Rénovation énergétique : Équilibre des Énergies débat avec le député Antoine Armand
C'est au siège de la Fédération nationale des Travaux publics (FNTP), à Paris, que Brice Lalonde, ancien ministre de l’Environnement sous François Mitterrand et maintenant président de l'association Équilibre des Énergies, a pu débattre avec le député Antoine Armand sur la massification des rénovations énergétiques pour les bâtiments en France.
La discussion s'est ouverte sur un rappel de la conjoncture préoccupante dans le secteur du bâtiment, ainsi que les nombreuses dispositions prises par le gouvernement pour lutter contre les passoires thermiques, tout en soulignant les difficultés qu’elles peuvent entraîner pour les propriétaires et les bailleurs. Brice Lalonde a ainsi questionné Antoine Armand sur la nature et les objectifs réels des rénovations.
Les performances climatiques et énergétiques peuvent-elles faire bon ménage ?
Selon Brice Lalonde, la performance énergétique se fait au détriment de la performance climatique. Il y avait avant un parti pris contre l’électricité, et une majorité (80 %) des immeubles collectifs en France étaient alimentés au gaz. Les pouvoirs publics se sont ensuite réorientés vers l’électricité, cette dernière étant décarbonée et donc plus à même de lutter contre le changement climatique. Brice Lalonde constate cependant qu’aujourd’hui, le DPE n’a pas pris en compte cette évolution, et que la mesure de la performance énergétique place encore le fossile devant l’électrique. Y’a t-il des corrections à faire sur ce point ?
À cette question, le député Antoine Armand rappelle qu’en France, la situation est catastrophique au niveau énergétique. Avec entre autres, un manque de souveraineté, puisque la plupart des énergies carbonées sont importées, un développement des EnR beaucoup trop lent, et une production du nucléaire qui, à court terme, est clairement incertaine. Tant d’éléments qui rappellent la nécessité d’une vraie efficacité énergétique.
L’élu explique qu’en France, l’électricité est essentiellement nucléaire, et qu’il faut produire 3 KWh pour obtenir 1 KWh d’énergie finale. Ce ratio diverge selon les sources d’énergies. Une fois effectué, on constate qu’il est meilleur en passant par le gaz. C’est l’une des raisons pour lesquelles le gaz est encore beaucoup utilisé en France dans les habitations. Pour remédier à cela, Antoine Armand explique qu’un décret a été mis en place pour intégrer dans le DPE une part d’émission de gaz à effet de serre.
Encore insuffisant lui répond Brice Lalonde, à qui le parlementaire rétorque qu’à la base, la rénovation énergétique n’a pas d’abord été pensée comme un enjeu climatique.
La rénovation globale, une fausse bonne idée ?
L’ancien ministre de l’Environnement a ensuite abordé la question des rénovations globales. Ces dernières peuvent être de l’ordre de 50 000 € voire plus en fonction des logements. La loi Climat et Résilience impose aux propriétaires de passoires thermiques de rénover leur bien, sous peine de ne plus pouvoir le louer à compter d’une certaine date. 5 millions de passoires thermiques vont être soumises à cette interdiction au 1er janvier 2025 pour les G et au 1er janvier 2028 pour les F. Il faudrait donc qu’il y ait un million de rénovations par an. Impossible pour Brice Lalonde, notamment en termes de coût.
Il existe d’autres solutions selon le président de l’association Équilibres et Énergies, qui a calculé qu’avec des gestes plus simples qu’une rénovation globale, comme par exemple le pilotage, l’isolation ou le changement du mode de chauffage pour éviter que cela soit du fossile, on atteint 80 % du résultat par rapport à une rénovation globale, pour deux fois moins cher. N’y a-t-il donc pas une petite surenchère, s’interroge Brice Lalonde ?
Pour Antoine Armand, la première surenchère est celle des chiffres. Le fait d’enchaîner 600 000 ou 700 000 gestes de rénovation n’a pas de valeur climatique selon le député Renaissance. À ses yeux, le plus important est de connaître les économies réalisées en termes de KWh et de MWh, cumulées et actualisées, pour ensuite les convertir en tonnes de CO2. Pour l’heure, on ignore combien une rénovation permet d’économiser l’énergie, et encore moins de gaz à effet de serre.
Afin de remédier à ce problème, un décret permettant une mesure avant-après les travaux va être mise en place. Il sera ainsi possible de savoir combien d’énergie a été économisée après le changement d’une chaudière et l’isolation des combles par exemple.
De là découle le coût d’abattement selon Antoine Armand. Autrement dit le total de gramme de CO2 économisé par euros et par secteur. Ainsi fait, ces constats peuvent indiquer la marche à suivre pour l’optimisation de la rénovation dans le pays. Une fois réalisées, ces mesures révèleront peut-être qu’il est plus important de prioriser la rénovation de toutes les écoles, de tous les gymnases. Ou à l’inverse, que la priorité doit être mise sur les passoires thermiques. Ou bien même sur certains types de logements comme les résidences secondaires.
Assurer la pérennité de la pompe à chaleur
Concernant la pompe à chaleur, le président d’Équilibre des Énergies défend un outil miracle, mais s’interroge sur sa complexité. L’installation d’un tel appareil est complexe, la question se pose donc de savoir qui est capable d’installer une PAC ? Il y a-t-il assez d’artisans formés pour réaliser cette action ? Est-il nécessaire d’accélérer la formation ?
À cela, Antoine Armand répond qu’en matière énergétique, et donc en matière de rénovation, il y a trois paliers concernant les pompes à chaleur. Celui de la mesure, autrement dit le calcul des économies d’énergies réalisées, celui de l’industrie et celui de la distribution.
Concernant la distribution, d’après l’élu, il s’agit de savoir si la France est dotée de suffisamment d’artisans qualifiés dans la pose d’une PAC, mais également de savoir si l’on a le modus operandi pour faire en sorte que les gens sachent qu’une PAC n’est pas impossible à installer.
Antoine Armand désigne le nombre de personnes qualifiées comme véritable enjeu. Pour l’élu, on sera capable d’attirer des artisans si l’on est capable de proposer toute une chaîne de formation, commençant par un bac pro en alternance et qui finit par la possibilité d’évoluer dans une entreprise quelques années plus tard.
Pour cela, il faut peut-être, selon le député, être capable de discriminer positivement le domaine énergétique. Dès lors que c’est à l’origine d’à peu près tous les changements nécessaires pour la transition climatique, il faut que les pouvoirs publics, les régions, l’État, les collectivités, acceptent de dire que sur le logement, sur le transport, sur la rémunération des personnes qui s’engagent dans les filières de rénovations énergétiques, on met un peu plus d’argent.
Jérémy Leduc
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