PLF 2021 : des ambitions environnementales insuffisantes ?
Le Gouvernement vient de présenter son Projet de loi de finances (PLF) pour 2021, un projet qui s’inscrit dans la lignée du plan de relance dévoilé début septembre. L’un comme l’autre vise une reprise de l’économie et la transition vers une société « durable » et responsable.
France relance doit notamment financer des investissements qui placeront la France « en position de force pour innover, moderniser et transformer son modèle économique et social afin de le rendre à la fois compétitif et durable ». Sur les 100 milliards d’euros prévus, 30 milliards seront consacrés à l’environnement. Un montant qui doit permettre d’accélérer la rénovation des bâtiments publics et privés, la décarbonation de l’industrie, le développement de la filière hydrogène vert, l’économie circulaire ou encore la mobilité verte.
Le volet « rénovation » concerne aussi bien les logements individuels que collectifs, et touche les parcs public et privé. Les efforts doivent venir soutenir l’action des professionnels de la construction et engager les particuliers dans des travaux. Si la volonté est là, les consommateurs voient ce plan de relance d’un oeil différent. Selon une enquête UFC-Que Choisir, nombreux sont ceux qui doutent de « l’ambition écologique de la relance ». Des doutes qui se confirment suite à la présentation du PLF 2021. « On ne peut que déplorer les effets d’annonce et les mesures à contre-sens prises par les pouvoirs publics », pointe l’association de défense des consommateurs. Sur la rénovation, « le plan annonce en faire une priorité, ce qu’on ne peut que saluer, d’autant que l’approche globale des travaux commence enfin à être favorisée ». « Mais les 2 milliards d’euros budgétés sur deux ans pour aider les ménages s’inscrivent dans un contexte de disparition d’une autre aide à la rénovation », le crédit d’impôt pour la transition énergétique, « d’un montant comparable ».
L’UFC-Que Choisir révèle avoir lancé, au début de l’été, un sondage pour comprendre les attentes des Français en matière de « consommation durable ». Pour ce faire, l’association a formulé 17 propositions et a appelé le grand public à s’exprimer sur celles-ci et à les prioriser. « Imposer une obligation de résultats aux professionnels de la rénovation énergétique » a été approuvé à 98,9%. Une mesure qui ne fait pas partie de celles retenus par l’Etat. « L’argent investi risque, comme jusqu’à présent, de largement servir à arroser le désert », estime Que Choisir.
« Compte tenu des réticences du gouvernement à entendre leurs attentes, notamment sur la rénovation énergétique », l'association « adresse aux parlementaires sa proposition de loi qui reprend quinze mesures réclamées d'urgence par les consommateurs ».
L’urgence climatique sous-évalué ?
Le Réseau Action Climat a lui aussi tenu à interpeler le Gouvernement. Si ce dernier affirme que le PLF 2021 est « pour la première fois », un « budget vert », des ONG dénoncent une transition écologique « plus lointaine et plus floue que jamais ».
A l’annonce du Plan de relance, le réseau avait déjà exprimé sa déception. « Alors qu’il y avait un rêve collectif de rupture écologique au moment du confinement, les intérêts économiques à l’origine de la destruction de la planète ont de nouveau repris le dessus (…). L’analyse nous permet de repérer des investissements qui ne contribuent pas à la transition écologique ou qui lui sont incompatibles, voire nuisibles (nucléaire, agriculture de précision, hydrogène non-renouvelable, 5G, etc…) ».
Dans son Projet de loi de finances, le gouvernement, dans une démarche de « transparence inédite », présente l’impact environnemental de l’ensemble des dépenses budgétaires et fiscales (488,4 milliards d’euros). 90% du montant est considéré comme « neutre ». 38,1 milliards sont considérés comme « favorables » à au moins un des six objectifs environnementaux en 2021 (lutte contre le changement climatique, adaptation au changement climatique, gestion de la ressource en eau, économie circulaire, lutte contre les pollutions, biodiversité). Ces dépenses « vertes » recouvrent notamment le développement des énergies renouvelables (6,9 Md€). Les dépenses « mixtes » s’élèvent à 4,7 Md€, tandis que 10 Md€ ont un impact « défavorable » sur au moins un des axes évoqués précédemment. Elles concernent les dépenses fiscales, « en particulier les exonérations ou taux réduits sur les taxes intérieures de consommation des produits énergétiques relatives aux carburants ».
S’il reconnaît que certaines dépenses du budget « continuent à avoir un impact défavorable, soit ambigu, sur l’environnement », Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, assure « qu’aucune mesure du plan de relance n’est défavorable à l’environnement ».
Pour le Réseau Action Climat, le sentiment est tout autre. « Après la douche froide du Plan de relance vert pâle (…), le projet de loi de finances n’apporte aucune avancée significative sur les chantiers prioritaires de la transition écologique et solidaire », comme la baisse des aides aux énergies fossiles ou la rénovation énergétique.
« Si à l’échelle mondiale, nous continuons d’émettre autant qu’en 2018, le budget carbone estimé pour avoir 50% de chance de limiter la hausse de la température mondiale à + 1,5% sera épuisé en 2030. Il faut changer notre logiciel économique maintenant », poursuit le réseau.
Pour Jean-Baptiste Lebrun, directeur du CLER-Réseau pour la transition énergétique : « Malgré les annonces, les arbitrages du Gouvernement pour le Projet de loi de finances 2021 et le déploiement du plan de relance sur la transition énergétique restent très conservateurs. En confondant vitesse et précipitation pour tenter de stimuler une reprise économique « business as usual », le Gouvernement rate l’opportunité de transformer structurellement l’économie française pour faire face à l’urgence climatique ». Il regrette ainsi des financements « très insuffisants » et « surtout largement mal orientés » en faveur de la rénovation énergétique. « Quant aux énergies renouvelables, rien n’est prévu pour rattraper notre retard, alors que la France est dans les 2 plus mauvais pays européens sur l’atteinte des objectifs ».
Clément Sénéchal de Greenpeace France dénonce lui : « Le Gouvernement prend prétexte de la crise économique pour multiplier les chèques en blanc aux grandes entreprises polluantes et reporter à plus tard l’effort climatique, nous piégeant dans une trajectoire climatique toujours plus hostile à la vie humaine ».
R.C
Photo de une : ©Adobe Stock