Quels obstacles et quels enjeux à l'amélioration de la qualité de l'air intérieur ?
La France, avant-gardiste sur le sujet
« C'est la réglementation qui fait ou qui ne fait pas. En résumé, sans réglementation on ne fait rien », estime Pierre-Louis François, Président d'Uniclima. « En France de ce point de vue là, nous avons plutôt de l'avance historiquement » rappelle-t-il. En effet, depuis la création de la Ve République, les pouvoirs publics ont créé et imposé les concepts tels que l'obligation d'aération des pièces dites techniques en 1958, la diffusion du concept de ventilation générale et permanente en 1969, ou encore la généralisation du concept de ventilation contrôlée et de débit minimum en 1982 et 1983.
Or, si la France a été précurseur après la Scandinavie sur le sujet et inspire aujourd'hui les lois européennes, elle accuse dans le même temps un certain retard par rapport à d'autres pays, tels que l'Allemagne ou la Suisse, qui sont certes venus plus tard à la VMC et à la filtration mais à des niveaux bien supérieurs. Et pour cause. En France, depuis la promulgation des fameux arrêtés du 24 mars et 28 octobre 1983, les quatre réglementations thermiques (RT) successives se sont appuyées sur ce seul cadre pour faire évoluer les installations de VMC.
Mieux répondre à la réalité du terrain
Ainsi, depuis plus de 30 ans, c'est le critère énergétique, comme l’appellation RT l'indique, qui est privilégié en matière de ventilation, en parallèle bien sûr du critère économique du coût de la construction. « C'est intéressant car aujourd'hui avec cette politique Bâtiment Basse Consommation, on se focalise sur l'obligation énergétique en oubliant que le logement est construit à l'origine pour que des êtres humains y vivent », pointe la Présidente de l'Observatoire de la Qualité de l'Air, Andrée Buchman qui dénonce notamment « la systématisation des poses de ventilation mécanique dans la construction qui est très coûteuse pour un résultat très décevant.»
Selon elle, « la RT2012 devrait prendre en compte la zone géographique pour imposer, ou non, des aérations ou des systèmes de ventilation. Il faut une approche nuancée et beaucoup de réflexions avant de choisir le meilleur moyen de renouveler l'air d'un bati.»
Le suivi des chantiers, une étape clef pour la qualité de l'air intérieur
« La qualité de l'air se décrète dès l'analyse du site, ensuite en conception, puis en phase chantier, et enfin en phase d'exploitation où il faut éduquer un peu les occupants », résume pour sa part le Dr. Suzanne Deoux, Présidente de l'Association Bâtiment Santé Plus. « Le suivi des chantiers est une étape clef pour la qualité de l'air intérieur. Même bien conçus, des bâtiments voient leur qualité d'air intérieur dégradée par de mauvaises mises en œuvre : insuffisance de séchage des chapes, mauvaise installation des système de ventilation », poursuit celle qui suggère l'émergence d'une profession « ventiliste.»
A l'aune de ces éclairages, le principe d'analyse de l'air des salles de classes de petits enfants semble un bon début avant de le généraliser. A ce petit détail près qu'à quatre mois de la date prévue pour la mise en œuvre de la surveillance de la qualité de l’air intérieur dans certains établissements recevant du public, le décret d'application n'est toujours pas publié. « Les collectivités n'ont pas été avisées », confirme Andrée Buchman, par ailleurs élue locale en Alsace. « Pour 2015, c'est sûr on peut oublier. L'échéance est abandonnée », assure à son tour le Dr. Suzanne Deoux qui justifie ce revirement du gouvernement par « le manque d'enthousiasme des collectivités » et le coût relativement élevé pour ces dernières de l'application d'une telle mesure, soit en moyenne 3000 € par site.
Audrey Le Guellec
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