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Quatre questions sur la qualification des électriciens

Publié le 28 octobre 2024

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Quel bilan tirer del’efficacité des qualifications pour des installations électriques spécifiques, comme les IRVE et le photovoltaïque ? Décryptage avec Qualifelec, la FFIE et FEDELEC.
Quatre questions sur la qualification des électriciens - Batiweb

C’est sous l’impulsion des pouvoirs publics et d’EDF qu’est née la qualification des électriciens en 1955, nous rappelle Alexandra Del Medico, déléguée générale de Qualifelec.

Dans son processus, l’organisme passe en revue différents critères : le profil personnel (formation, expérience professionnalisante, CV, etc.), les moyens techniques déployés ainsi que la situation financière et assurantielle de l’entreprise d’installation électrique.

Mme Del Medico résume : « C'est véritablement un "écosystème" qu'on évalue », mais qui évolue continuellement.

« Auparavant, la notion de puissance installée était un gage de technicité. Aujourd’hui les équipements sont de moins de moins énergivores et la technicité passe plutôt par la capacité de pilotage des installations à la recherche de sobriété énergétique », évoque Thierry Grosdidier, directeur technique chez Qualifelec.

Quelles qualifications pour quelles innovations ? 

 

« Précédemment, un électricien Qualifelec l’était pour toutes les parties de l’installation », rappelle Philippe Goj, président de FEDELEC (Fédération Nationale des Professionnels Indépendants de l’Électricité et de l’Électronique). 

Mais l’essor du photovoltaïque (PV) et des infrastructures de recharge de véhicule électrique (IRVE), en particulier dans le résidentiel, a rebattu les cartes. Aujourd’hui, des qualifications sont dédiées à ces installations, respectivement appelées SPV et IRVE au sein de Qualifelec. Une manière d’adouber l’entrée d’une entreprise dans « une activité nouvelle », selon Pascal Toggenburger, président de la Fédération Française des Intégrateurs Électriciens (FFIE). 

« Pour pouvoir suivre une formation photovoltaïque, il faut déjà posséder un socle robuste de connaissances en installation électrique. Celles-ci doivent à la fois couvrir les aspects courant continu, comme alternatif », justifie Thierry Grosdidier. 

En ce qui concerne les bornes de recharge de véhicule électrique, trois niveaux de formation existent. « Après cette formation, il est possible de présenter un dossier de qualification chez Qualifelec », expose Alexandra Del Medico. « On a aujourd'hui agréé une vingtaine d'organismes de formation, qui sont systématiquement audités. On a l’assurance que les 5200/5300 professionnels aujourd'hui qualifiés sont génétiquement électriciens», complète M. Grosdidier.

Ces qualifications spécifiques, et coûtant en moyenne 250 € par an, visent à assurer la sécurité des ouvrages, éviter les sinistres chez les particuliers, ainsi que les fraudes générées par effets d’opportunisme. « Le marché s'est assaini avec l’arrêté de 2017 et la sortie d’aides importantes [dont MaPrimeRénov’]. De plus, il y a des contrôles réglementaires, en moyenne 1 est par Consuel tous les 14 chantiers pour les installations PV », détaille la déléguée générale.

Des qualifications pénalisantes pour l’activité des entreprises ? 

 

Mais c’est sans compter de grandes structures, historiquement tournées vers les grands ensembles tertiaires. Bien que certifiées, celles-ci accèdent au marché des particuliers et font appel à de la sous-traitance non-qualifiée. D’où la nécessité, selon les experts de Qualifelec, que ces sous-traitants soient qualifiés pour s’adresser à ces publics.

D’autant que le résidentiel et le petit tertiaire sont les marchés principaux des adhérents de FEDELEC, rassemblant essentiellement des petites structures. « C’est très bien qu’on rajoute des bornes de recharge électrique, du photovoltaïque, à condition que ce soit nous qui puissions le faire », souligne son président.

L’intéressé est ambivalent sur la qualification : « Oui, il faut protéger le métier face au bricolage. D’autant que les kits de batteries et de photovoltaïque, en vente libre aux particuliers sont autrement plus problématiques ».

M. Goj ajoute : « Mais trop d’obligations disqualifient les petites entreprises au profit des grandes. On nous multiplie démarches et coûts de qualification pour des options de quelques centaines d’euros pour les bornes, ou milliers pour le photovoltaïque, dans un chantier global de dizaines de milliers d’euros. Si la qualification ne vaut que pour que pour une part très marginale de chiffre d’affaires, les TPE abandonnent. Mais elles sont "disqualifiées" parfois pour tout un chantier ».

« Pour le photovoltaïque, la problématique, ce n'est pas tant la qualification. La problématique, c'est l'assurance, réticente à assouplir un peu la démarche et l'adhésion pour cette activité, au démarrage très sinistrée », remarque Pascal Toggenburger de la FFIE.

Thierry Grosdidier, de Qualifelec acquiesce : « Avec cette sinistralité, les assureurs sont devenus timides et on a beaucoup de mal à rétablir la confiance. À travers la qualification, nous contribuons à créer les bonnes conditions d’exécution et éviter les déboires ».

Une qualification efficace ?

 

Mais si les qualifications des métiers électriques tendent à protéger des marchés émergents, certaines sont-elles pertinentes ? « Côté pompes à chaleur, il y a des grosses unités, des fluides frigorigènes… donc objectivement des raisons de qualification, voire de certification », reconnaît Philippe Goj. 

Le président de FEDELEC est toutefois plus dubitatif vis-à-vis des IRVE, de 3 à 6 kW. « Il n’y a pas de différence majeure entre les principes d’alimentation des plaques de cuisson, des moteurs de machines à laver et des petites bornes de nos voitures », argue-t-il, en réclamant que le niveau de qualification soit proportionnel au risque.

D’après Consuel, 22,3 % des installations IRVE affichaient des non-conformités en termes de mise en œuvre en 2023. Alors que 36 % des installations photovoltaïques contrôlées étaient non-conformes, tous les aspects confondus.

Des démarches encore trop lourdes ? 

 

La multitude de qualifications est aussi contraignante pour Pascal Toggenburger. « Au sein de Qualifelec, il y a un dialogue préalable avec la compagnie d'assurance pour bien vérifier que les démarches sont en cours, l'attestation de l'assurance couvre ce nouveau champ d'activité et donc la qualification provisoire est donnée », nuance le président la FFIE.

L’organisme de qualification cherche à fluidifier davantage ses procédures via la dématérialisation. Par la plateforme API.gouv, il arrive à tracer tous les changements de SIRET, les documents fiscaux ou sociaux. Des échanges sont en cours avec les assurances afin qu’elles acceptent de fournir directement les attestations. « Qualifelec est obligé de les demander à chaque échéance pour vérifier leur mise à jour. Or, chaque entreprise a des échéances différentes », justifie sa déléguée générale.

« La simplification d’une qualification ne résout pas le problème de leur multiplication et de la disproportion de leurs demandes », pour le président de FEDELEC.

Une chose est sûre pour Thierry Grosdidier : « Il n'est pas question qu'on desserre nos exigences. C'est la garantie pour les bons professionnels de ne pas être concurrencés par des éco-délinquants».

Propos recueillis par Virginie Kroun

Photo de une : Adobe Stock

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