Entre conditions d’habitat et décarbonation, où en est le logement ?
« La question du logement structure la vie et l’économie des ménages et des territoires. À la croisée de la démographie, de l’économie, de la géographie et des enjeux environnementaux et sociaux, ce sujet est généralement abordé de manière fragmentaire », déclare Béatrice Sédillot, cheffe du service des données et études statistiques (SDES), en introduction des « chiffres clés du logement ».
Cette synthèse commence avec ce chiffre : 37,2 millions de logements ordinaires ont été recensés en France, en janvier 2021. Dans ce parc, 56 % sont des logements individuels, 82 % des résidences principales (30,4 millions, mais moins que le pic de 83,9 % atteint en 2005), 10 % des résidences secondaires, et 8 % des logements vacants. La croissance est en légère décélération depuis 2007, passant de +1,28 % en 2007 à +0,74 % en 2020.
« Cet accroissement est alimenté par le parc des logements collectifs, qui représente 44 % des logements ordinaires en France, et qui connait une progression plus rapide que celle des logements individuels (+ 1,08 % sur l’année 2020, contre + 0,47 %) », précise le document du SDES, rattaché au ministère de la Transition écologique.
Côté logements non-ordinaires (maisons de retraite, résidences étudiantes, casernes, prisons...), les chiffres remontent à 2018, où 1,6 million de personnes étaient concernés. Le taux de vacance, calculé début 2021, était de 8,3 %, avec 3,1 millions de logements concernés en France (hors Mayotte).
Plus de la moitié des ménages propriétaires de leur résidence principale
En 2021, 57,7 % (17,6 millions des ménages) étaient propriétaires de leur résidence principale. La plupart étaient en moyenne âgés de 60 ans et disposaient de revenus imposables par unité de consommation supérieurs de 18 % à la moyenne de l’ensemble des ménages (en moyenne 26 300 euros bruts, contre 22 300 euros). 79 % des propriétaires occupaient une maison, avec une moyenne de 100 m2 et un nombre de 4 pièces voire plus.
« Les propriétaires occupants sont surreprésentés hors des agglomérations (78 % des ménages habitant une commune rurale sont des propriétaires occupants, contre 50 % en agglomération). Avec 72 %, la Vendée est le département où la part des propriétaires occupants est la plus élevée », note le SDES.
À côté, 25 % étaient locataires dans le parc privé, et 18 % dans le parc social. Dans le parc locatif privé, 97 % des logements étaient détenus par des particuliers, tandis que le revenu imposable des ménages locataires était de 18 500 euros bruts en 2017, et l’âge moyen des occupants d’environ 45 ans.
Côté parc social, le revenu des occupants était d’en moyenne 13 100 euros bruts et l’âge de 53 ans. Les occupants représentent 17,6 % des ménages, part qui baisse graduellement depuis 1997 – année de pic -, avec -0,8 point par décennie. 82 % du parc locatif est détenu par des bailleurs HLM.
Diminution de l’inconfort sanitaire, hausse de la précarité énergétique
Côté conditions d'habitat, le SDES constate une baisse de l’inconfort sanitaire. Ce problème a même quasiment disparu des logements ordinaires occupés en tant que résidence principale en France. Déjà en 2013, selon une enquête de l’Insee, 1 % d’entre eux étaient privés d’un des éléments de base (eau courante, baignoire, douche WC intérieur), contre 15 % en 1984. « Les logements cumulant la privation des trois éléments de base représentent moins de 5 % des logements en situation d’inconfort sanitaire », abonde le SDES.
Les logements concernés par l’inconfort sanitaire étaient à 61,9 % des logements achevés avant 1949. 31,4 % étaient situés en zone rurale et 17,6 % dans l’unité urbaine de Paris. Plus de la moitié étaient occupés par des personnes seules (55,4 %) et âgées, la personne de référence ayant dans les 80 ans.
Encore selon l’enquête nationale de l’Insee sur le logement, 22,7 % des ménages non-étudiants vivaient dans un logement en situation de peuplement normal. 67,6 % étaient dans un logement disposant d’au moins une pièce en plus par rapport à la situation de référence. 9,7 % vivaient en situation de surpeuplement.
À noter que les données remontent à 2013, et que le gouvernement ne sait probablement comment ces deux facteurs de mal-être ont évolué depuis, voire évolueront. Ce qui n’est pas forcément le cas de la précarité énergétique. En France, en 2013, 18,7 % des ménages déclaraient avoir souffert du froid pendant l’hiver 2012, avec l’Île-de-France et les Hauts-de-France particulièrement exposés. Or, face à la flambée des prix des énergies, ravivée par la guerre en Ukraine, cette précarité énergétique semble s’appliquer à toute la France.
Ce qui devrait motiver des travaux de chauffage et d’isolation du logement.
Autre condition évoquée dans les logements à cette époque : la pollution sonore (11 %) et de l’air (4 %). Ce second désagrément doit prendre de l’ampleur aujourd’hui au sortir de la crise sanitaire et la nécessité d’améliorer la qualité de l’air intérieur (QAI).
