La crise du logement neuf se précise en Île-de-France
En 2021, le chiffre d'affaires du secteur du bâtiment en Île-de-France était de 36,5 milliards d'euros, et il devrait atteindre les 38 milliards d'euros en 2022, d'après les dernières estimations de la CERC IDF, témoignant du dynamisme du secteur, malgré le contexte économique difficile.
Toutefois, les derniers chiffres publiés par la Fédération Française du Bâtiment Grand Paris Île-de-France (FFB Grand Paris IDF) inquiètent : la crise du logement neuf semble s'installer dans la région. En effet, seuls 31 000 logements ont été mis en chantier en 2022, alors que la loi sur le Grand Paris en demande 70 000, soit moins de la moitié.
De plus, la Seine-Saint-Denis connaît une baisse drastique des mises en chantier avec une chute de 45 % par rapport à 2021. La fédération s’attend ainsi « à une forte baisse d'activité en 2023 » pour les entreprises, d'autant que 45 % du chiffre d'affaires du secteur « dépend du logement neuf », explique Édouard Durier, vice-président de la FFB Grand Paris IDF.
Les prémices d’une crise du logement ?
Le non-résidentiel semble lui aussi touché par la crise, malgré une hausse de 21 % en 2022, le taux de vacance de bureaux n'a jamais été aussi élevé (+ 7,9 %). Selon la FFB IDF, cela laisse présager d'une baisse potentielle de construction en non-résidentiel.
Seul le secteur de l'entretien-rénovation connaît une légère hausse en 2022, bien que contenue (+0,5 %). Selon Édouard Durier, ce marché est dynamique, car tiré par les aides de l’Etat, mais « pas suffisamment » si l’on tient compte qu’à Paris intra muros, un logement sur deux serait une passoire thermique. Une situation « préoccupante » pour les années à venir, « malgré les aides allouées », estime le vice-président.
Les défaillances d'entreprises ont elles aussi fortement augmenté, notamment dans le Val-de-Marne, avec une hausse de plus de 60 % en 2022, tandis que Paris et les Hauts-de-Seine affichent des hausses de respectivement 14 % et 20 %. Seule la Seine-Saint-Denis voit les défaillances d'entreprises baisser (-3 %).
Le risque d'une augmentation drastique de ces chiffres « est à craindre », indique la FFB Grand Paris IDF, qui souligne que les prêts garantis par l'État (PGE) n'ont pas encore commencé à être remboursés et ne le seront que courant 2023.
La crise des matériaux et des matières premières a également une implication directe sur la santé financière des entreprises. Les niveaux de prix restent élevés malgré une inflexion récente. Selon Édouard Durier, la problématique actuelle est liée à des délais extrêmement longs pour certains matériaux spécifiques. « Plus de 12 % des entreprises de plus de 10 salariés déclarent ne plus pouvoir produire du fait des problèmes d'approvisionnement », précise-t-il.
Malgré le contexte, les prévisions pour l'année 2023 « ne sont pas alarmantes » avec une légère croissance de 0,7 % prévue. Au cours du premier semestre 2023, les coûts des matériaux et de l'énergie « se stabilisent », selon M. Durier, « bien que cette stabilisation doit être considérée avec précaution ».
Des propositions pour relancer la construction neuve
Face à cette situation, la fédération estime qu’il est « urgent » de prendre des mesures pour relancer la construction de logements neufs. Elle appelle notamment à l'indexation systématique de tous les marchés publics et privés, ainsi qu’au gel des sanctions de retard et la révision des prix pour tous les chantiers.
Par ailleurs, elle propose d'introduire un crédit d'impôt sur les annuités d'emprunt pour adoucir le surcoût RE2020, qui risque de « rehausser les prix du résidentiel neuf et freiner l'accès à la propriété ».
Elle souhaite également développer l'offre de logements intermédiaires, en appliquant réellement la loi sur le Grand Paris pour atteindre la construction des 70 000 logements en Île-de-France. Enfin, elle appelle à engager une réflexion approfondie pour réduire les coûts de transformation des bureaux en logements.
Enfin, la fédération estime que l'entretien rénovation pourrait être « la locomotive de l'activité » en 2023, « en réponse à la guerre en Ukraine qui nous rappelle l'importance de massifier les travaux de rénovation énergétique », commente M. Durier, tout en restant vigilante face aux incertitudes économiques et politiques.
Marie Gérald
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