Le biofioul, bientôt distribuable en France ?
C’est officiel depuis juillet dernier : l’installation de nouvelles chaudières fioul domestiques est interdite en France.
Annoncée depuis trois ans et entérinée par un décret publié le 5 janvier dernier, l’interdiction est un des dossiers de la crise énergétique à l’approche de l’hiver. Il faut dire qu’il s’agit de la troisième énergie de chauffage en France, concernant 3,5 millions de logements, dont 3,1 millions de résidences principales, sur un parc d’environ 30 millions.
Des chiffres évoqués par la Fédération Française des Combustibles, Carburants & Chauffage (FF3C), lors d’une conférence organisée ce jeudi.
La publication d’un arrêté ministériel imminente pour la commercialisation du F30
L’occasion pour la FF3C de rassurer les ménages recourant au fioul domestique. Si sa forme traditionnelle disparaîtra de la circulation, toute nouvelle installation dont le devis est signé partir du 1er juillet 2022 sera possible si compatible minimum avec le biofioul F30. C’est-à-dire pouvant fonctionner avec du fioul composé à 30 % d’ester méthylique de colza (EMC).
Heureusement, la FF3C avait déjà anticipé cette condition, avec le lancement de la marque « Biofioul Ready ». Celle-ci rassemble une cinquantaine de références d’équipements compatibles avec le biofioul F30.
Le fruit d’un travail d’environ cinq ans, voire plus, à en croire Jean-Paul Ouin, délégué général d’Uniclima, syndicat des industries thermiques, aérauliques et frigorifiques : « On a retrouvé des travaux, avec les industriels et le Cetiat, notre centre technique d’industriels, c’était il y a plus de sept ans », explique-t-il. Aujourd’hui, la brochure qui en découle est prête, certifiée, et sera valorisée durant le prochain salon Interclima.
Défendant un mix énergétique misant sur toutes les énergies disponibles, Jean-Paul Ouin insiste également sur une « solution qui est excellente aussi, qui va arriver à sortir c’est la PAC-biofioul, qui est compatible F30 ». Peut-être suivra-t-elle le processus de décarbonation totale du fioul. Car comme rappelé durant la conférence, le F30 n’est qu’une étape vers le passage au F100, prévu entre 2032-2035, avec une progression vers le F55 en 2028.
Encore faut-il que l’arrêté ministériel autorisant sa mise en marché soit publié. Selon Eric Layly, président de la FF3C, la parution était prévue en juin dernier. Seulement, « on a eu hier la confirmation que cet arrêté a bien été signé par la ministre de la Transition énergétique et qu’il était dans le circuit de signature habituel », précise-t-il. Autrement dit, l’apparition du texte dans le Journal Officiel « n’est qu’une question de jours ».
61 % de ménages utilisateurs du fioul souhaitent conserver ce mode de chauffage
Pourtant, aujourd’hui, 300 points de vente répartis sur tous les départements de France sont déjà prêts à livrer le biofioul F30 aux ménages. D’autant que la logistique française actuelle « est tout à fait adaptée pour des carburants et combustibles bas carbone », assure Hakim Britel, président de la fédération des Pétroliers Indépendants (FFPI).
Pas besoin donc de changer le mode de distribution aux ménages concernés. D’après une enquête menée par Opinion Way en juillet dernier pour la FF3C, 80 % du panel interrogé serait enclin à recourir au biofioul en remplacement du fioul domestique. 51 % pourraient même adapter leurs équipements en changeant leur brûleur pour un compatible au F30.
Bémol cependant : alors que le gouvernement tend à gérer la crise énergétique liée aux hausses des prix, 38 % des utilisateurs de fioul envisagent de payer plus cher leur énergie. Or le passage au biofioul F30 reviendrait à une installation à 5 voire 10 % plus cher. « Si le gain de consommation d’une chaudière neuve à haute performance énergétique, de 25 à 30 %, permet de gommer le surcoût lié à l’usage du biofioul, ce n’est pas le cas pour les chaudières existantes dont la longévité dépasse les 25 ans », nuance de son côté Frédéric Plan, délégué général de la FF3C.
Le biofioul, une énergie cohérente avec la stratégie européenne bas carbone ?
La production du biofioul est locale, 100 000 agriculteurs cultivant du colza en France, ce qui assoit la souveraineté du pays sur ce point au sein de l’Union européenne.
« Tous nos voisins regardent la France », assure Sandrine Devos, déléguée générale d’Eurofuel, association des acteurs européens du fioul et des combustibles liquides pour le chauffage domestique. Selon l’intéressée, « la démarche française est tout à fait cohérente avec les ambitions européennes », en termes de stratégie bas carbone.
Question toutefois : avec la séchéresse actuelle, les récoltes de colza ne sont-elles pas en péril ? Les récoltes ont été très bonnes grâce à la luminosité, donc les plants de colza « se sont montrés résistants à l’entrée de l’automne et n'ont pas été trop impactées par des prédateurs, insectes et autres », nous répond Guillaume Chartier, agriculteur et administrateur au sein de la Fédération française des producteurs d’oléagineux et de protéagineux (FOP).
Virginie Kroun
Photo de Une : Amandine Duport