y a un soutien à la demande, un désir de confort de l’habitat, et une anticipation des problèmes d’énergies, qui conduisent les ménages à mieux se protéger de ce problème-là », décrypte l’intéressé. 

 

Tendances de la croissance dans la rénovation et le neuf - Source : Capeb/Xerfi

La croissance dans le neuf est en léger retrait, étant d’1,5 % par rapport au trimestre précédent, et de 2,5 % en glissement annuel. 

Des chiffres qui amèneraient la Capeb à estimer la croissance de 2022 à +2,5 % au total. L’activité des artisans et des petites entreprises du bâtiment se trouve toujours dans le vert. On note cependant au global et dans tous les segments un ralentissement de la croissance notamment par rapport au grand pic du deuxième trimestre 2021. Les prédictions pour 2023 demeurent donc floues pour la Capeb, qui s’attend encore à ralentissement au premier trimestre, suivi d’une stabilité. Ce qui rejoint les résultats d’un étude Xerfi menée par la confédération, selon laquelle 68 % des entreprises de moins de 20 salariés du bâtiment prévoient une stabilité de leur activité dans les six prochains mois, contre 17 % prévoyant une baisse, et 15 % une hausse. 

Matériaux : +26 % de hausses de prix pour les entreprises du bâtiment

 

Autre point soulevé par l’étude Xerfi/Capeb : l’impact des pénuries et hausses des prix des matériaux sur les marges des entreprises du bâtiment. Certes, les carnets de commande se stabilisent autour des 100 jours depuis avril 2021 (99 jours au T3 2022), mais sont marqués d’un légère diminution depuis avril 2022. Et ce n’est pas tout d’avoir des carnets de commande remplis, encore faut-il avoir les conditions adéquates pour y répondre. 

Evolution de la part d'artisans du bâtiment en difficultés d'organisations et de production - Source : Capeb/Xerfi

Or, l’inflation sur les matières premières vont malheureusement de bon train. En témoigne l'exemple de Céline Valognes, de l’entreprise de couverture Rassaert à Étrépagny (27), pour qui le prix des tuiles augmente de 26 %. Un chiffre en cohérence avec les +26 % de hausse enregistrés en moyenne par l’étude Xerfi pour la Capeb, de janvier à octobre dernier. Les résultats montrent une légère disparité entre les activités des menuiserie-serrurerie (+28 %) et celles d’électricité (+24 %)

89 % des entreprises répercutent l'inflation sur leurs coûts de prestation (contre 81 % au trimestre précédent), avec en moyenne une hausse de 68 % (contre 59 % au T2 2022). La part d’entreprises en difficulté d’organisation et de production a triplé entre le T4 2021 et le T3 2022, passant de 26 % à 78 %, avec diverses conséquences : modification de planning, modification de durée de validité des devis, recherche de nouveaux fournisseurs… 

+54 % de défaillances au sein des entreprises du bâtiment

 

« Ce qu’il est important de noter, c’est que la question portait bien sur les difficultés de production et d’organisation suite aux délais et questions de prix, mais que les entreprises font face à d’autres problématiques actuellement », nuance Romane Charpentier.

On pense spontanément aux problématiques de recrutement, alors qu’entre le deuxième trimestre 2021 et le deuxième trimestre 2022, 13 315 emplois salariés ont été créés dans les TPE de la construction, soit +1,7 %. « Ce qui est inférieur au premier trimestre 2022, mais une croissance de l’emploi tout de même malgré ce contexte », commente Romane Charpentier. Côté trésoreries, les besoins des entreprises sont en moyenne de 22 000 euros, soit 2 000 euros de plus par rapport aux trois trimestres précédents, et 15 % d’entreprises continuent de les déclarer. 

Besoins en trésorerie des entreprises artisanales du bâtiment - Source : Banque de France

Les créations d’entreprises, elles, reculent d’1,5 % entre le T2 2021 et T2 2022. Sur cette même période, les défaillances explosent de 54 %. Deux informations à prendre avec des pincettes, car à peu près aux mêmes niveaux d’avant crise. Mais l’accélération de ce rythme de défaillances « doit reste un point focal, puisque les entreprises font des remontées et sont des pressions et des contraintes, et l’enjeu est d’anticiper la catastrophe », selon Romane Charpentier.

40 milliards d’euros par an nécessaire à accorder à la rénovation énergétique ?

 

D’autant que les hausses des prix actuelles sont liées à la crise énergétique, bloquant la production de matériaux et enflammant davantage leurs coûts. Peut-être que le projet de loi d’accélération des énergies renouvelables, récemment adopté au Sénat, parviendra à changer la donne, que ce soit en termes de coûts ou de croissance des activités dans l’artisanat du bâtiment ? « D’évidence ce sera une priorité dans le cadre de la sobriété et de la baisse d’indexation de nos coûts d’énergie. Mais à ce jour, il sera très difficilement une prévision d’activité sur les énergies renouvelables. Sachant que le contexte de pose d’énergies renouvelables, dans le tissu urbain ou rural, va nécessiter une acclimatation des services qui acceptent ou non le photovoltaïque, par exemple », nous répond Jean-Christophe Repon. 

Une chose est sûr pour le président de la Capeb, il s’agira d’un secteur porteur dans le cadre de la rénovation énergétique. Bémol toutefois : la question du budget alloué à la rénovation thermique, en particulier de logements, qui fait débat à la fois entre le gouvernement, l’Assemblée nationale, les ONG, ou bien les militants écologistes. « Nous avons réagi à la demande pour le PLF 2023 sur les 12 milliards d’aides pour accélérer la rénovation énergétique. La Première ministre et le ministre du Logement ont réagi en disant qu’il s’agit de 12 milliards qu’on ne pourrait dépenser puis qu’il manquait la compétence et la main d’oeuvre sur le territoire », nous déclare Jean-Christophe Repon.

Selon la confédération, sur 540 000 entreprises du bâtiment, seulement 59 000 sont labellisées Reconnu Garant de l’Environnement (RGE), permettant à leurs travaux d’être financés par MaPrimeRénov’. Or, d’après Jean-Christophe Repon, si les procédures administratives pour être labellisé étaient simplifiées, ce serait 500 000 entreprises qui pourraient recevoir cette mention et seraient donc reconnues aptes à effectuer ce type de travaux.

Encourager la qualification chantier par chantier serait aussi un autre axe pour faire reconnaître la qualité d’un chantier à la livraison sans avoir recours au RGE. « Il ne faudrait pas 12 milliards pour lancer la rénovation  énergétique, il en faudrait au moins 40 milliards par an », estime le président de la Capeb, soit plus que les 28 milliards d’investissements, publics et privés, nécessaires pour cette démarche, selon la coalition Unlock

Des idées que la Capeb a déjà défendues en amont des Assises du BTP fin septembre dernier. Les engagements gouvernementaux qui ont découlé de cette vaste rencontre n’ont pas répondu totalement répondu aux espérances de la Capeb sur ce sujet ; comme d’autres évoqués dans sa liste de propositions (inflation, concurrence déloyale, déplacements des professionnels). Inscrites dans la durée, les Assises du BTP, comme une lettre prochainement adressée par la confédération aux ministres concernés, permettront peut-être d’avancer sur les problématiques de l’artisanat du bâtiment.
 

Virginie Kroun

Photo de Une : Capeb

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