Pour s'affranchir des combustibles russes, l’UE investit 210 milliards d’euros
210 milliards d’euros. C’est le montant du budget prévu par la Commission européenne afin de mener à bien son plan d’accélération des énergies renouvelables dans l’UE. Présenté ce mercredi, cette feuille de route répond à l’urgence de s’affranchir des importations du gaz et de pétrole russes.
Les tensions diplomatiques causées par la guerre en Ukraine ont en effet accentué les pénuries et hausses de prix, sur ces ressources abondantes en Russie. En témoigne la récente interruption par Moscou des livraisons à la Pologne et à la Bulgarie. De quoi faire grincer des dents l’Allemagne et l’Autriche, qui dépendent respectivement à environ 40 % et 80 % du gaz russe.
Autant dire qu’il n’a jamais été aussi urgent pour Bruxelles d’affirmer son indépendance énergétique.
L’objectif européen passe de 40 à 45 % d’énergies renouvelables
Ainsi, pour moins dépendre des importations énergétiques russes, l’UE revoit sa feuille de route liée à son Pacte vert, qui prévoyait déjà une baisse d’au moins 55 % des gaz à effet de serre d’ici 2030, et la neutralité carbone en 2050. Bruxelles recommande notamment aux 27 Etats-membres d'inciter leurs ménages et entreprises à revoir leurs habitudes de consommation, ce qui pourrait réduire de 5 % la demande en gaz et en pétrole.
Parmi les autres changements dans sa feuille de route, la Commission propose de rehausser sa part de renouvelables de 40% à 45 % dans son mix énergétique. Les 210 milliards supplémentaires investis par Bruxelles devraient permettre aux installations photovoltaïques de doubler d'ici à 2025 – avec une obligation impliquant les bâtiments publics et commerciaux.
Autre objectif : atteindre 10 millions de tonnes d'hydrogène d'origine renouvelable produit en Europe d'ici à 2030, ainsi que 10 millions de tonnes d'importations, en remplacement du charbon, du pétrole et du gaz, utilisés dans l’industrie et les transports. Toutefois, ces efforts n’empêcheront pas totalement Bruxelles d’importer du pétrole et du gaz, bien qu'elle compte diversifier ses fournisseurs (les Etats-Unis, l'Algérie et le Moyen-Orient).
L’éolien a également le vent en poupe dans la feuille de route énergétique de l’UE, avec une levée des freins administratifs pour accélérer leur déploiement, mais également celui du solaire.
L'Allemagne, le Danemark, les Pays-Bas et la Belgique semblent bien motivés à remplir de moitié l’objectif fixé par l’Europe. Comment ? En installant près de 150 gigawatts d'éoliennes en mer du Nord d'ici 2050, et ainsi décupler par quatre la capacité totale de production d’ici 2030 et par dix d’ici 2050.
Et les énergies renouvelables en France dans tout ça ?
Bien que le réseau gazier français ne dépende qu’à 17 % du gaz russe et que l’impact soit moindre par rapport à ses voisins européens, l’inflation des prix de l’énergie ne lui échappe pour autant.
En effet, l’impact peut se faire par ricochet, en particulier du côté des industries, dont celles de la construction. La FFB prédisait lors des premières semaines du conflit russo-ukrainien un retour de flammes dans les pénuries de matières premières, impactant pour les chantiers du bâtiment en France. Cela se confirme notamment côté PSE, comme nous le soulignait le président de l’Afipeb lors d’une interview.
De quoi encourager davantage la part d'énergies renouvelables dans le mix énergétique défendu par Emmanuel Macron en février dernier. Et ce alors que le gouvernement fait la part belle à ces énergies, tant solaires et qu’éoliennes, bien que ces dernières sèment la controverse.
De leur côté, certains acteurs du BTP français pensent certes qu'énergie verte il doit y avoir, mais complétée par un déploiement de travaux renforçant l’efficacité énergétique des bâtiments. Et tout particulièrement dans la rénovation de l’existant, où les travaux doivent être globaux, pour endiguer les pénuries et l’inflation du prix des énergies.
Reste à savoir si Elisabeth Borne, nommée récemment Première ministre, saura mener la barque des énergies renouvelables fixée par l’Europe à l'échelle hexagonale. Dans tous les cas, les États-membres ont déjà annoncé un embargo sur le gaz russe d’ici août prochain, tandis qu’un embargo sur le pétrole pour fin 2022 est en cours de discussion.
Virginie Kroun (avec AFP)
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