Le bois énergie incompatible avec la QAI ?
Le bois énergie, un mode de chauffage sans cesse vanté pour être renouvelable, bas-carbone et à faible coût, tant en termes de ressources que sur la facture énergétique.
« Or, les émissions de dioxyde de carbone (CO2) issues de la combustion du bois sont loin d'être négligeables. Brûler du bois pour produire de l'énergie émet plus de CO2 que le gaz naturel, le charbon ou le fioul par kilowattheure produit », s’inquiète un collectif de médecins et d’associations, dans une tribune publiée fin octobre sur le site du journal Le Point. Les experts de la santé évoquent l’impact sur la régénération des forêts et la séquestration de CO2.
Ces derniers s'appuient sur le bilan du GIEC, selon lequel le potentiel d’émissions liées à la biomasse pourrait passer de -5 % d’ici à 2050 à entre +5 et + 10 %, si ce n’est plus, « étant donné que l'alternative renouvelable la plus probable serait l'énergie solaire ou éolienne à très faible teneur en carbone », lit-on sur la revue Nature (en anglais).
« Si on regarde uniquement par ce petit trou de la lorgnette, on dirait qu'il faut autant interdire le bois que le fioul », réagit Éric Vial, directeur France de Propellet, association défendant la filière des poêles à granulés.
Or « c'est occulter complètement le caractère renouvelable du bois, dans le sens où le bois s'inscrit dans un flux vertueux lié à la photosynthèse. Le carbone qui était mis dans l'air au moment de la combustion a été capté avant, et il va être recapté. Ça peut être long, mais ça dure moins longtemps que stocker du carbone », via l’usage de ressources pétrolières, défend-il. Il rappelle également que le granulé de bois est un co-produit issu des chutes du sciage et ne raréfie pas grandement les ressources forestières.
À peine un quart de particules fines respirées émises par la combustion bois domestique
Les professionnels de santé soulignent également des répercussions sanitaires, présentantle bois comme « la principale source d'émissions de particules fines et ultrafines qui n'épargne pas les villes françaises, où la part du chauffage au bois représente moins de 10 % des modes de chauffage mais déjà plus de 70 % des émissions de particules fines, par exemple à Strasbourg ».
« Il y a une étude qui explique que plus la combustion est bonne - et c'est le cas du granulé - plus la part de particules ultrafines est importante », reconnaît Éric Vial. Toutefois, « quand on dit part, c'est par rapport aux autres particules. C'est-à-dire que les particules moins fines diminuent plus vite et de manière plus importante que les particules ultrafines », tient-il à nuancer.
Le président France de Propellet abonde : « Il y a une interrogation, et là, pour le coup, elle est juste : qu'est-ce qu'il en est vraiment sur les particules ultrafines ? », en ajoutant que l’Ademe y consacre une étude, « pour analyser cela de manière plus précise ».
En attendant, l’association a présenté des chiffres sur le niveau de particules fines propagées par le chauffage bois. En octobre dernier, le laboratoire central de suivi de la qualité de l’air (LCSQA) a attesté que la combustion du bois domestique représente 22 % des particules fines respirées.
Selon des données Secten pour le Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (Citepa), les émissions de particules fines PM2.5 auraient reculé de 50 %, entre 2000 et 2023.
Toujours d’après la même source, la consommation de bois énergie domestique a baissé de 38 % entre 1992 et 2022, alors que le nombre de foyers chauffés au bois a grimpé de 25 %, plus précisément de 6 à 7,5 millions. « Les poêles à granulés, autrefois marginaux, représentent désormais 10 % du marché », estime Propellet dans un communiqué.
Des progrès technologiques, dans les combustibles comme la qualité d’installation
L’association explique ces tendances par différents facteurs. D’abord, une transition vers des appareils plus performants, portée par un socle normatif, comme le label volontaire Flamme Verte ou la réglementation européenne EcoDesign.
« Aujourd'hui, Ecodesign est en discussion pour changer encore les exigences, pour les modifier, les améliorer », mentionne Éric Vial. En ce qui concerne le label Flamme Verte, l’Ademe a conduit une étude appelée PerfPAG (Performances des poêles à granulé en situation réelle). Alors que le label Flamme Verte 7 étoiles impose un rendement supérieur à 79 %, celui des poêles à granulés évalués dépasse les 85 %. Ils respectent également le seuil d’émission de 20 mg par nanomètre cubes, fixé par le label Flamme Verte.
Mais l’utilisation de l’appareil et son entretien peuvent-ils impacter la QAI, quand une étude Hase a montré que les Français ne savent pas toujours bien se chauffer au bois. « Sur la chaudière, non, ou très peu, à part si elle n'est pas entretenue, c'est plus au niveau du poêle que ça se joue », mais aussi sur « la filière bûche qui, à ma connaissance, s'est mobilisée fortement avec l'appui de l'Ademe pour communiquer largement sur les bonnes pratiques d'utilisation », nous répond Éric Vial.
Le choix du combustible a par ailleurs son importance. Celui-ci doit être sec, avec moins de 10 % d’humidité pour le granulé et moins de 20 % pour une bûche, sans présenter de corps étranger.
La QAI réside également dans la qualité d’installation. « L’appareil ne doit pas être mis n'importe comment, avec un conduit de fumée hasardeux », illustre le président de Propellet.
Mais les professionnels sont-ils formés en conséquence ? Cette dimension est bien intégrée dans le cursus du plombier-chauffagiste. « Dans le meilleur des cas, il a étudié le bois. Dans le pire des cas, il a étudié le gaz et le fioul. Mais il sait s'adapter au bois. Et surtout, il est formé par des constructeurs qui mènent des formations régulièrement auprès de leurs installateurs », commente M. Vial.
« Sur les poêles, c'est différent. Il y a 4 ans maintenant, on a lancé une formation pour les installateurs de poêles, qu’on appelle les cheministes. On a fait une première session et arrêté en 2022, à cause d'une petite tension sur le marché et on s'est retrouvé avec moins de demandes. En parallèle de ça, nos amis de la Fédération des Installateurs de Poêles et Cheminées ont développé une formation qualifiante », poursuit-il.
Des programmes que Propellet promeut, car si le « RGE est très bien, cela ne suffit pas pour avoir des gens qui sachent installer un équipement de chauffage au bois », estime son président.
L’association bute toutefois contre un autre frein : la baisse des aides à l’installation de chauffage bois domestique. Après un rabotage en avril, un second de 50 % se profilait dans le budget 2025. Le flou politique, provoqué par la motion de censure contre le gouvernement Barnier, n’arrange en rien les perspectives de la filière bois-énergie, qui vise 10 millions de foyers chauffés au bois d’ici à 2035, pour des émissions de particules divisées par deux et une consommation de bois réduite de 15 %.
Virginie Kroun
Photo de Une : Propellet