Décret sur les déchets de chantiers : des incertitudes persistent, selon Gabriel Franc
Que pensez-vous de ce nouveau décret ?
Gabriel Franc : C'est un décret qui existait déjà pour les chantiers de démolition. Là où il est nouveau, c'est qu'il intègre à partir du 1er janvier 2022 les chantiers de réhabilitation et de restructuration de plus de 1 000 m2. Sur le papier, cela semble plutôt bien cadré. Là où cela va être un peu plus flou, c'est le diagnostic qui doit être fait : Quels types de professionnels vont pouvoir le faire ? Quelle formation vont-ils avoir ?
Ces diagnostics devront mettre en avant le coût du recyclage de tous les matériaux qui vont être démolis, mais aussi des équipements. Je serais curieux de savoir comment cela va être précisément diagnostiqué, quantifié, chiffré.
Je me demande quelles vont être les mesures de contrôles pour que les matériaux soient bien recyclés, et comment ils vonrt l'être. Parce que si c'est recycler des matériaux mais dépenser autant en coût de recyclage et en pollution carbone, cela ne va pas être très intelligent. Il faut que le recyclage des déchets soit fait minutieusement, entre ceux qui vont qui vont avoir un coût très élévé et pour lesquels se sera une aberration de le faire, et ceux qui peuvent rapporter ou être à iso-coût.
Qu'est-ce que cela devrait changer pour les architectes ? Quel devrait être leur rôle ?
Gabriel Franc : Je suis assez inquiet par ce qu'il va se passer au 1er janvier. On ne sait pas qui devra faire ce diagnostic. On nous a dit qu'il devrait être fait avant le dépôt d'autorisation ou avant le démarrage des travaux. Il y a quelques précisions que l'on attend.
Réglementairement, j'ai compris que notre rôle est de vérifier que ces diagnostics sont bien établis parce qu'a priori on devra les inclure dans nos demandes d'autorisation. A partir du moment où l'on a l'obligation de joindre ces diagnostics, cela veut dire que l'on doit en connaître la véracité. A priori, notre rôle n'est pas de vérifier que cette collecte soit bien faite. Mais il est un peu flou de savoir qui va être en charge de cela, qui va en avoir la responsabilité. Est-ce que c'est à l'échelle d'un bureau de contrôle ? Est-ce que c'est une notion déclarative ?
Pour l'esprit même de la réglementation, on y est tout à fait favorables. D'ailleurs nous n'avons pas attendu d'avoir cette réglementation pour le faire puisque beaucoup de professionnels intègrent des certfications environnementales de type de BREEAM ou HQE, pour lesquelles la part de recyclage des matériaux de chantiers sont évidemment pris en compte.
Plus largement, quelle pourrait être la part des architectes dans la démarche de recyclage et de valorisation ? Quelles sont vos propositions ?
Gabriel Franc : Quand on fait une réhabilitation, de conserver au maximum l'existant, pour éviter le sujet de la démolition et du recyclage. Se dire que sur un projet on se doit de conserver ou de réutiliser sur le site le maximum de matériaux existants. Cela peut être un vrai enjeu, au lieu de passer par des démolitions lourdes un peu radicales.
La façon dont on pourrait influer aussi, c'est peut-être d'étudier la part de matériaux dont le recyclage peut avoir un intérêt. Je dirais que c'est une réflexion globale à avoir avec l'entreprise de bâtiment et celui qui recycle. Ce qui pourrait être intelligent c'est de faire une grande part de pré-tri sur les chantiers.
Selon vous, y a-t-il suffisamment de points de collecte ? Trouvez-vous que la reprise des déchets est trop chère ?
Gabriel Franc : C'est toujours trop cher, c'est pour cela que certains respecte moyennement la collecte et le tri. Je dirais que globalement c'est plutôt bien pensé. Peut-être que cette réglementation va permettre le développement de nouveaux points de collecte.
Ce sont surtout les petits artisans qui voient cela comme un coût important et qui sont pénalisés, parce que c'est à l'échelle de petits chantiers et parce que cela induit des déplacements. Peut-être qu'il faudrait un maillage qui soit plus fin aux abords des villes pour des petites collectes.
Avec ces nouvelles réglementations environnementales, les professionnels du bâtiments s'inquiètent de surcoûts qui pourraient être répercutés sur les particuliers. Qu'en pensez-vous ?
Gabriel Franc : Entre la hausse actuelle des prix des matériaux, la RE2020, et ces obligations de recyclage, le coût de construction ne va pas augmenter un peu, il va exploser. Le coût des matériaux, c'est 5 à 10 % de hausse, celui de la RE2020 est estimé à environ 5 %, et le coût de recyclage pour des restructurations, on parle de 15-20 %, ce qui est gigantesque. Cela ne va pas pouvoir être absorbé par les filières du bâtiment, et les particuliers vont se retrouver à les prendre de plein fouet et à ne pas pouvoir les supporter. Il y a le fait de plusieurs réglementations qui s'appliquent en même temps, plus une inflation dans le secteur du bâtiment, et si on ajoute à cela la hausse du coût des transports avec le baril de pétrole, c'est une vision inquiétante pour 2022.
Propos recueillis par Claire Lemonnier