Entre ZAN et déchets, l’urgence de la décarbonation du bâtiment se confirme
D’après les chiffres du SDES, en 2017, 344 000 logements neufs ont été construits, et près d’un million de logements anciens vendus. Aujourd’hui, en mars 2020 le marché du logement ancien se montrait toujours dynamique tandis que qu'on l'on assiste à la fin de la hausse des permis de construire induite par la RE2020.
Un repli qui devrait s’accentuer face à l'objectif Zéro Artificialisation Nette des sols, lancé par le gouvernement en 2018, et dont une révision des décrets est envisagée. Il faut dire que selon une enquête Teruti, 7,9 % du territoire français était artificialisé sur la période 2017-2019. « 44 % des espaces artificialisés sont constitués de sols imperméabilisés, bâtis (essentiellement des constructions basses de moins de trois étages) ou revêtus (routes, parkings, aires de stockage). Les autres surfaces sont des sols perméables enherbes ou stabilisés (jardins, terrains de sport, chemins de terre, chantiers) », détaille le SDES. Le service ministériel mentionne toutefois que la surface des sols artificialisés a augmenté d’au moins 1,5 % par an en moyenne en France métropolitaine depuis 1982, après une phase de décélération depuis 2012 (+1,2 %).
53 % des espaces artificialisés étaient destinés à un usage résidentiel, culturel, sportif ou de loisir. Encore une fois, l’habitat individuel était le principal facteur d’artificialisation des sols, devant le réseau routier. Les territoires urbanisés (84 % à Paris, entre 72 % et 79 % en petite couronne), et ceux du littoral (entre 11 % et 14,5 % de la Gironde au Morbihan, 17,5 % pour les Bouches-du- Rhône) étaient les plus concernés.
Autre poste de décarbonation du logement : le chauffage. « En 2018, le parc des résidences principales de France métropolitaine est principalement chauffé au gaz naturel et à l’électricité́ (respectivement 11,9 millions et 10,6 millions de logements, soit 78 % du parc). Par ailleurs, 3,9 millions des logements sont chauffés par des dérivés du pétrole (fioul domestique, gaz de pétrole liquide), soit 13 %. Le chauffage urbain est utilisé pour 1,2 million de logements (4 %), tandis que 1,4 million sont chauffés par une énergie alternative (bois, charbon) », livre le SDES.
Toutefois avec les aides à la rénovation dédiés à la PAC et à la biomasse, ainsi que l’apport financier récemment estimé des énergies renouvelables sur les finances publiques, en passant par l’interdiction des nouvelles installations fioul, le gouvernement tend à verdir le chauffage.
« Entre 2016 et 2018, le nombre de logements utilisant les produits pétroliers a diminué (-2,1 %), à l’inverse des autres modes de chauffage (+2,1 % pour le gaz naturel, +2,4 % pour l’électricité́, +4,5 % pour le chauffage urbain et +1,9 % pour les autres énergies de chauffage) », révèle le service ministériel. D’autant que les maisons, représentant 57 % du parc de résidences principales, étaient à l’origine de 73 % de la consommation en chauffage, 68 % de celle en électricité, et un peu plus de 60 % de celle employée pour l’eau chaude et la cuisson.
Côté ressources du bâtiment, le BTP recense en 2018 environ 397 millions de tonnes (Mt) de matières minérales par an, dont 397 Mt extraits du territoire national. En 2018, le recours au recyclage a permis au secteur d’économiser 32 Mt d’une ressource par nature épuisable (contre environ 26 Mt en 2016). Un progrès qui permet de limiter les impacts environnementaux de l’exploitation des carrières (rejet de poussières et de polluants dans l’air et dans les eaux, perte et dégradation des sols et sous-sols, modification des paysages…) Et ce alors que les graviers et sables (343 Mt) constituent la grande majorité́ des matériaux non métalliques extraits en 2018.
« Cette évolution s’inscrit dans les objectifs de la directive-cadre sur les déchets qui fixe à 70 % la part des déchets de construction réemployés ou recycles à partir de 2020 », rappelle le SDES. Une initiative prolongée par la REP Bâtiment, appliquée au plus tard en janvier prochain, qui tend réduire et optimiser le réemploi des déchets sur les chantiers.
Du pain sur la planche donc, quand on sait qu’« en 2014, la quantité de déchets générés par le secteur du BTP est estimée à 227,5 millions de tonnes. La grande majorité de ces déchets (215,5 millions de tonnes, soit 95 %) provient directement des chantiers, tandis que le reste est lié au fonctionnement interne et aux autres activités économiques des établissements. Parmi les déchets générés par les chantiers, la construction neuve et l’entretien-amélioration représentent respectivement 28,3 et 17,3 millions de tonnes, soit au total 21 % des déchets de l’ensemble du secteur du BTP », recontextualise la SDES.
Pour lire les « chiffres-clés du logement » du SDES dans leur intégralité, cliquez ici.
Virginie Kroun
Photo de Une : Adobe Stock